Nutrition
CAHIER DE FORMATION
Point sur
Marie Fuks* Dr Philippe Fayemendy**
*médecin nutritionniste, praticien hospitalier dans l’unité de nutrition du CHU de Limoges
Dans le cadre de leur exercice professionnel(1), les Idels sont souvent amenées à prodiguer des conseils afin de prévenir ou de traiter la dénutrition. Dans ce contexte, il est important qu’elles connaissent l’intérêt et les modalités d’utilisation des compléments nutritionnels oraux (CNO) afin d’en améliorer l’emploi, l’observance et l’efficacité.
Les CNO sont des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales (ADDFMS), composés de macro- et de micronutriments (protéines, glucides, lipides, vitamines, électrolytes, oligoéléments…). Ils sont soumis à prescription médicale et remboursés par l’Assurance maladie(2) en présence d’une dénutrition avérée ou d’un risque de dénutrition. Ils répondent de façon transitoire aux besoins nutritionnels des patients, lorsque les apports alimentaires spontanés sont quantitativement et qualitativement insuffisants. Certains CNO spécifiques peuvent également être prescrits et pris en charge pour des situations cliniques particulières : maladies métaboliques (phénylcétonurie), prise en charge péri-opératoire d’une chirurgie carcinologique digestive lourde, escarres multiples ou de stade III ou IV, etc. Ils sont administrés per os en complément de l’alimentation habituelle du patient, qui doit être prioritairement optimisée et enrichie en protéines et en énergie à l’aide d’aliments qui en sont riches (fromage, crème, œufs…).
En cas d’échec des mesures diététiques (enrichissement, fractionnement, etc.), lorsqu’aucune contre-indication ne s’y oppose (lire l’encadré), les CNO présentent l’intérêt d’apporter, dans un faible volume, une densité énergétique importante avec un apport calorique et protidique élevé. Par exemple, une unité de boisson lactée de 200 mL ou de crème enrichie de 200 g apporte généralement 300 à 400 kcal et de 15 à 29 g de protéines, permettant de couvrir environ un quart des besoins énergétiques quotidiens d’un adulte de 50 kg. Ce niveau d’apports varie néanmoins selon le type et le format du CNO. Par exemple, comparés aux boissons lactées, les jus de fruits enrichis sont moins riches en protéines à volume équivalent. La prescription des CNO doit donc être précise et détaillée et prendre en compte l’avis du patient pour proposer des produits adaptés à ses besoins nutritionnels et à ses goûts.
Les CNO existent sous de nombreuses présentations : boissons lactées, soupes, jus de fruits, crèmes, biscuits, compotes, riz au lait, plats mixés, poudres de protéines à ajouter aux préparations alimentaires, etc. Cette diversité de gamme permet de varier les textures (liquide, semi-liquide, solide, mixée, épaissie) et les arômes (salé, sucré), et d’ajuster la prescription au cas par cas, y compris en termes de tolérance et de régulation de la fonction digestive des patients (CNO avec ou sans fibres). Elle permet également d’éviter la lassitude et d’entretenir l’observance.
