L’insomnie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 356 du 01/03/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 356 du 01/03/2019

 

CAHIER DE FORMATION

Savoir

L’insomnie est définie par une plainte de mauvais sommeil associé à des répercussions diurnes, qui touche 20 à 30 % des adultes au cours de leur existence. Elle nécessite une prise en charge précoce pour éviter une chronicisation qui deviendrait difficile à traiter. Par ailleurs, sa prise en charge ne repose pas uniquement sur les traitements médicamenteux.

L’insomnie est le plus fréquent des troubles du sommeil. En France, 20 à 30 % des adultes présenteront au cours de leur vie une insomnie occasionnelle ou avec un faible retentissement sur la vie quotidienne, et environ 10 % souffriront d’insomnie sévère, en particulier chronique (1). La prévalence de l’insomnie augmente avec l’âge, mais quel que soit l’âge, les femmes sont plus souvent insomniaques que les hommes (2).

DÉFINITION

L’insomnie se caractérise par une plainte de mauvais sommeil associé à des répercussions diurnes : fatigue, perte de concentration, irritabilité… On distingue plusieurs grands types d’insomnie :

→ selon sa durée : on parle d’insomnie d’ajustement (ou occasionnelle ou transitoire) si les troubles durent moins de trois mois, et d’insomnie chronique s’ils évoluent depuis plus de trois mois ;

→ avec ou sans comorbidités :

insomnie non comorbide : il n’est pas ou plus retrouvé de causes évidentes à l’insomnie. Le plus souvent, il s’agit d’insomnie primaire psychophysiologique : un facteur initial stressant (psychologique ou physique) amène le patient à avoir un comportement inadapté (lever tard pour récupérer, siestes…) et une angoisse du sommeil (hyperfocalisation sur le sommeil…) perpétuant les troubles. L’insomnie évolue alors pour son propre compte et s’auto-entretient ;

insomnie avec comorbidité (insomnie secondaire) : l’insomnie est liée à une pathologie (mentale, physique…), à la prise de médicaments ou de toxiques, à des troubles du rythme veille-sommeil ou à un environnement impropre au sommeil (voir les facteurs de risque page ci-contre).

RAPPELS SUR LE SOMMEIL

Son organisation

Schématiquement, le sommeil se caractérise par la succession de quatre à six cycles de quatre-vingt-dix minutes environ chacun ; chaque cycle est séparé du suivant par un bref éveil dont on ne se souvient généralement pas au lever (lire l’encadré sur les différents stades du sommeil page ci-contre).

Sa « normalité »

La durée « normale » du sommeil dépend de l’âge :

→ chez l’adulte, la durée du sommeil est en moyenne de sept à huit heures, avec une importante variabilité interindividuelle. En plus des « gros » et « petits » dormeurs, il existe des « couche-tard/lève-tard » et des « couche-tôt/lève-tôt ». Quel que soit le profil d’un individu, déterminé génétiquement, la durée du sommeil lent profond reste relativement constante. Ce sont surtout les durées de sommeil léger et paradoxal qui varient ;

→ avec l’âge, la durée du sommeil nocturne diminue globalement et est souvent compensée par une sieste en journée. Plus précisément, le sommeil lent profond diminue au profit d’un sommeil lent plus léger. La sécrétion de la mélatonine (voir ci-contre) tend également à diminuer. Les éveils physiologiques entre chaque cycle sont souvent perçus, pouvant donner une impression de mauvais sommeil. L’endormissement survient généralement plus tôt et le réveil, également.

Sa régulation

→ Les processus homéostasiques font intervenir différents facteurs (hormones, cytokines…), dont l’adénosine : produite lors de l’éveil, son accumulation dans la journée favorise la survenue du sommeil. Ainsi, plus la période de veille sera longue, plus le besoin de dormir augmentera et plus le sommeil lent profond sera important : c’est la « pression de sommeil ». En cas de sieste dans la journée, la « pression de sommeil » diminue, ce qui peut entraîner des difficultés d’endormissement.

