L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

Troubles du système nerveux

CAHIER DE FORMATION

POINT SUR

Marie Fuks*   Dr Aurélie Basille-Fantinato**  


*PH neurologue, responsable de l’Unité de pathologies du sommeil et de la vigilance au CHU d’Amiens (Somme)

Le syndrome des jambes sans repos est une maladie fréquente. Certains patients sont peu gênés alors que d’autres voient leur qualité de vie considérablement perturbée avant de bénéficier d’une prise en charge adaptée. Mieux connaître ce trouble peut favoriser un repérage, une orientation adaptée et une prise en charge précoce.

Définition

Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) est un trouble sensorimoteur, caractérisé par le besoin impérieux de bouger les jambes, souvent accompagné de sensations désagréables qui surviennent souvent le soir, au repos, et qui sont calmées par le mouvement(1). Bien que décrit pour la première fois en 1685, le SJSR (ou maladie de Willis-Ekbom) reste méconnu et largement sous-diagnostiqué.

Critères diagnostiques

Le diagnostic du SJSR est clinique et sera retenu si l’interrogatoire met en évidence des sensations désagréables répondant aux quatre critères suivants :

→ elles entraînent le besoin impérieux de bouger les jambes mais peuvent parfois concerner les membres supérieurs et les autres parties du corps ;

→ elles surviennent ou s’aggravent nettement le soir ou la nuit (rythme circadien) ;

→ elles ne surviennent qu’au repos, particulièrement dans la position allongée ou assise ;

→ elles sont soulagées complètement ou partiellement grâce à des mouvements, tels que la marche ou l’étirement, et aussi longtemps que dure l’activité.

Si l’examen clinique est normal, la recherche d’un déficit en fer dans le sang est le seul examen biologique utile. Ensuite, si le traitement mis en place ne donne pas de résultat, un examen de sommeil (polysomnographie) peut être prescrit à la recherche d’un autre trouble du sommeil qui aggraverait le SJSR. Cet examen peut aussi être réalisé dans les diagnostics complexes de SJSR à la recherche d’argument supplémentaire pour étayer le diagnostic (présence de mouvements périodiques des jambes(2) par exemple). Si l’examen clinique est anormal, un électromyogramme peut être prescrit pour rechercher une éventuelle neuropathie.

Épidémiologie

Le SJSR concerne 8,5 % de la population générale, soit environ un million de personnes(3). Il est deux fois plus fréquent chez la femme (10,5 %) que chez l’homme (5,8 %) et touche tous les âges de la vie (2 à 4 % des enfants). Sa prévalence augmente avec l’âge. Chez la femme, le SJSR est exacerbé durant la grossesse. Les formes sévères concernent 2,7 % des personnes atteintes, dont 1,9 % présentent une symptomatologie quotidienne.

Une origine neurologique

Le SJSR n’est pas une maladie d’origine artérielle ou veineuse mais une maladie d’origine neurologique. Sa physiopathologie est très complexe, non complètement expliquée à ce jour, et fait intervenir différentes structures cérébrales. La dopamine, mais aussi le fer, jouent un rôle central dans la survenue du SJSR par un trouble du métabolisme du fer intracérébral et un dysfonctionnement dopaminergique. Dans une population présentant une anémie liée au fer, la fréquence du SJSR est d’environ 20 % contre 8 % en population générale. Il existe des formes idiopathiques tardives avec examen clinique et biologique normal au niveau du fer (sans cause retrouvée), des formes familiales (plus de 20 % de personnes ont, dans leurs antécédents familiaux, un apparenté au premier degré) et des formes secondaires à des médicaments (neuroleptiques, antidépresseurs, œstrogènes, antihistaminiques, lithium, caféine, antiémétiques, antagonistes du calcium) ou à des maladies particulières (diabète, insuffisance rénale…) qui peuvent déclencher ou aggraver le SJSR.

Symptomatologie, retentissements

→ Difficiles à caractériser, les sensations désagréables ressenties par les patients sont décrites avec un vocabulaire très varié : douleurs à type de brûlures (20 %), tiraillements, sensations d’insectes dans les jambes, picotements, sensations de resserrement, de torsion, de contractures, fourmillements, agacements des membres inférieurs, décharges électriques, besoin irrépressible de bouger les jambes… La sévérité des signes est variable d’une personne à l’autre et chez une même personne, d’un soir à l’autre, allant d’une simple gêne jusqu’à l’impossibilité de rester immobile.

