Delphine Platel est l’infirmière de l’École de danse de l’Opéra national de Paris. Au quotidien, elle accompagne une centaine d’élèves qui consacrent une grande partie de leur semaine à l’apprentissage de la danse.
Au sein de l’emblématique École de danse, comme tous les après-midis, les élèves sont en cours de danse. Au travers de la fenêtre d’une salle, il est possible de les apercevoir accomplir avec minutie des pas qu’ils vont répéter jusqu’à atteindre la perfection. L’École accueille les élèves dès l’âge de 8 ans et jusqu’à 17-18 ans. Pendant toute cette période, au moindre souci, ils peuvent faire appel à Delphine, dont la porte est toujours ouverte. Avant d’arriver à ce poste, Delphine a mené une carrière riche et variée. Après l’obtention de son diplôme en 1997, elle commence parles urgences de nuit de l’hôpital Bichat (Paris). Elle va ensuite à la Pitié-Salpêtrière en orthopédie, puis rejoint l’équipe de suppléance de l’hôpital et enfin le centre des maladies infectieuses et tropicales, « jusqu’à ce que je décide de changer de rythme et de me rapprocher de mon domicile ». Après un passage au comité de lutte anti-tuberculose du conseil régional des Yvelines, elle cherche à intégrer la protection maternelle et infantile (PMI) pour devenir directrice de crèche. Mais face à des contraintes liées à sa fonction, Delphine cherche un autre poste. Elle tombe alors sur une annonce de l’École de danse de l’Opéra national de Paris, structure qu’elle rejoint en juillet 2017, après s’être mise en disponibilité. L’École héberge les locaux de l’Éducation nationale où, tous les matins, les petits rats suivent leur programme scolaire, tandis que l’après-midi est consacré à l’apprentissage de la danse. « Je ne suis pas infirmière de l’Éducation nationale, tient à préciser Delphine. Je suis employée de l’Opéra de Paris. »
Ce qui l’a attirée dans ce poste ? « Tout d’abord la danse, que j’ai toujours appréciée et longtemps pratiquée, et le fait de pouvoir travailler auprès d’enfants », confie Delphine. Elle a aussi la possibilité de coordonner le volet médical de la structure. « Je travaille sous l’autorité du médecin du sport, le Dr Tatiana Bellot. Bien qu’elle ne soit présente qu’une fois par semaine, je m’entretiens avec elle de manière quotidienne. Je suis aussi en contact direct avec le kinésithérapeute et le nutritionniste. J’assure le lien entre eux, les enfants et les parents. Je suis une véritable coordinatrice ! » Delphine intervient uniquement dans le cadre des prises en charge liées à la pratique de la danse. De fait, lorsque les enfants sont malades, elle appelle leurs parents ou leur famille d’accueil, pour qu’ils consultent leur médecin traitant si besoin. Au quotidien, elle gère les premiers soins, pour les entorses ou les bobos. « Comme n’importe quelle infirmière, je dois agir sur prescription, rapporte Delphine. Alors, dans le doute, lorsqu’ils sont blessés, je les immobilise. Si le médecin est présent, je le contacte, sinon, c’est le kiné qui intervient pour constater une éventuelle lésion tendineuse ou ligamentaire. » Le médecin du sport a formé Delphine à l’usage d’un laser qui peut être employé pour les traumatismes des danseurs. Elle l’utilise sur prescription.« Cet appareil est une bonne alternative aux anti-inflammatoires que nous évitons de donner aux enfants, car ces médicaments peuvent amoindrir, voire cacher d’autres douleurs. S’ils en prennent, ils ne peuvent pas danser, au risque d’aggraver une blessure. » « Les élèves peuvent avoir des difficultés à se livrer lorsqu’ils ressentent une douleur, car ils craignent que nous les empêchions de danser, poursuit Delphine. Ils préfèrent parfois la cacher alors qu’il est fondamental que nous la prenions en charge rapidement. » Aussi met-elle tout en œuvre pour tisser un lien de confiance avec eux, en leur expliquant que médecin, kiné et elle sont soumis au secret professionnel. Lorsqu’elle arrive à l’École aux alentours de midi, Delphine passe systématiquement par le réfectoire afin que les enfants voient qu’elle est arrivée. « Je vais parfois les observer pendant leur cours pour m’assurer qu’ils vont bien et qu’ils ne nous cachent rien. » Et d’ajouter : « J’ai de nombreux échanges avec les enseignants et les assistants d’éducation. Je suis là pour veiller au bien-être physique et psychologique des danseurs, alors je leur fais comprendre qu’ils peuvent venir me parler. » Il arrive aussi à Delphine de travailler avec l’Éducation nationale.« Nous nous sommes rendu compte que les élèves étaient mal informés sur les conduites à risque, constate-t-elle. Avec l’assistant d’éducation, nous avons organisé des tables rondes sur le tabac, l’alcool, et nous allons prochainement faire de la prévention sur les infections sexuellement transmissibles. »
L’École de danse de l’Opéra national de Paris telle qu’elle existe aujourd’hui est l’œuvre de Claude Bessy, directrice de 1972 à 2004, « qui lui a donné son autonomie pédagogique avec son installation à Nanterre ». C’est la danseuse étoile Élisabeth Platel qui en assure maintenant la direction. En 2004, un encadrement médical spécifique a été mis en place, assurant la préparation physique et le devenir des futurs danseurs. « Depuis plus de 300 ans, l’enseignement artistique à l’Opéra privilégie la transmission directe de maître à élèves, enseignement garant de l’École française de danse, et assure la pérennité du Ballet. » L’École doit aussi se plier aux exigences du ministère de l’Éducation nationale. Les liens avec l’équipe d’enseignement général, hébergée au sein même de l’École depuis 1987, ont été renforcés, avec des projets pédagogiques communs entre la formation artistique et intellectuelle. À la fin de leur cursus à l’École, les élèves sont titulaires du Diplôme national supérieur professionnel de danseur et sont nombreux à obtenir le baccalauréat littéraire.
« J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les infirmières libérales. Elles exercent une fonction que je n’aurais jamais pu remplir. Je sais que d’un point de vue technique, j’aurais pu exercer en libéral car je suis passée par de nombreux services, j’ai donc une approche diversifiée et technique des soins. Mais j’ai toujours veillé à travailler dans des services au sein desquels je ne pouvais pas m’attacher aux patients. Or, en pratique libérale, c’est exactement ce qui peut se passer. Du point de vue de l’investissement personnel, cela aurait été trop compliqué pour moi. Si j’avais exercé en libéral, mes tournées auraient duré beaucoup trop longtemps ! »