→ Le rythme circadien (de circa, « proche de », et dies, « un jour »), propre à chacun, a une rythmicité proche de vingt-quatre heures. Il commande toutes les fonctions biologiques de l’organisme (pression artérielle, température corporelle, rythme cardiaque, cycle veille-sommeil). Il est déterminé par des facteurs extérieurs appelés « synchroniseurs », dont le plus puissant est la lumière. L’exposition à la lumière pendant la journée et à l’obscurité pendant la nuit contrôle en particulier la sécrétion de mélatonine par l’épiphyse (glande pinéale). Cette sécrétion, bloquée durant la journée, débute le soir, contribuant à l’endormissement, avec un pic vers 2-3 h du matin. De nombreux autres synchroniseurs influent également sur l’horloge biologique interne, comme l’exercice physique et la répartition des prises alimentaires au cours du nycthémère.

FACTEURS DE RISQUE

→ Les causes de l’insomnie sont multifactorielles, en particulier dans l’insomnie chronique, faisant intervenir des facteurs prédisposants (personnalité, hérédité…), des facteurs déclenchants (événements stressants, problèmes de santé) et des facteurs de maintien de l’insomnie, comportementaux (mauvaise habitude de sommeil, alcool…) ou cognitifs (ruminations…), qui interfèrent avec le sommeil.

→ Certains facteurs, comme les maladies chroniques ou les maladies psychiatriques, sont à la fois des déterminants et des conséquences de l’insomnie.

Âge, sexe et hérédité

Outre un âge avancé, le fait d’être une femme est un facteur de risque de survenue d’insomnie. L’hérédité joue également un rôle, puisque les patients insomniaques rapportent plus fréquemment des antécédents familiaux d’insomnie (parents ou frères/sœurs) que les patients non insomniaques.

Facteurs psychologiques

L’anxiété, le stress et la dépression seraient à l’origine de plus de la moitié des insomnies (3).

Comorbidités

L’insomnie est plus fréquente chez les patients présentant des maladies chroniques : respiratoires, cardiovasculaires, neurologiques (Parkinson, Alzheimer…), douleurs chroniques rhumatismales, etc.

Autres

→ Des médicaments peuvent être en cause (corticoïdes, bêtabloquants, certains antidépresseurs, antiparkinsoniens, hormones thyroïdiennes…) ou la prise de psychostimulants (caféine, nicotine, cannabis, cocaïne…), le sevrage d’un psychotrope ou d’un antalgique opioïde ou encore la consommation d’alcool.

→ Enfin, certains événements peuvent désynchroniser l’horloge interne et perturber le sommeil : décalage horaire, travail posté, travail de nuit.

ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

L’insomnie peut avoir de nombreuses répercussions.

Qualité de vie

Le degré d’altération de la qualité de vie serait directement proportionnel à la sévérité de l’insomnie : irritabilité, difficultés de concentration, fatigue, voire somnolence gênant les activités quotidiennes et/ou professionnelles et pouvant avoir des conséquences importantes à titre individuel ou collectif (absentéisme, accident de la route…).

Répercussions psychiatriques

Les études montrent que l’insomnie est un facteur de risque de survenue d’une dépression et qu’elle augmente le risque de consommation abusive d’alcool et de drogues.

Répercussions métaboliques

Plusieurs études rapportent que la diminution du temps de sommeil augmente les risques métaboliques (prise de poids, diabète, syndrome métabolique) et semble favoriser le risque d’hypertension artérielle (HTA) chronique, d’accident vasculaire cérébral, d’insuffisance cardiaque et d’infarctus du myocarde.

Autres

→ Des études épidémiologiques ont montré qu’il existe une augmentation du risque de cancer du sein chez des femmes ayant un travail posté ou de nuit, et que de courtes nuits de sommeil chez l’homme sont associées à un risque de développer un cancer de la prostate.

→ Il est également établi qu’une privation totale ou partielle de sommeil, à l’origine d’une durée de sommeil insuffisante, rend l’organisme plus vulnérable aux infections.

DIAGNOSTIC

→ Il repose sur la plainte du patient, qui doit porter à la fois sur le sommeil (difficultés d’endormissement et/ou de maintien du sommeil et/ou de réveil précoce) et le retentissement dans la journée. En raison de ce côté subjectif, le diagnostic peut être difficile à poser, d’où l’intérêt d’outils comme les questionnaires d’évaluation des troubles du sommeil et l’agenda du sommeil.

→ L’insomnie chronique est définie par des troubles apparaissant au moins trois nuits par semaine pendant plus de trois mois.