→ Ces troubles peuvent avoir de forts retentissements sur le sommeil (insomnie) et sur la qualité de vie en raison de la fatigue chronique et de la somnolence engendrées. Les troubles de l’attention et de la concentration, la difficulté à rester assis en réunion, l’impossibilité de voyager en avion ou d’aller au cinéma, au théâtre ou au concert par exemple altèrent considérablement la qualité de vie personnelle et professionnelle des patients. Le SJSR peut aussi avoir des répercussions délétères sur l’état psychologique (apparition de troubles anxio-dépressifs consécutifs aux effets directs du SJSR, mais aussi au fait que la réalité des troubles est niée par l’entourage).

Prise en charge

Elle est adaptée à la sévérité des signes évaluée à l’aide d’une échelle d’auto-évaluation mise au point par l’International Restless Legs Syndrome(4). Elle permet d’établir s’il s’agit d’un SJSR léger à modéré relevant de conseils hygiéno-comportementaux (lire l’encadré) ou d’une maladie sévère ou très sévère justifiant la prescription d’un traitement médicamenteux.

Traitement médicamenteux

→ En cas de carence martiale, il faut rétablir l’équilibre en fer par une supplémentation à base de Tardyféron per os ou Ferinject en milieu hospitalier.

À savoir : la consommation importante de thé inhibe l’absorption du fer.

→ Traitements anti-épileptiques (prégabaline, Lyrica ; gabapentine, Neurontin) : des études montrent leur intérêt mais il n’existe pas d’AMM déposée pour traiter le SJSR avec ce type de médicaments.

→ Les agonistes dopaminergiques : le pramipexol (Sifrol) et la rotigotine (Neupro) ont l’AMM dans cette indication mais ne sont pas remboursés. Ces traitements doivent être prescrits en augmentant la dose progressivement et en arrêtant dès que l’efficacité est obtenue pour la dose la plus faible. La rotigotine est mieux tolérée au niveau digestif car administrée sous forme de patchs. Mais cette forme pouvant occasionner des réactions cutanées au niveau du site d’application, il faut changer régulièrement la zone.

→ Les opioïdes peuvent être utiles et efficaces au coup par coup.

Rôle des Idels

Beaucoup de patients n’identifient pas ce qu’ils ressentent comme une maladie. Ils associent les symptômes à une mauvaise circulation et/ou des varices, ce qui occasionne un nomadisme médical n’apportant pas de traitement adapté. Beaucoup consultent pour insomnie, ajoutant à la confusion et au retard diagnostique. L’Idel doit donc être attentive à la description des troubles et peut évoquer le SJSR, proposer toutes les règles d’hygiène de vie non médicamenteuses en première intention et, si les troubles persistent ou sont très gênants, suggérer au patient de consulter un neurologue.

(1) J. Haba-Rubio, R. Heinzer, M. Tafti, J. Krieger, « Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil », EMC (Elsevier Masson), Neurologie 17-009-A-15, 2012 (à lire via bit.ly/2NQTTzQ)

(2) Mouvements de jambe qui surviennent durant le sommeil toutes les 4 à 90 secondes, surtout en début de nuit. Souvent associés au SJSR, ils concernent généralement une seule jambe et peuvent être limités au pied ou concerner toute la jambe.

(3) Tison F. et al. « Epidemiology of restless legs syndrome in French adults: a nationwide survey: the INSTANT Study », Neurology, 2015 (à lire via bit.ly/2RdIuZ0).

(4) Consulter cette échelle d’auto-évaluation via bit.ly/2IrM5yA.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Conseils hygiéno-comportementaux

À conseiller en cas de syndrome intermittent, léger à modéré et peu gênant, pour obtenir la réduction, voire la rémission, des symptômes.

→ Respecter un rythme de vie jour/nuit régulier.

→ Pratiquer une activité physique légère en soirée (marche, stretching, flexion des genoux, vélo d’appartement, massages des jambes).

→ Réaliser des bains de pieds chauds ou froids (le froid est généralement plus efficace).

→ Se doucher les mollets à l’eau froide ou les frictionner avec une pommade ou une lotion rafraÎchissante avant le coucher.

→ Supprimer l’alcool, le café (+++), le thé et le chocolat.

→ Diminuer, voire arrêter, après avis médical, les médicaments susceptibles de déclencher ou d’aggraver le syndrome.