NÉGOCIATIONS CONVENTIONNELLES INTERPROFESSIONNELLES
ACTUALITÉ
Les négociations entre les professionnels de santé libéraux et la Cnam, qui visaient à définir les modalités de financement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ont pris fin. La balle est désormais dans le camp des syndicats qui doivent décider avant la mi-juin s’ils approuvent l’accord.
Ce sont des négociations hors normes qui se sont achevées mi-avril : pendant trois mois, 48 syndicats représentant 16 professions de santé ont planché avec l’Assurance maladie sur la meilleure manière de financer les 1 000 CPTS censées mailler l’Hexagone d’ici à 2022, selon les vœux exprimés par le président de la République en septembre 2018. Il fallait bien cela pour atteindre les objectifs ambitieux dévolus à ces nouvelles structures chargées de révolutionner les soins de ville.
Les CPTS doivent en effet relever un défi qui peut ressembler à une gageure : faire travailler ensemble, à l’échelle des territoires, des soignants libéraux qui sont par nature viscéralement attachés à leur indépendance. Comment les inciter à consacrer du temps et des moyens à des problématiques d’ordre collectif telles que la coordination des parcours, la prévention ou encore les soins non programmés ?
Pour répondre à cette question, les négociateurs ont abouti à un accord prévoyant que les CPTS percevront une double rémunération. Elles pourront tout d’abord recevoir un financement fixe, dont le montant sera compris entre 50 000 et 90 000 euros par an selon la taille de la population desservie, indique l’agence de presse APMnews. Un montant qui doit permettre de rémunérer un coordonnateur, de valoriser le temps de concertation ou encore d’acquérir du matériel.
À cette part fixe s’ajoutera une part variable, en fonction du niveau d’atteinte des objectifs fixés par un contrat tripartite conclu entre la CPTS, l’agence régionale de santé (ARS) et l’Assurance maladie. Ces objectifs porteront sur quatre missions-socles (accès au médecin traitant, organisation des soins non programmés, prévention et coordination des parcours) et deux missions optionnelles (qualité et pertinence des soins et accompagnement des professionnels). Les CPTS qui atteindront leurs objectifs dans le cadre de l’ensemble des six missions recevraient, en fonction de leur taille, entre 135 000 et 290 000 euros.
Cet accord est-il à la hauteur des tâches dévolues aux CPTS ? « Il y a un delta important entre les objectifs posés et les moyens mis sur la table », estime Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), l’un des trois syndicats d’Idels qui participaient aux discussions. Celui-ci considère qu’étant donné la « montée en charge » attendue de la part des CPTS, les financements proposés ne peuvent être vus que comme « une première étape ».
Le Dr Claude Leicher, président de la Fédération des CPTS, partage peu ou prou cet avis. « Les moyens sont au rendez-vous, mais il faudra rediscuter de leur évolution en fonction de ce qui se passera sur le terrain », estime ce généraliste. Celui-ci souligne d’ailleurs le fait que l’accord prévoit de « faire un point dans deux ans » et que cela sera probablement l’occasion d’augmenter les budgets « comme cela a été le cas pour l’accord sur les MSP (maisons de santé pluriprofessionnelles, ndlr) ».
Reste que pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l’accord, un certain effort de pédagogie sera inévitable. « Il faudra une explication de texte, estime Daniel Guillerm. Je ne suis pas sûr qu’à la lecture de cet accord, les professionnels soient en mesure de comprendre entièrement de quoi il retourne. » Les clarifications seront d’autant plus nécessaires que, dans le cadre des CPTS, les professionnels vont devoir modifier certaines de leurs habitudes, ce qui suppose qu’ils aient accepté et intériorisé la logique de cette nouvelle organisation.
Il sera par exemple inéluctable que des soignants acceptent de laisser leurs patients pendant une demi-journée pour effectuer les actions de prévention qui auront été programmées par la CPTS. « Il va falloir apprendre à nous organiser autrement, à envisager notre métier autrement », reconnaît John Pinte, vice-président du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil).
Dernier détail : la question du sort réservé à l’accord. Pour qu’il puisse entrer en vigueur, il faut que l’avenant soit ratifié par au moins deux des professions participantes (une profession étant considérée comme signataire si un ou plusieurs syndicats représentant au moins 30 % de la profession signe). Le Sniil et la FNI, par exemple, ont décidé de soumettre le texte à leurs instances entre fin mai et début juin.
« On peut être raisonnablement optimiste sur l’obtention des signatures nécessaires, juge Claude Leicher. Les professionnels doivent comprendre que les CPTS seront au service des besoins de la population, mais aussi au service de leurs propres besoins. » Reste à savoir si les différentes assemblées générales partageront cet avis.
En parallèle des négociations pluriprofessionnelles sur les CPTS, l’Assurance maladie menait des discussions n’impliquant que les syndicats médicaux. En jeu : les 4 000 assistants médicaux qui devront venir épauler les médecins dans leurs cabinets d’ici à la fin 2022 et dont la rémunération sera en partie subventionnée par la Sécu. Un accord sur le sujet a été trouvé début mai, et les syndicats doivent le présenter à leurs instances avant la mi-juin. Ce texte prévoit que les assistants médicaux devront être partagés entre deux ou trois médecins, sauf dans les zones sous-denses. Dans les déserts médicaux, un médecin pourra en effet, sur dérogation, prétendre avoir un assistant pour lui tout seul. L’aide de l’Assurance maladie sera dégressive : 36 000 euros par assistant la première année, puis 27 000 euros la deuxième, et enfin 21 000 à partir de la troisième.
Les organisations représentant les médecins semblent divisées quant à l’attitude à adopter. « Ce texte est insuffisant pour rassurer les médecins », estime par exemple le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), qui s’en remettra à la décision de ses adhérents. « Il faut prendre le temps de la réflexion et de l’analyse », juge de son côté le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, qui laissera son assemblée générale décider le 2 juin prochain. « Ce texte est le fruit d’une négociation et n’est donc pas entièrement satisfaisant, remarque-t-il. Et en même temps, il répond à un besoin des médecins et de la population, sans compter qu’il s’agit de sommes non négligeables. »