Interrogatoire

Il doit idéalement être minutieux afin d’explorer les habitudes de vie (comportement juste avant le coucher, horaires de coucher et d’éveil, utilisation d’écrans avant le coucher…), l’environnement de la chambre (bruit, éclairage…), les maladies associées ou les antécédents familiaux. Concernant les plaintes nocturnes, un délai d’endormissement supérieur à trente minutes est généralement considéré comme long. Les éveils nocturnes doivent être gênants et conduire à des difficultés de réendormissement (des éveils brefs étant habituels en cas de sommeil « normal » et d’autant plus perçus avec l’âge). Concernant le retentissement diurne, il peut exister une fatigue, une somnolence, des troubles de la concentration, une altération de la vie sociale et professionnelle, des troubles de l’humeur (irritabilité…).

Recherche de comorbidités

L’insomnie peut être isolée ou associée à d’autres pathologies, qu’il convient d’identifier : dépression et anxiété le plus souvent, syndrome des jambes sans repos (cause fréquente d’insomnie d’endormissement et de maintien), syndrome d’apnées du sommeil (évoqué en cas de ronflements, arrêts respiratoires, surpoids, obésité, existence d’une HTA ou d’un diabète, notamment), pathologies à l’origine de douleurs (rhumatismales, neurologiques…) ou d’une gêne physique (reflux gastro-sophagien…), introduction d’un nouveau médicament.

Outils

Questionnaires du sommeil

Ils reprennent les différents éléments de l’interrogatoire de façon à être le plus exhaustifs possible. Peuvent s’y ajouter des questionnaires d’évaluation de l’intensité de l’insomnie ou de la somnolence.

Agenda du sommeil

Le patient y reporte, sur une période de deux à trois semaines, ses horaires de coucher, d’endormissement, d’éveils nocturnes, de lever, de sieste, de somnolence et le ressenti dans la journée. Il se remplit donc au lever pour noter le retentissement nocturne, et le soir pour retranscrire le retentissement diurne. Il reflète la perception que le patient a de son sommeil et permet de suivre son évolution.

Actimétrie

Il s’agit d’un examen du rythme repos-activité, en partie reflet du rythme veille-sommeil, qui permet d’objectiver la plainte du patient et/ou de pallier des difficultés à « tenir » l’agenda du sommeil (adolescents, personnes âgées…). Il est réalisé grâce à un actimètre porté au poignet jour et nuit durant une semaine et qui détecte l’accélération des mouvements. L’actimétrie n’est pas utilisable en cas de troubles moteurs (maladie de Parkinson…) ou d’alitement.

PRISE EN CHARGE

Stratégie thérapeutique

→ La mise en place des mesures contribuant à un bon sommeil et la correction des mauvaises habitudes constituent un préalable à tout traitement et, en cas d’insomnie aiguë, sont indispensables pour prévenir une chronicisation des troubles.

→ Si la prise d’un hypnotique peut être une aide en cas d’insomnie aiguë, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est reconnue par les spécialistes comme étant l’approche à privilégier dans l’insomnie chronique.

→ Lorsque l’insomnie est secondaire à une pathologie, la prise en charge de cette dernière s’impose.

Indication d’un hypnotique

→ En cas d’insomnie aiguë récente, la prescription d’un hypnotique, sur une courte durée, peut aider à passer un cap. L’arrêt du traitement doit être planifié dès le début de la prescription, de manière à en limiter la durée. Celle-ci ne doit pas dépasser quatre semaines, période de sevrage avec réduction de posologie incluse, et doit se faire à la plus faible dose efficace. La zopiclone a une AMM « à la demande », en prise discontinue, pour pallier des nuits difficiles, en réponse à un événement ponctuel identifié.

→ En cas d’insomnie chronique, le traitement de référence est la TCC. Un hypnotique n’est pas recommandé.

→ Chez le sujet âgé (généralement de plus de 65 ans polypathologique ou de plus de 75 ans), une prise en charge non médicamenteuse est privilégiée, avec la correction des erreurs d’hygiène du sommeil et, si besoin, une TCC. Les benzodiazépines et les antihistaminiques, qui exposent à des chutes et à un risque de confusion mentale, doivent être évités. « Si un médicament est vraiment nécessaire, la mélatonine est indiquée en première intention, dès 55 ans », indique le Dr Vecchierini. Le traitement est limité à treize semaines. La mélatonine n’est cependant pas efficace si l’insomnie est en rapport avec un trouble anxieux.

