Suivi post-opératoire du pontage aorto-coronarien - L'Infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

Surveillance

CAHIER DE FORMATION

POINT SUR

Marie Fuks*   Pr Alain Cohen-Solal**  


*chef du service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP) et membre de la Société française de cardiologie

Le pontage coronarien représente 25 000 actes par an en France. Ce geste, parmi les plus complexes de la chirurgie cardiovasculaire, affaiblit considérablement le malade et impose de mettre en place un temps de reconditionnement physique et de réadaptation cardiovasculaire post-opératoire.

Le pontage aorto-coronarien

→ Cette chirurgie consiste à court-circuiter les rétrécissements des artères coronaires responsables des douleurs d’angine de poitrine (le cœur moins bien perfusé souffre) lorsque la dilatation intraluminale avec mise en place d’un stent, moins invasive, n’est pas techniquement ou médicalement possible (lésions très calcifiées, sujet ne pouvant prendre des antiplaquettaires, lésions trop nombreuses…).

→ En pratique, le sang est dérivé à partir de l’aorte vers les artères coronaires en aval du rétrécissement soit à l’aide d’un greffon de veine saphène, soit, plus fréquemment aujourd’hui, en utilisant du matériel artériel, et notamment les artères mammaires (artères qui vascularisent la partie antérieure de la cage thoracique) qui ont une longévité plus importante. Le pontage aorto-coronarien réalise ainsi un " pont " sanguin permettant de rétablir un débit coronarien capable de restaurer l’équilibre entre les besoins et les apports en oxygène de l’organisme.

À noter : la multiplicité des pontages réalisés lors d’un pontage aorto-coronarien est directement corrélée à la mauvaise qualité du lit artériel mais n’est pas nécessairement représentative de la gravité de la pathologie.

La rééducation cardiaque

Proposée depuis une trentaine d’années, peu après les premiers pontages, la rééducation cardiovasculaire s’est imposée comme une nécessité car cette chirurgie est associée à des suites opératoires parfois complexes nécessitant une surveillance rapprochée (lire l’encadré) et entraînant un déconditionnement physique important, un amaigrissement et une fatigue, voire une anémie. Elle est réalisée dans les deux tiers des cas en résidentiel, dans des centres spécialisés, et dans un tiers des cas en ambulatoire. Elle a pour objectif la remise en condition physique, l’optimisation des traitements, la prise en charge des facteurs de risque ainsi que l’accompagnement des patients vers un retour à la vie normale.

Reconditionner physiquement le patient

Resté longtemps allongé dans les suites opératoires, le patient doit être remis à l’exercice non seulement pour qu’il revienne à la situation antérieure mais aussi pour inscrire l’activité physique dans ses habitudes de vie. En effet, elle favorise la dilatation de l’ensemble des vaisseaux (y compris les vaisseaux pontés) et constitue l’un des meilleurs traitements de la maladie coronaire.

Optimiser les traitements

La période de réadaptation per met également d’optimiser les doses de médicaments (bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antiplaquettaires, statines), en augmentant progressivement les doses de statines jusqu’à l’obtention d’un taux de cholestérol répondant aux normes internationales ou en ajustant les bêtabloquants afin d’obtenir une fréquence cardiaque telle que recommandée par les sociétés savantes. Ce temps donne aussi l’occasion de faire un point et de prendre en charge les comorbidités (diabète, apnée du sommeil, carence en fer…) et de mettre en place, corriger ou adapter les traitements et les comportements des patients.

Insister sur les facteurs de risque cardiovasculaire

Dans le cadre de l’éducation thérapeutique, en fonction du contexte du patient, sont abordés l’aide à l’arrêt du tabac, la consommation d’alcool, ou les moyens de contrôler le poids et la pression artérielle notamment grâce à l’activité physique, l’hygiène globale de vie et la diététique. Le patient se trouve dans les meilleures conditions pour bénéficier d’informations personnalisées et prendre conscience du rôle qu’il peut jouer afin de maîtriser ces facteurs de risque.

Accompagner le retour à la vie normale

La chirurgie cardiaque constitue un temps éprouvant dans la vie du patient et il est important qu’il bénéficie d’une information éclairée et des réponses à toutes les questions qu’elle engendre. Il doit entre autres savoir que la circulation extracorporelle peut provoquer des troubles cognitifs mineurs réversibles dans le temps, une perte de poids, un essoufflement et des douleurs fortes au niveau du sternum. Celles-ci sont parfois plus gênantes que ce qu’il ressentait avant l’intervention du fait de son angine de poitrine, ce qui est très anxiogène. Tous ces effets sont transitoires et le fait de les prévenir contribue à le rassurer et lui permet de passer ce cap plus sereinement. Par ailleurs, certaines questions relatives à la reprise du travail, aux activités sportives et à la sexualité doivent être abordées car elles peuvent préoccuper le patient.

Sexualité

En soi, le pontage aorto-coronarien n’a aucune raison d’altérer les performances sexuelles du patient et il convient de le rassurer sur ce point. Toutefois, il est important de lui expliquer que certains traitements en revanche (notamment bêtabloquants) peuvent avoir des effets sur la libido et l’érection. Dans ce cas, le cardiologue peut, au cas par cas, être amené à diminuer, voire supprimer les bêtabloquants. Par ailleurs, le vécu psychologique d’une intervention sur un organe vital comme le cœur peut aussi engendrer des répercussions sur le plan sexuel. Dans ce cas, un accompagnement psychologique et la prescription compensatoire de Viagra peuvent être mis en place. Cependant, l’usage du Viagra n’est pas toujours possible, notamment chez les patients sujets à des hypotensions sévères ou chez ceux qui déclenchent des crises d’angine de poitrine lors des rapports sexuels. La trinitrine est alors nécessaire.

Reprise du travail et des activités de loisir

Au terme de la rééducation, une épreuve d’effort permet de quantifier l’intensité de l’activité physique que le patient peut pratiquer. Le médecin lui communique alors les informations sur ce qu’il peut faire ou non. Par exemple : « Courir jusqu’à une fréquence cardiaque de 120 (contrôlée à l’aide d’une montre de sport par exemple), pratiquer le basket et le vélo, mais éviter le football et le tennis. » Des brochures sont également remises aux patients afin de les aider à inscrire la pratique de l’activité physique dans leurs habitudes de vie.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Suites opératoires du pontage aorto-coronarien

→ Douleurs assez importantes au niveau du thorax et de la cicatrice qui empêchent le patient de respirer normalement et de déambuler, et qui lui coupent l’appétit.

→ L’impact des douleurs sur la fonction respiratoire favorise la formation de sécrétions et le développement d’infections pulmonaires, d’atélectasies (zones qui ne s’ouvrent pas complètement), d’épanchements pleuraux inflammatoires, voire, dans 10 % des cas, une réaction inflammatoire au niveau du cœur (péricardite). Ces infections peuvent survenir entre le 8e et le 15e jour post-opératoire.

→ Autre risque d’infection rare mais grave : les médiastinites (infections du médiastin consécutives à la sternotomie). Potentiellement mortelles, elles imposent des séjours hospitaliers de trois à cinq mois.

→ Soins post-opératoires de retrait de drain, d’électrode temporaire de stimulation cardiaque, pansements au niveau de la cicatrice du sternum.

Ces suites opératoires nécessitent une phase de récupération lente, tout d’abord en soins intensifs (un à trois jours) puis en service (six à dix jours).