CAHIER DE FORMATION
SAVOIR FAIRE
Les objectifs doivent rester raisonnables : si le patient est insomniaque depuis dix ans, il ne peut retrouver rapidement des nuits réparatrices. L’essentiel est de rester motivé en modifiant petit à petit certaines habitudes.
→ Se lever et prendre ses repas à heure régulière « structure » la journée et régule l’horloge biologique interne, qui a besoin de ce type de signaux réguliers pour se synchroniser en permanence.
→ Recommander de se lever à heure fixe, même le week-end, de ne pas rester exagérément au lit pour rattraper du sommeil en retard et d’éviter les siestes (ou pas plus de trente minutes et jamais après 16 h). Le corps va progressivement être en manque de sommeil, et l’endormissement, à une heure raisonnable sera plus facile, à condition que les conditions propices au sommeil soient réunies (voir ci-dessous).
→ Encourager le patient à se coucher dès qu’il se sent somnolent et pas uniquement fatigué.
→ Proscrire toute activité en lien avec le travail, le divertissement, la vie sociale dans la chambre : pas d’écrans.
→ Dédramatiser les éveils nocturnes : ces éveils sont physiologiques à la fin de chaque cycle de sommeil. Encourager le patient à se lever si l’éveil dure plus de vingt minutes (changer de pièce si possible, ou s’asseoir et faire une activité agréable et reposante : lecture…).
→ Éteindre les écrans trente minutes à une heure avant le coucher (téléphone mobile, télévision, tablette, ordinateur…), car ils diffusent une lumière bleue qui retarde la sécrétion de la mélatonine. Utiliser des lunettes qui filtrent ces longueurs d’ondes ou baisser la luminosité de l’écran ne sont pas de « bonnes solutions », car la stimulation cognitive ou émotionnelle liée à l’utilisation des écrans va à l’encontre du processus d’endormissement.
→ Proscrire la prise d’excitants après 17 h : boissons à base de caféine (café, thé, cola…). Éviter l’alcool au repas du soir : ce dernier, après un effet sédatif de courte durée, est à l’origine d’un sommeil plus léger et fragmenté avec des éveils nocturnes. Ne pas fumer avant le coucher ni en cas de réveil la nuit : la nicotine est un stimulant.
→ Éviter l’activité physique pendant les trois à quatre heures précédant le coucher. En revanche, la pratique d’une activité physique quotidienne et une exposition à la lumière dès le matin participent au bien-être (limitation du stress notamment) et à la synchronisation de l’horloge interne.
→ Privilégier des activités calmes trente minutes à une heure avant le coucher : lecture, écoute de musique… Peu de temps avant le coucher, mettre en place un rituel qui a des effets rassurants et diminue l’hyperactivation (se mettre en pyjama, fermer les volets ou les rideaux, se brosser les dents…). Diminuer la luminosité de la pièce en favorisant un éclairage d’appoint par exemple.
→ Autres : éviter les repas copieux et/ou gras le soir, qui induisent une digestion difficile ; pas de douche ou de bain chaud juste avant de se coucher (l’élévation de la température corporelle s’oppose à l’endormissement) ; maintenir dans la chambre une température inférieure ou égale à 18 °C, réduire les bruits (ou porter des bouchons d’oreille).
Les conseils d’ordre général cités ci-dessus sont applicables avec néanmoins des spécificités sur certains points.
→ À l’inverse des consignes habituelles, l’usage d’un ordinateur ou d’une tablette le soir, si la personne y prend plaisir, peut aider à retarder l’heure du coucher dans le cas d’une avance de phase, de même qu’une activité de groupe en soirée (bridge, cinéma…).
→ Il faut veiller à une exposition suffisante à la lumière naturelle (sortir autant que possible, jardiner, sinon ouvrir les volets), à une activité physique suffisante en journée (promenades ou, si la personne est alitée, séances de kinésithérapie régulières).