Choix de l’hypnotique

→ Il s’effectue parmi les benzodiazépines ou les molécules apparentées (zolpidem, zopiclone). Certains antihistaminiques (doxylamine, alimémazine, hydroxyzine) ont une AMM dans l’insomnie mais avec une efficacité hypnotique moindre.

→ Les différentes benzodiazépines font « gagner » environ une heure de sommeil par nuit. « Globalement, elles accroissent légèrement la durée du sommeil en augmentant la durée du sommeil lent léger, mais celle du sommeil lent profond, le plus réparateur, est diminuée », explique le Dr Vecchierini. Une molécule à demi-vie courte est privilégiée en cas d’insomnie d’endormissement. Une molécule à demi-vie intermédiaire, voire longue, peut être indiquée en cas de réveils nocturnes ou de réveil matinal précoce, « mais du fait du risque d’accumulation dans l’organisme et d’effets résiduels diurnes à type de somnolence, ces molécules, notamment à demi-vie longue, sont peu employées, et proscrites chez les patients âgés », précise le Dr Vecchierini.

→ L’association de deux hypnotiques est à proscrire (majoration des effets indésirables).

Arrêt du traitement

Il doit être progressif, pour plusieurs raisons :

→ une dépendance psychique et physique peut s’installer rapidement (d’autant plus en cas d’antécédents d’addiction : alcool, opioïdes…), dès un mois de prise, et conduire à l’apparition de signes de sevrage dans les heures ou les jours (selon la demi-vie) suivant l’arrêt brutal de la molécule : rebond d’insomnie, anxiété, céphalées, irritabilité, photophobie, hyperacousie ;

→ il existe un risque d’accoutumance après quelques semaines d’utilisation, qui se traduit par une diminution progressive de l’efficacité, incitant à augmenter les doses.

Principe

→ Dans le cadre d’une insomnie aiguë, les modalités d’arrêt sont anticipées dès la prescription, avec diminution progressive des doses. Un suivi, au moins par téléphone, est recommandé à l’arrêt du traitement pour s’informer de l’évolution du trouble et de l’absence de chronicisation. Si l’insomnie persiste, une TCC est recommandée.

→ En cas de consommation chronique, l’arrêt est envisagé chez un patient motivé. En fonction de la sévérité de l’insomnie, du degré d’« addiction » à l’hypnotique (échelle cognitive d’attachement aux benzodiazépines - ECAB), de la présence d’un trouble psychiatrique (dépression…), la décroissance de posologie pourra durer de quelques semaines à plusieurs mois. En pratique, si une insomnie de rebond ou des signes de sevrage sans gravité surviennent, il est recommandé de revenir pendant quelques jours au palier précédent. Si le patient a des signes graves de sevrage (hallucinations, confusion, troubles de la vigilance, convulsions…), il doit dans tous les cas être hospitalisé. Un suivi médical fréquent et régulier s’impose.

→ Une prise en charge spécialisée (psychiatre, addictologue…) est nécessaire en cas d’addiction à l’alcool ou à d’autres toxiques, d’antécédents d’échec du sevrage ou de troubles psychiatriques sévères.

Effets indésirables des traitements

Benzodiazépines et apparentés

Les benzodiazépines sont à l’origine d’une action inductrice du sommeil, plus ou moins sédative, anxiolytique, anticonvulsivante, amnésiante et myorelaxante. Les molécules à demi-vie longue exposent à un risque d’accumulation, notamment chez le sujet âgé. Les syndromes de sevrage sont plus fréquents avec les molécules à demi-vie courte.

→ Principaux effets indésirables : somnolence, vertiges, céphalées, amnésie des faits récents, effet désinhibiteur (irritabilité, risque de comportement agressif incluant un risque suicidaire), risque d’accoutumance et de dépendance exposant à un syndrome de sevrage, troubles du comportement (irritabilité, confusion…), hypotonie musculaire. Au long cours : risque de développement précoce d’altérations cognitives de type démence. Amertume buccale pour la zopiclone.

→ Principales contre-indications : insuffisance respiratoire ou hépatique sévère, syndrome d’apnées du sommeil.

→ Prescription : la durée de prescription est limitée à quatre semaines, non renouvelable. Le zolpidem a un statut d’« assimilé stupéfiant » du fait d’abus (doses élevées sur une longue période), de détournement d’usage (effet récréatif, injection chez les usagers de drogues) et de soumission chimique. Sa prescription doit se faire sur une ordonnance sécurisée, en toutes lettres, sans chevauchement de la période couverte par une précédente ordonnance, sauf mention expresse du prescripteur.