La prescription des CNO doit être accompagnée de conseils oraux et si possible écrits. Les Idels peuvent relayer ce soutien éducatif à domicile en veillant à ce que les patients en comprennent bien l’utilité et les bénéfices attendus et en s’assurant du bon usage des CNO. À ce titre, elles peuvent rappeler aux patients que :
→ les CNO font partie intégrante de leur traitement (bien s’alimenter aide à se soigner), mais constituent un apport transitoire qui ne se substitue pas à l’alimentation usuelle ;
→ ils doivent être pris de préférence en dehors et à distance des repas, sous forme de collation, en respectant un intervalle de deux heures entre la prise du CNO et le repas (par exemple à 10 h, 16 h et 22 h) pour préserver l’appétit. Lorsqu’ils sont prévus au moment des repas, ils ne doivent pas se substituer au repas mais être pris à la fin, en guise de dessert notamment ;
→ varier les arômes, les textures et les formes de CNO permet d’éviter la lassitude ;
→ la prise peut être fractionnée sur plusieurs collations réparties dans la journée. Par exemple, l’Idel peut conseiller de prendre une gorgée de boisson lactée à plusieurs reprises dans la matinée et éventuellement l’après-midi, et de prévoir des collations nocturnes avant de se coucher et dans la nuit lorsque le patient se lève pour aller aux toilettes. On peut également jouer sur les produits en proposant une boisson à prendre en plusieurs gorgées réparties sur toute la journée et une crème consommée en deux fois en fin de repas au moment du dessert ;
→ les produits liquides et semi-liquides doivent être agités avant emploi. Comme les crèmes et les compotes, ils se conservent à température ambiante tant qu’ils ne sont pas ouverts. Ils doivent être utilisés au jour le jour et peuvent se conserver, une fois entamés, deux heures à température ambiante et vingt-quatre heures au réfrigérateur ;
→ les CNO peuvent se consommer à température ambiante, froids, glacés (jus de fruits granité par exemple) ou chauds ; il est possible de diluer les jus de fruits jugés trop sucrés et de modifier l’arôme d’un produit de goût neutre ou vanillé par différents parfums (sirop de fruits, caramel, café, chocolat en poudre, etc.). De même, les poudres de protéines ou les boissons lactées qui ont un goût neutre peuvent être ajoutées à la purée ou au potage pour varier les modes d’administration et favoriser la prise des CNO.
Au-delà de ces conseils, les Idels peuvent s’assurer que les CNO sont bien tolérés et régulièrement consommés. Dans le cas contraire, ils peuvent suggérer des aménagements pour en faciliter la prise, ou avertir le médecin afin qu’il adapte la prescription. Pour faciliter la surveillance et l’évaluation du statut nutritionnel, le soignant peut, après accord du patient, mettre en place un carnet de suivi dans lequel seront régulièrement notés le poids du patient ainsi que les informations relatives à son alimentation, à la prise des CNO et aux difficultés rencontrées. Ainsi, face à un patient qui oublie de prendre son CNO à l’heure conseillée, l’Idel pourra proposer de mettre une alarme sur son téléphone portable ou d’associer la prise du CNO à une émission qu’il regarde quotidiennement, par exemple.
À domicile, la première prescription est effectuée pour une période d’un mois au maximum. Après une réévaluation médicale, les prescriptions ultérieures peuvent être établies pour une période de trois mois au maximum. La Haute Autorité de santé recommande de fonder cette réévaluation médicale sur le poids et le statut nutritionnel, l’évolution de la (des) pathologie (s) sous-jacente (s), l’estimation des apports alimentaires spontanés (ingesta), la tolérance des CNO et l’observance de la prescription(1).
(1) Les situationsà risque de dénutrition sont détaillées dans les recommandations 2007 de la HAS portant surla prise en chargede la dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée (consulter le lien bit.ly/2GXwZC9).
(2) Arrêté du 2 décembre 2009 relatif à la modification de procédure d’inscription et des conditions de prise en charge des nutriments pour supplémentation orale (consulter le lien bit.ly/2NCkNIr).
Contre-indications absolues
→ Obstacle digestif (occlusion haute ou basse).
→ Diarrhées sévères (les CNO ont un effet hyperosmolaire qui peut aggraver la diarrhée).
→ Troubles de conscience.
→ Refus du patient.
Contre-indication relative
Les troubles de la déglutition pour certains CNO (il existe des CNO sous forme de crème ou de boisson lactée qui peuvent être utilisés en cas de troubles de la déglutition).
Source : Dr Philippe Fayemendy.
La dénutrition peut toucher jusqu’à 70 % des patients en sortie d’hospitalisation. 4 à 10 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivant à domicile souffrent de dénutrition.
Source :
Guide pratique dénutrition (consulter le lien bit.ly/2BYRWcP).
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.