→ Une sieste post-prandiale n’est pas déconseillée mais elle doit être limitée à quarante-cinq minutes.
→ Une activité sportive en groupe dans la matinée, appréciée par le jeune, peut aider à réguler les rythmes biologiques.
→ La luminothérapie et la prise de mélatonine peuvent être une indication (lire l’encadré p. 45).
Mme D. dort très mal depuis plusieurs mois. Elle se couche vers 23 h, mais ne s’endort pas avant 1 h du matin et a l’impression d’avoir un sommeil fragmenté. Heureusement, elle se rattrape un peu le week-end en faisant des siestes ou en dormant très tard le matin.
Rester au lit le week-end ou faire des siestes en pensant « récupérer » d’un mauvais sommeil ne fait qu’entretenir le cercle vicieux de l’insomnie et dérègle davantage le sommeil. Mme D. doit s’efforcer d’avoir un rythme régulier de levers, même le week-end, en évitant les siestes.
Dr Marie-Françoise Vecchierini, neuropsychiatre, centre du sommeil et de la vigilance, Hôtel-Dieu, Paris.
« La luminothérapie consiste à s’exposer à une lumière de forte intensité qui permet d’inhiber la sécrétion de mélatonine. Elle est surtout utilisée lors de retard de phase, notamment chez les adolescents et jeunes adultes se couchant très tard. Une séance de trente minutes de luminothérapie est alors prescrite le matin dans le but de « stimuler » l’organisme et d’avancer la phase de sommeil. Souvent, on l’associe à la prise de mélatonine en préparation magistrale. Plus rarement, la luminothérapie est utilisée chez le patient âgé présentant une avance de phase (endormissement et lever précoces) : dans ce cas, les séances ont lieu le soir pour aider le patient à se maintenir éveillé. Les lampes de luminothérapie s’achètent dans le commerce. Attention, il faut les utiliser en suivant les consignes du médecin spécialiste (moment d’utilisation, durée) qui aura vérifié l’absence de contre-indications : pathologies oculaires (DMLA, glaucome…) ou prise de médicaments photosensibilisants. »
Différentes approches peuvent aider à lâcher prise et à se libérer des tensions musculaires et/ou du flot de pensées quotidiennes qui gênent l’endormissement. D’efficacité variable lorsqu’elles sont utilisées seules, ces techniques s’intègrent souvent dans le cadre d’une thérapie cognitivo-comportementale (TCC).
→ Méditation pleine conscience : fondée sur l’autocontrôle, elle vise à ramener systématiquement l’attention sur l’instant présent et à « contrôler » le flot de pensées et les ruminations. Les programmes classiques orientés vers la diminution du stress (MBSR, Mindfulness-Based Stress Reduction) se sont enrichis de programmes adaptés à l’insomnie (MBTI, Mindfulness-Based Therapy for Insomnia). Des études ont montré l’efficacité de ces techniques pour améliorer le sommeil, avec néanmoins des résultats modestes.
→ Biofeedback : plusieurs études ont montré son efficacité dans le traitement de l’insomnie. Le procédé consiste à enregistrer une information sur le fonctionnement d’un système physiologique et à développer des stratégies de contrôle de ce système. Dans l’insomnie, l’enregistrement du travail cardiaque (cardiofeedback) et respiratoire est le plus utilisé. Grâce à un capteur de pouls relié à l’ordinateur, le patient mesure en temps réel sa cohérence cardiaque (correspondant à une variabilité de la fréquence cardiaque qui, si elle est ample et régulière, ce qui est le cas lors d’émotions positives, participe à la détente et à la maîtrise des émotions) et apprend à la contrôler par sa respiration.
→ Hypnose : des techniques d’autohypnose ont montré une certaine efficacité pour diminuer la latence d’endormissement.
Attention ! La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) met en garde contre la forte médiatisation de ces techniques, qui conduit à des dérives de certaines thérapies (hypnose et méditation pleine conscience notamment), parfois à des dérives sectaires.