Lors du Congrès de la médecine générale, organisé à Paris début avril, une session a été consacrée à l’exercice coordonné avec les Idels pour dédiaboliser l’arrivée des infirmières de pratique avancée.
ON PEUT PARFOIS AVOIR L’IMPRESSION QUE LES MÉDECINS GÉNÉRALISTES REGARDENT AVEC MÉFIANCE L’ARRIVÉE DES FUTURES INFIRMIÈRES DE PRATIQUE AVANCÉE (IPA), qu’ils s’inquiètent des compétences élargies des infirmières Asalée, quand ils ne signent pas des pétitions pour s’opposer à la mise en place des assistants médicaux. « Il s’agit d’une lecture inappropriée des négociations en cours », relativise, à propos de ces derniers, le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. La vice-présidente de ce syndicat de généralistes, la Dre Margot Bayart, a pour sa part organisé, lors du congrès, une session consacrée à l’exercice coordonné qui a démonté les a priori d’une partie de ses confrères. Également membre du comité de suivi de l’association Asalée, elle souligne que l’exercice en binôme avec une Idel ne peut être qu’enrichissant à condition que celui-ci soit organisé. L’objectif de la session, ponctuée de saynètes jouées par des soignants et une comédienne, a été de « montrer comment les différents dispositifs vont s’articuler les uns avec les autres dans nos cabinets, au service de nos patients », a-t-elle expliqué en introduction. Danièle Sené, infirmière Asalée dans le 18e arrondissement de Paris, a joué avec une comédienne la prise en charge d’une patiente en difficulté avec son diabète. « Dans ce type de consultation, on interroge le patient sur ce qu’il vit, pour l’aider à construire son projet de santé, a commenté ensuite Hélène Valentin, Idel Asalée qui travaille avec la Dre Bayart à Réalmont, dans le Tarn. Tout cela n’a du sens que dans un binôme entre le généraliste qui connaît le patient et l’Idel qui va le suivre en même temps. »
Anne Bramaud du Boucheron, en master de pratique avancée en premier recours à l’université d’Aix-Marseille, exerce dans une maison de santé pluridisciplinaire comme infirmière Asalée dans les Deux-Sèvres et est également porteuse d’un projet de case management IPA en Suisse. « Les protocoles de coopération comme Asalée sont un très bon exemple pour nous permettre d’accéder à davantage de délégations et aux possibilités de prescription, a-t-elle expliqué. Nous aspirons à plus d’autonomie, pas uniquement dans le domaine de la consultation, mais également dans celui de l’enseignement, de la recherche et du leadership. » Le Dr Julien Le Breton, généraliste enseignant au département de médecine générale de l’université de Paris Est-Créteil, a contribué à la création du master 2 IPA. « Sur le terrain, les pratiques avancées existent déjà, a-t-il souligné. Le cursus universitaire facilitera les actes en autonomie qui feront avancer l’équipe de soins primaires à laquelle l’IPA est nécessairement reliée. » La question qui n’est cependant pas encore réglée - la première à avoir été posée par les médecins présents dans la salle - est celle de la rémunération de ces futures IPA en libéral, d’autant que la moitié des étudiants actuels en master disent vouloir s’orienter vers un exercice en ville. « Quand je serai IPA, je continuerai probablement à rester salariée de la structure dans laquelle j’exercice aujourd’hui comme infirmière Asalée », a avancé Anne Bramaud du Boucheron. Autre inquiétude des médecins : la possibilité de prescrire. « Ce permis de prescrire se fera également dans le cadre d’un protocole », a rassuré Anne Bramaud du Boucheron.
Ces appréhensions du corps médical avaient également eu lieu dans les pays précurseurs en pratiques avancées, ce qu’ont par ailleurs mis en évidence deux sociologues participantes à la session : « En Grande-Bretagne, les pratiques avancées sont reconnues et valorisées, a expliqué Lucie Michel. Tous les médecins qui ont fait la transition il y a dix ou quinze ans avouent que cela n’a pas toujours été simple mais qu’ils ne reviendraient plus en arrière aujourd’hui. Cela a marché parce qu’il y a eu des vraies réflexions dans les équipes de soins pour faire évoluer les rôles de chacun. » Cécile Fournier a cependant souligné l’existence de nombreux freins en France, tels que « l’entre-soi médical », un « système cloisonné », des « frontières et des hiérarchies professionnelles marquées » ou encore « le paiement à l’acte ». « Il faut du temps pour construire du sens et négocier de nouvelles pratiques », a-t-elle conclu.