L'infirmière Libérale Magazine n° 359 du 01/06/2019

 

ENDOMÉTRIOSE

ACTUALITÉ

Stéphanie Hasendahl  

L’Inserm se mobilise pour la recherche contre l’infertilité. L’équipe de Marina Kvaskoff, épidémiologiste, lance un appel à participation pour les femmes atteintes d’endométriose et d’adénomyose.

Les problèmes d’infertilité touchent près d’un couple sur huit, tandis qu’une femme sur dix est touchée par l’endométriose. Aujourd’hui, on parle d’infertilité lorsqu’un couple n’a pas réussi à avoir d’enfant de manière naturelle après douze mois de tentative : 30 % de ces infertilités sont d’origine féminine, 30 % d’origine masculine (azoospermie et oligospermie), 30 % sont liées à un déficit de fécondité qui touche les deux partenaires et 10 % sont inexpliquées. Chez la femme, à l’exception des causes tubaires ou utérines, l’endométriose et les anomalies de l’ovulation sont les causes d’infertilité les plus fréquentes. « Pour ces maladies difficiles à expliquer, car complexes et multifactorielles, les axes de recherche sont à la fois biologiques et cliniques », a rappelé Christian Boitard, directeur de l’institut thématique Inserm « Physiopathologie, métabolisme, nutrition ».

Mieux comprendre les causes

Le laboratoire de Nadine Binart, spécialiste de la reproduction, travaille par exemple sur l’insuffisance ovarienne primaire. Si l’approche génétique peut aider à mieux comprendre cette pathologie, elle ne peut toutefois y remédier. En revanche, grâce à la détection d’une anomalie génétique, une prise en charge préventive peut être mise en place via, par exemple, des techniques de préservation de la fertilité. Cette recherche est d’autant plus compliquée qu’il n’y a « aucun marqueur de fertilité (excepté l’âge). Un seul variant ne cause pas la maladie », précise Charlotte Sonigo, chercheuse et médecin de la reproduction.

La recherche contre l’endométriose, syndrome complexe caractérisé par un processus inflammatoire chronique dû à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, mobilise également beaucoup d’équipes de chercheurs et notamment des épidémiologistes. Une revue de la littérature internationale parue en 2018 a permis d’identifier certains facteurs de risques établis : un faible poids de naissance, des menstruations précoces, des cycles menstruels courts, un indice de masse corporelle faible. En France, une cohorte de patientes dédiée à l’étude de l’endométriose et de l’adénomyose (endométriose restreinte au muscle de l’utérus) vient d’être mise en place sous l’impulsion de l’équipe de Marina Kvaskoff, épidémiologiste et chercheuse à l’Inserm : la cohorte ComPaRe Endométriose*. En moins de six mois, déjà plus de 8 000 femmes ont rejoint l’étude. L’objectif est de recruter 15 000 à 20 000 participantes. « Nous cherchons tout d’abord à explorer l’histoire naturelle de la maladie. Nous ne savons pas comment évoluent les symptômes et les caractéristiques de la maladie au cours du temps », indique la chercheuse. Cette étude devrait également permettre de décrire les circonstances du diagnostic et les parcours de soins des patientes et d’examiner l’impact de la maladie sur leur quotidien.

Vers la fin de la chirurgie ?

Avant d’envisager un traitement, la première étape est de réduire le temps de diagnostic de l’endométriose, qui est estimé entre sept à dix ans. « Nous travaillons actuellement à l’élaboration d’un score diagnostique basé sur une dizaine de questions à partir desquelles le médecin pourra poser un diagnostic fiable à 85-90 %. Ce score peut être complété par des examens radiologiques », indique Charles Chapron, chef du service de gynécologie chirurgicale de l’hôpital Cochin (AP-HP) et chercheur à l’Inserm. « En revanche, la chirurgie ne doit pas être pratiquée à visée diagnostique pour l’endométriose. On ne doit pas opérer sans évaluation », insiste-t-il en rappelant que les traitements médicamenteux et l’assistance médicale à procréation ont leur place dans le traitement. Par ailleurs, certaines formes d’endométriose sont aujourd’hui une indication de préservation des ovocytes chez la femme. « Parce qu’elle peut être délabrante, il est nécessaire de repositionner la chirurgie ». Parole de chirurgien.

* https://compare.aphp.fr/