L’agence nationale de santé publique a adopté des techniques de « marketing social ». Lors du dernier « Mois sans tabac », en novembre, des populations spécifiques ont été ciblées : les femmes, les ouvriers et les populations précaires.
DANS LE PASSÉ, les campagnes de santé publique étaient nationales, s’adressaient au grand public, coûtaient très cher… et obtenaient de piètres résultats*. L’agence nationale Santé publique France a donc changé de stratégie et adopté, sur le modèle anglo-saxon, « des techniques de marketing social, a expliqué devant la presse son directeur, François Bourdillon. C’est de la publicité, mais qui s’appuie sur de la connaissance, des données scientifiques, en particulier nos bases de données qui sont un trésor ». La campagne contre le tabac est l’exemple le plus abouti de cette nouvelle approche. Depuis trois ans, chaque mois de novembre est un « mois sans tabac ». « Mais avant de lancer cette campagne, il a fallu faire des enquêtes de prévalence, nationales et régionales, par catégories socioprofessionnelles, connaître le taux de fumeurs qui ont envie d’arrêter, les usagers de la e-cigarette, l’appréciation du paquet neutre, puis définir des cibles, des objectifs », détaille François Bourdillon. En 2018, la campagne a d’abord ciblé les femmes car, malgré une baisse historique du nombre de fumeurs d’un million entre 2016 et 2017, le tabagisme féminin continue de progresser : 21,5 % des femmes de 45-54 ans fumaient en 2000, elles sont 30,8 % en 2017. Le cancer du poumon est en passe de devenir la première cause de mortalité chez la femme, devant le cancer du sein. Santé publique France a particulièrement travaillé sur une période sensible, celle de la grossesse. En 2016, 46 % des femmes enceintes fumeuses ont arrêté avant le 3e trimestre… mais 54 % ont continué. Santé publique France a donc communiqué dans les magazines féminins et sur Internet, puisque les géants du Web sont capables d’identifier une femme enceinte ou ayant un désir de grossesse.
Les ouvriers sont un autre public particulièrement exposé au tabac, donc ciblé par Santé publique France. Pour cela, l’agence a conclu des partenariats avec de grandes entreprises qui ont relayé la campagne (Peugeot PSA, Arcelor Mittal) ainsi que de grands hôpitaux. De même, avec le Secours populaire, ont été menées des campagnes en direction des populations précaires, davantage fumeuses elles aussi.
Les campagnes sont également adaptées localement, par les agences régionales de santé (ARS), grâce aux données dont dispose Santé publique France. Cette dernière vient, par exemple, de publier des estimations régionales d’incidence et de mortalité par cancers entre 2007 et 2016. En novembre 2018, 242 000 personnes se sont inscrites pour participer au « Mois sans tabac ». Elles ont reçu un kit d’arrêt et ont pu participer au e-coaching Tabac info service, conçu par l’Assurance maladie et Santé publique France. Cette campagne donne des résultats. Selon le Baromètre santé 2017, la première édition, en 2016, aurait permis à 80 000 personnes d’arrêter pendant au moins six mois.
* Lire notre dossier dans le n° 325 d’Infirmière libérale magazine de mai 2016.