Sur tous les fronts - L'Infirmière Libérale Magazine n° 354 du 01/01/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 354 du 01/01/2019

 

LA VIE DES AUTRES

AILLEURS

Cécile Bontron  

« Paramedic » à Brisbane en Australie, Renée McHugh exerce un rôle dont l’équivalent français se situe entre l’ambulancière et l’IDE au SMUR. Au cœur de l’action dans sa ville, elle a aussi embarqué pour une mission de l’ONG Sea Shepherd : assurer, seule, la couverture sanitaire d’une trentaine de personnes sur un bateau en pleine mer au large du Gabon.

Assise bien sagement dans son bureau de Brisbane à gérer l’administratif, Renée McHugh ronge son frein. La paramedic australienne est plutôt du genre actif, à courir sur le terrain, mais un futur heureux événement l’oblige à laisser sa place. Pour quelques mois. Renée a un diplôme d’ambulancière mais, en Australie, il sanctionne trois années d’études postbac et donne, dans le domaine de l’urgence, davantage de responsabilités que celui d’infirmière, comme décider d’administrer un médicament. Lorsqu’elle sillonne les rues de Brisbane, elle prend en charge toutes les urgences : détresses respiratoires, cardiaques, overdoses, ou encore tous les traumas de cette ville de surfeurs de la côte Est. Elle rassemble toutes les informations sur l’environnement du patient ou le contexte de l’accident, mesure les constantes, enregistre des ECG, mais peut également prendre la décision de donner du glycérol en cas d’AVC, de l’adrénaline en cas de crise cardiaque, du Penthrox par inhalation pour soulager plus rapidement la douleur ou d’injecter de la morphine ou du fentanyl en intraveineuse. Un métier d’action qui lui convient à merveille, mais qu’elle a mis du temps à intégrer.

« Au bureau d’orientation, on m’a dit que ce n’était pas un travail pour les femmes… », se rappelle-t-elle. Elle tente la kinésithérapie, sans grande conviction, et arrête après deux ans d’études. Puis elle enchaîne les petits boulots, dans le domaine du médical, avant d’obtenir un contrat en alternance pour les trois années d’études. Aujourd’hui, Renée affiche une expérience de onze années de soins ambulanciers.

L’an dernier, elle décide d’enrichir sa pratique. Elle s’enrôle pour une mission avec l’ONG de défense des animaux marins, Sea Shepherd. Renée a pris un mois de congé sans solde et a tout quitté pour un pays qu’elle ne savait même pas situer sur la carte, le Gabon. Son rôle : assurer, seule, la couverture sanitaire d’un équipage d’une trentaine de personnes sur un bateau en pleine mer, sans escale, tout en prenant chaque jour ses huit heures de quart de surveillance. À bord, des militaires et inspecteurs des pêches gabonais et des bénévoles de Sea Shepherd devaient inspecter tous les bateaux de pêche de la zone économique exclusive du Gabon (jusqu’à 200 miles des côtes). « Depuis que je suis enfant, je veux aider l’humain, ce qui m’a menée à l’ambulance, assure-t-elle. Les sujets environnementaux et humains convergent forcément. » Dans le golfe de Guinée, ils s'entremêlent obstinément. L’équipage a dû aborder des chalutiers délabrés, avec des marins chinois, indonésiens, sénégalais ou ivoiriens travaillant dans des conditions indignes sans accès à leur passeport. Et les coéquipiers de Renée ont observé les conséquences du chalutage de fond, avec des tonnes de requins, de poissons inintéressants pour le commerce laissés pour morts sur les ponts crasseux. Sans oublier les tortues blessées par les filets. « Nous sommes en train de détruire l’océan sans que les gens ne s’en rendent compte lorsqu’ils achètent leur conserve de thon au supermarché, » soupire-t-elle.

Pendant trois semaines en mer, Renée sera confrontée à plusieurs cas complexes. Dès le premier jour, un inspecteur des pêches, qui n’était paradoxalement jamais monté sur un bateau, affiche un sévère mal de mer. Renée tente tout : antiémétiques, Stémétil, métoclopramide, scopolamine… mais l’inspecteur finit alité avec une perfusion de solution saline. Renée a également pansé une petite plaie due à la chute d’un objet dans la cuisine du bateau et réalisé l’extraction d’une mouche tropicale sous l’ongle d’un orteil.

L’expérience a marqué Renée. « L’isolement en mer avec un minimum d’installations sanitaires à portée de main était au début très décourageant, témoigne-t-elle, mais j’ai pu m’adapter. Cette expérience m’a donné l’occasion de grandir en tant que soignante et de réfléchir à la chance que nous avons en tant qu’Australiens d’avoir le système de soins de santé que nous avons. » Le retour n’en a été que plus compliqué : « Ça a été difficile de se confronter avec les patients qui croient que tout leur est dû », soupire-t-elle. Aujourd’hui l’Australienne souhaite s’investir dans des ONG humanitaires. Toujours prête à foncer… mais après bébé. 

À tous les niveaux

Comme le Canada, l’Australie a choisi de créer plusieurs niveaux de rôles infirmiers. On distingue les infirmières autorisées (Registred Nurses ou RN), qui ont un diplôme sanctionnant 3 ou 4 années d’études universitaires, et des infirmières agréées (Enrolled Nurses ou EN), possédant un certificat IV, qui pourrait s’apparenter à un bac pro en France. Les ambulanciers ont souvent un double diplôme infirmier RN/ambulancier car le cursus est commun sur de nombreux modules. Pourtant, les rôles restent limités et un double diplômé travaillant dans un hôpital ne pourra pas administrer des médicaments de manière autonome. De même, s’il exerce dans une ambulance, il ne pourra réaliser le traitement des plaies ou un soin de cathéter. Renée témoigne : « Nous espérons, qu’à terme, les rôles de l’infirmière autorisée et de l’ambulancier paramédical seront plus fluides et pourront être appliqués en fonction du niveau de formation des personnes et non en fonction du rôle dans lequel elles sont employées. »

Il dit de vous !

« J’ai du mal à saisir le concept d’infirmière indépendante ; il faut bien que quelqu’un la paie ! Notre système ici semble un peu différent du vôtre, les infirmières qui pratiquent les soins à domicile sont toutes salariées. Le patient a moins de choix lorsqu’il s’agit d’employer des infirmières à titre individuel ; tout dépend de qui prescrit le soin à domicile. Si c’est un médecin qui prescrit le traitement, alors le patient peut choisir l’agence de placement d’infirmières qu’il souhaite pour fournir l’infirmière qui viendra à son domicile. Si le patient s’est présenté dans le département des urgences d’un hôpital, ou s’il a été hospitalisé, l’hôpital l’intégrera dans son programme d’aide et de soins à domicile et enverra l’une de ses infirmières mobiles. En Australie, nous n’avons pas d’infirmière free-lance ; par contre, elles peuvent choisir de travailler pour qui elles veulent et avoir différents employeurs dans la semaine. »