Sophia a dix ans et compte 873 000 adhérents. Cet accompagnement aide les diabétiques à réaliser les examens conseillés. Mais les résultats sur les complications du diabète sont relativement limités.
IL Y A DIX ANS, l’Assurance maladie lançait Sophia, son « service d’accompagnement pour mieux vivre avec une maladie chronique », dédié au diabète en premier lieu, et depuis 2014 à l’asthme. Fin 2018, Sophia comptait 873 000 adhérents, dont plus de 791 000 diabétiques et 72 000 asthmatiques. L’Assurance maladie disposait donc du recul nécessaire pour se livrer à une évaluation scientifique de l’efficacité du dispositif en termes de santé publique. Elle vient d’en livrer les principaux résultats. Gratuit, Sophia propose ainsi un accompagnement à distance du patient : courriers, e-mails, appels téléphoniques par 200 infirmiers-conseillers en santé. Le patient diabétique est encouragé à faire évoluer ses habitudes de vie en matière d’activité physique, de tabagisme et d’alimentation. Pour l’asthme, Sophia vise une meilleure observance des traitements de fond par les patients. « C’est une approche motivationnelle, en relais du médecin traitant », précise l’Assurance maladie.
À ses débuts, Sophia touchait majoritairement les patients les mieux suivis par leur médecin. Depuis 2015, la Cnam concentre donc ses efforts sur les patients les plus éloignés des recommandations de prise en charge. « Nous identifions dans nos bases de données les patients qui n’ont pas réalisé les examens recommandés », explique la Cnam, citant le dosage de l’hémoglobine glyquée deux fois par an, l’examen du fond d’œil tous les deux ans, et tous les ans, un bilan lipidique rénal, un électrocardiogramme, un bilan dentaire et un examen des pieds. Les patients sont contactés par courrier, par mail ou par téléphone. L’Assurance maladie est ainsi parvenue à accroître la part des adhérents plus éloignés des soins. Sophia permet de faire progresser l’observance des recommandation : chez les 86 000 nouveaux adhérents en 2015, plus éloignés des soins que les précédents, la part de ceux ayant réalisé un bilan rénal est passée de 29,2 % à 48,6 %, et pour le fond d’œil, de 42,9 % à 60,3 %. De même, ces patients réalisent plus souvent leurs dosages d’hémoglobine glyquée.
Est-ce que cette meilleure observance conduit à une diminution des complications du diabète ? Le diabète de type 2 affecte, au fil du temps, le cœur, les vaisseaux, les yeux, les reins et les nerfs. Les patients diabétiques sont hospitalisés à 69 ans en moyenne. En 2016, plus de 8 100 ont été hospitalisés pour un infarctus du myocarde transmural, plus de 19 800 pour un accident vasculaire cérébral, plus de 26 700 pour une plaie du pied, plus de 8 400 pour une amputation d’un membre inférieur, et plus de 4 400 ont été mis sous dialyse ou ont subi une greffe rénale. Au bout de la sixième année de suivi par Sophia, l’Assurance maladie observe une moindre augmentation du nombre de journées d’hospitalisation et du recours aux urgences. Mais cette diminution est très légère : 0,33 jour d’hospitalisation évité en moyenne par adhérent Sophia au bout de la huitième année de suivi. La Cnam qualifie ces résultats de « signaux intéressants sur l’apparition retardée de complications du diabète », qui doivent cependant « être interprétés avec prudence ». De même, le nombre de décès est légèrement diminué entre la cinquième et la huitième année de suivi : 3,1 décès pour 100 personnes chez les adhérents Sophia, contre 3,6 décès dans une population comparable non accompagnée. Enfin, les dépenses de santé des patients suivis par Sophia diminuent légèrement à partir de la septième année : - 289 euros pour une dépense totale de 7 833 euros.
Les adhérents de Sophia sont positifs sur le service : ils lui donnent la note de 8/10 selon une étude réalisée auprès de 1 687 patients en avril 2018. En juin 2018, la Cnam a aussi interrogé 300 médecins généralistes : 77 % jugent Sophia utile aux patients et complémentaire de l’activité du médecin, 67 % déclarent qu’il fait évoluer les habitudes de vie de leurs patients, 65 % qu’il permet de bien suivre leurs traitements. Ils sont peu nombreux à considérer que Sophia empiète sur leur activité : 27 %, contre 40 % dans une précédente enquête réalisée en 2014. Mais 56 % attendent d’être convaincus par les bénéfices de ce service.