Mélatonine à libération prolongée

La mélatonine mime les effets de l’hormone naturelle en activant des récepteurs mélatoninergiques centraux impliqués dans la régulation des rythmes circadiens et propices au sommeil.

→ Principaux effets indésirables : céphalées, rhinopharyngite, mal de dos et arthralgies.

→ Effets indésirables peu fréquents : irritabilité, nervosité, fatigue, somnolence, douleurs abdominales, nausées.

Antihistaminiques H1

→ On distingue les molécules non phénothiaziniques (doxylamine) et les molécules phénothiaziniques (alimémazine, prométhazine). Ces molécules passent la barrière hémato-encéphalique, expliquant l’effet sédatif lié au blocage des récepteurs H1 centraux.

→ Principaux effets indésirables : sédation, effets anticholinergiques périphériques (sécheresse des muqueuses, constipation, troubles de l’accommodation, palpitations cardiaques, risque de rétention urinaire) et centraux (confusion, désorientation…), tremblements, hypotension orthostatique. Pour les phénothiazines (alimémazine, prométhazine) : risque de photosensibilisation, abaissement du seuil épileptogène, agranulocytose (rare). Pour l’alimémazine : allongement de l’intervalle QT.

→ Principales contre-indications : glaucome par fermeture de l’angle, troubles urétroprostatiques à risque de rétention urinaire. Pour les phénothiazines (alimémazine, prométhazine) : antécédents d’agranulocytose avec une autre phénothiazine.

Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)

→ La TCC vise à apprendre au patient de nouvelles habitudes et attitudes pour reprendre le contrôle du sommeil. Encore sous-utilisée en France, elle a cependant fait l’objet de nombreuses études dans l’insomnie chronique et a démontré qu’elle pouvait être bénéfique dans un contexte de sevrage aux benzodiazépines.

→ Son succès repose essentiellement sur la motivation et les efforts du patient pour mettre en application les recommandations apprises, mais ses effets sont durables.

→ Quatre à six consultations en moyenne sont réparties sur quelques semaines. Le programme peut être individuel, ajusté aux besoins du patient, ou proposé dans le cadre d’un groupe. Il comporte plusieurs éléments d’apprentissage.

Restriction du temps passé au lit

Les insomniaques passent du temps au lit pour rattraper leur mauvais sommeil, mais sans forcément dormir. « Le but est de faire coïncider autant que possible le temps passé au lit avec le temps dormi afin de consolider le sommeil et d’en améliorer la qualité », explique le Dr Vecchierini. Des heures de coucher et de lever fixes sont déterminées avec le médecin : si le patient dit dormir six heures et rester huit heures au lit, la fenêtre de sommeil est initialement fixée à six heures. Puis elle est encore diminuée ou, en cas de succès, augmentée progressivement. À noter que, les premières semaines d’application, la durée du sommeil diminue, ce qui peut entraîner une somnolence en journée.

Stratégies comportementales de « contrôle par le stimulus »

Elles visent à recréer une association positive entre le lit, la chambre et le sommeil : réserver la chambre uniquement au sommeil et aux activités sexuelles, aller au lit uniquement lorsqu’on ressent le besoin de dormir, ne pas y rester plus de vingt minutes si on ne parvient pas à s’endormir (aller dans une autre pièce et lire par exemple).

Enseignement d’une « hygiène du sommeil »

L’objectif est d’identifier et d’écarter les éléments pouvant avoir un effet néfaste sur le sommeil : bruits environnementaux, lumière trop intense le soir, écrans dans la chambre, siestes en journée…

Thérapie cognitive

Il s’agit d’identifier et de modifier les idées et attitudes qui perpétuent l’insomnie : tout le monde n’a pas besoin de huit heures de sommeil par nuit ; il est normal de se réveiller la nuit ; ne pas accorder trop d’importance au sommeil ; ne pas annuler ses activités sociales, sportives ou professionnelles sous prétexte d’une nuit d’insomnie : au contraire, les maintenir en réadaptant si besoin le déroulé de sa journée.

