Détourner l’attention - L'Infirmière Libérale Magazine n° 359 du 01/06/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 359 du 01/06/2019

 

HYPNOSE

L’EXERCICE AU QUOTIDIEN

Hélène Colau  

Carole Molette, Idel à Montpellier (Hérault), pratique l’hypnose depuis dix ans pour gérer la douleur de ses patients et les aider à se relaxer.

« Avant d’exercer en libéral, j’ai travaillé dans un service de chirurgie où, pour gérer la douleur, on utilisait uniquement des antalgiques. Jusqu’à ce qu’une anesthésiste profite de son congé maternité pour se former à l’hypnose, ce qui semblait encore farfelu à l’époque… J’ai tout de suite trouvé cet outil intéressant. Quand je me suis installée en libéral, en 2009, j’ai choisi de me former aussi. Après quelques recherches, j’ai jeté mon dévolu sur un institut privé qui s’adressait spécifiquement aux professionnels de santé. Si de nombreuses universités proposent aujourd’hui des DU d’hypnose médicale, ce n’était pas le cas à l’époque. Dans ma pratique, j’utilise surtout l’hypnose conversationnelle pour distraire le patient, afin qu’il ne se focalise pas sur sa douleur. N’importe quel soin peut être jugé douloureux, même un “petit” pansement. Les réactions dépendent du degré d’ouverture de la personne. Certains ne veulent pas en entendre parler car ils jugent ça “étrange”, quand d’autres trouvent normal de ressentir la douleur. Ponctuellement, je propose une séance d’hypnose plus formelle : je demande au patient de focaliser son attention sur quelque chose qu’il aime - par exemple la plage - et de fixer un point sur le mur, afin d’atteindre un état de flottement. C’est très efficace pour la gestion du stress ou pour les personnes qui rencontrent des problèmes de sommeil. Je me souviens d’une jeune femme enceinte, très stressée, en pleurs, que je venais voir pour une simple injection. Démunie, je me suis rappelée que, quelques jours plus tôt, nous avions évoqué ensemble son amour de la plongée. Je lui ai proposé de retrouver ses sensations. L’hypnose m’est venue naturellement, et ça a marché. Il arrive que certains patients me contactent spécifiquement pour l’hypnose. Mais je refuse de l’utiliser pour n’importe quoi : les douleurs chroniques par exemple sont un sujet complexe qui nécessite une prise en charge par un réseau spécialisé. Je précise toujours que l’hypnose n’est pas magique. »

Antoine Bioy, professeur de psychologie clinique et psychopathologie à l’université Paris 8, auteur de L’Hypnose (PUF, 2017)

« La pratique de l’hypnose par les Idels me semble intéressante pour trois raisons. D’abord, les études montrent que quand on anticipe la douleur et l’anxiété, on commence déjà à les ressentir : en détournant l’attention des patients vers quelque chose de neutre, voire d’agréable, l’hypnose limite ce phénomène. Ensuite, elle peut éviter que ne s’installe une phobie après un soin douloureux. Enfin, travailler avec des patients détendus est plus agréable pour les soignants, cela vient renforcer la relation de soin. Pour les Idels, le plus judicieux est de se former à la communication hypnotique, ce qui est possible en trois à cinq jours, et pourrait bientôt entrer dans le cadre du DPC. Ensuite, elles peuvent envisager une formation plus longue, par exemple un DU, dans une perspective d’évolution de carrière. Mais dans ce cas, la pratique hypnotique devra toujours rester bien séparée des soins infirmiers et se tenir dans un lieu distinct. »