L'infirmière Libérale Magazine n° 355 du 01/02/2019

 

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Hélène Colau  

L’accessibilité géographique aux infirmières s’améliore sur le territoire français, d’après une étude publiée par le ministère de la Santé en janvier. Mais certaines zones manquent encore cruellement de soignantes, notamment les communes rurales et la région parisienne.

Trouver une infirmière libérale disponible près de chez soi devient de moins en moins difficile, d’après une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) - un service du ministère de la Santé - rendue publique le 24 janvier. En croisant des indicateurs de temps d’accès au domicile des patients, de volume d’activité des soignantes et d’âge de la population locale, le service des statistiques des ministères sanitaires et sociaux a établi une moyenne nationale de 144,7 équivalents temps plein (ETP) pour 100 000 habitants en 2017, soit une accessibilité en hausse de 2,3 % sur un an. Une évolution indispensable pour garantir l’égalité de l’accès aux soins, alors que les besoins de prise en charge en ville ne cessent de croître, avec le développement des programmes d’accompagnement au retour au domicile ou encore les délégations des tâches. D’après Blandine Legendre, qui a mené cette étude, cette hausse de l’accessibilité s’explique en premier lieu par la progression du quota pour les entrées en formation de soins infirmiers (+ 70 % entre 1999 et 2017). Le nombre de soignantes devrait ainsi augmenter de 53 % entre 2014 et 2040 pour atteindre 881 000 actives en 2040. Mais aussi par une plus grande attractivité de l’exercice libéral par rapport au salariat (lire les encadrés).

« Il est vrai qu’on a beaucoup formé d’infirmières ces dernières années, car ce sont des professionnelles de santé de premier recours primordiales pour un grand nombre de Français, notamment les patients chroniques et les personnes âgées, souligne Jean-Marc Aubert, le directeur général de la Drees. D’autant plus avec le développement des pratiques avancées, qui élargissent leur champ de compétences. » Certes, mais rien ne sert de former davantage d’infirmières si elles s’installent toutes au même endroit. Ce n’est heureusement pas le cas, selon l’étude de la Drees, qui note une amélioration de la répartition géographique des libérales. En effet, entre 2013 et 2017, l’écart entre les 10 % des habitants les mieux dotés et les 10 % les moins bien dotés s’est réduit de 17 %. Toutefois, des inégalités territoriales persistent et il reste bien plus facile de trouver une libérale au sud d’un axe allant de la Meuse à la Dordogne que dans la moitié nord du pays. Les zones les mieux dotées par rapport au nombre d’habitants sont le pourtour méditerranéen, la Gironde, la Corse et les DROM (en particulier la Réunion, avec 470 ETP pour 100 000 habitants). À l’inverse, les Pays de la Loire (77 ETP/100 000 habitants), le Centre-Val de Loire (76 ETP/100 000 habitants), certaines zones de Nouvelle-Aquitaine (Vienne, Deux-Sèvres), de Normandie (Eure) et de Bourgogne-Franche-Comté (Nièvre, Jura) restent sous-dotées. C’est en Île-de-France que le déficit est le plus criant, notamment dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine (60 ETP/100 000 habitants). « Plus que les autres professions de santé, la répartition des infirmières suit une logique régionale plutôt que de type de commune, détaille Blandine Legendre. Cependant, l’accessibilité est meilleure dans les grands pôles urbains - hors région parisienne - que dans les zones rurales. »

En 2017, environ 18 % des Français résidaient dans une commune présentant des difficultés d’accès aux infirmières (libérales ou exerçant en centre de santé). On note une grande diversité dans les localités touchées, qui peuvent compter entre 3 000 et 300 000 habitants… L’étude précise que ces problèmes d’accès ne vont pas forcément de pair avec des difficultés à consulter les autres professionnels de santé de premier recours que sont les médecins généralistes et les masseurs-kinésithérapeutes. En effet, 42 % des habitants de villes manquant d’infirmières ne peinent à accéder qu’à cette seule profession. Mais il existe tout de même des zones désertées par plusieurs catégories de professionnels de santé : les couronnes rurales des grands pôles, les communes isolées et les périphéries en général. C’est là que l’accessibilité aux médecins est la plus faible, pointait en octobre 2018 une autre étude de la Drees, révélant que 10 % des Français contactant un généraliste devaient attendre plus de onze jours avant d’obtenir un rendez-vous.

Pour lutter contre ces déserts médicaux, la délégation de tâches aux infirmières est souvent évoquée… « Mais globalement, les libérales sont encore moins bien réparties sur le territoire que les médecins généralistes, remarque Jean-Marc Aubert. Cela ne cadre pas avec la logique de substitution, qui ne serait possible que s’il n’y avait pas de zone sous-dotée à la fois en médecins et en infirmières. » Selon l’étude, près de 9 % de la population résident dans de telles communes.

UNE RÉMUNÉRATION ATTRACTIVE

Depuis le début des années 2000, la croissance des effectifs libéraux est plus marquée que pour l’ensemble de la profession (+ 7 % par an en moyenne contre + 5 %), d’après la Drees. En 2017, 4,5 % des infirmières diplômées depuis trois ans avaient ainsi choisi l’exercice libéral. Le niveau de rémunération est peut-être en cause : ces dernières déclarent un revenu supérieur de 28 % à celui des salariées. Avec une prime aux « post-initiaux », qui ont déjà travaillé avant d’obtenir leur diplôme : ils gagnent en moyenne 9 % de plus que les « primo-sortants ».

LE CHÔMAGE EN PROGRESSION

Si de plus en plus de soignantes se tournent vers le libéral, c’est peut-être aussi parce que le marché de l’emploi n’est plus au beau fixe depuis quelques années. D’après une seconde étude de la Drees, à la fin de 2017, 21 000 infirmières à la recherche d’un poste en soins généraux étaient inscrites sur les listes de Pôle emploi, portant le taux de chômage dans la profession à 4,2 %. Un niveau faible par rapport à la moyenne française mais qui a explosé depuis 2010 (+ 126 %). Plus préoccupante encore, l’augmentation du chômage de longue durée : fin 2017, 30 % des inscrites à Pôle emploi l’étaient depuis plus d’un an, contre 19 % fin 2009. « La hausse démographique des infirmières commence à entraîner des difficultés d’emploi, si bien que dans cinq à dix ans, leur taux de chômage pourrait se rapprocher de celui de la population générale », commente Jean-Marc Aubert, directeur général de la Drees. Une hypothèse à laquelle ne croit pas Muriel Barlet, sous-directrice de la Drees : « Avec le vieillissement des baby-boomers, la demande de soins infirmiers va croître, prédit-elle. La tendance devrait donc s’inverser. »

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