Méthode de « lâcher-prise »

Méditation pleine conscience, sophrologie… Chez les personnes pour qui la tension musculaire ou mentale contribue à perpétuer l’insomnie, ces techniques ciblent le relâchement en se fondant pour beaucoup d’entre elles sur des techniques de respiration (lire p. 45).

(1) Haute Autorité de santé, « Prise en charge du patient adulte se plaignant d’insomnie en médecine générale », Argumentaire, décembre 2006 (lien : k6.re/cEbFW).

(2) Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, « Prévalence et facteurs socio-démographiques associés à l’insomnie et au temps de sommeil en France (15-85 ans). Enquête Baromètre santé 2010 de l’Inpes, France » (lien : bit.ly/2REMzbC).

(3) Institut national du sommeil et de la vigilance (lien : bit.ly/2Xbfkwv).

Syndromes de retard de phase et d’avance de phase

→ Le syndrome de retard de phase concerne plus particulièrement les adolescents et les jeunes adultes et consiste en un retard permanent des horaires de sommeil, avec incapacité de s’endormir et difficulté à s’éveiller à des horaires « conventionnels ». Une fois le sommeil enclenché, il se déroule en revanche normalement.

Chez l’adolescent, le trouble s’explique par un retard physiologique de l’horloge biologique interne qui survient à la puberté : l’endormissement est retardé par rapport à l’enfance. S’y ajoute l’exposition aux écrans (ordinateur surtout, tablette ou smartphone, proches des yeux), tard le soir, voire dans la nuit, dont la lumière bleue est très « active » sur l’horloge biologique. Un cercle vicieux s’installe : le jeune doit se lever le matin, d’où une dette de sommeil qu’il s’efforce de compenser par des siestes et un lever tardif le week-end. Ce qui repousse l’heure du coucher et entretient le décalage.

→ Le syndrome d’avance de phase concerne surtout la personne âgée, dont le sommeil se morcelle. L’endormissement survient plus tôt et le réveil est plus précoce. Comme précédemment, si le sujet dort selon son rythme, le sommeil est satisfaisant.

Dans ces deux situations, la prise en charge consiste à resynchroniser l’horloge biologique interne sur un rythme « plus conventionnel », grâce par exemple à la luminothérapie (lire l’encadré p. 45).

La polysomnographie

Permettant d’enregistrer différents paramètres simultanément (activité électrique cardiaque, cérébrale, musculaire, paramètres respiratoires), cet examen n’est recommandé que dans des indications précises, notamment en cas de suspicion de syndrome d’apnées du sommeil ou de syndrome des jambes sans repos, ou en cas d’insomnie chronique sévère, ou encore lorsque le traitement a échoué.

Quel hypnotique chez la femme enceinte ?

Au cours de la grossesse, les mesures non médicamenteuses sont privilégiées. Si un hypnotique est nécessaire, la doxylamine ou une molécule apparentée aux benzodiazépines est priorisée. Si l’hypnotique est pris jusqu’à l’accouchement, il faut prendre en compte le risque d’hypotonie et de troubles de la succion chez le nouveau-né ainsi que le risque de syndrome de sevrage néonatal.

Source : Centre de référence sur les agents tératogènes (www.lecrat.fr).

Particularités chez l’enfant

→ L’insomnie chronique comportementale, c’est-à-dire reposant sur des facteurs de conditionnement négatif au sommeil, est de loin la forme d’insomnie la plus fréquente chez l’enfant. Elle peut être en rapport avec des associations au coucher inappropriées (bercement, contact physique prolongé, alimentation au biberon…), des éveils nocturnes répétés (peur de dormir seul), une hygiène de sommeil inadaptée (siestes tardives, horaires irréguliers, environnement inadapté : bruits, lumière, ordinateur, écrans…) ou être liée à l’absence de limites adéquates (générant un refus à se coucher : « encore une histoire », « j’ai soif », « je veux faire pipi »…).

→ Les mesures d’hygiène du sommeil et/ou les techniques cognitivo-comportementales constituent la première démarche à mettre en place : suppression des comportements de « récompense » souvent mis en place par les parents, ajustement de l’heure du coucher, qui peut être retardée mais avec maintien de l’heure habituelle de lever, instauration d’un rituel défini avec les parents : brossage des dents, berceuse ou petite histoire, doudou, veilleuse au besoin…

→ Lorsqu’il est indiqué, le traitement pharmacologique repose sur les antihistaminiques (hydroxyzine…), prescrits sur la période la plus brève possible.