Quatre syndicats infirmiers ont lancé le 13 mai un Observatoire de la souffrance au travail, outil en ligne destiné à mieux identifier les causes de ce mal-être afin d’intervenir auprès des institutions.
« On observe ces dernières années une hausse de la violence à l’encontre des soignants. Or l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) ne prend en compte que les remontées via les établissements… Qui ne représentent que 30 % des violences constatées dans le public et 5 % dans le privé », regrette Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) (sur le même sujet, lire L’infirmière libérale magazine n° 358, p. 8). C’est pourquoi quatre syndicats infirmiers, dont Convergence infirmière, qui représente les Idels, ont lancé lundi 13 mai l’Observatoire de la souffrance au travail (Osat) des professionnels infirmiers. Un dispositif inspiré de l’Osat des médecins, en place depuis plus d’un an. L’outil a été pensé pour que les professionnels de santé en souffrance - syndiqués ou non - puissent réaliser simplement un signalement sur Internet : pour cela, il leur suffira de se connecter sur le site* et de remplir un formulaire. Les questions visent à comprendre la nature du malaise (« Ressentez-vous un danger imminent pour vous-même ? »), le soutien dont bénéficie le professionnel (« Quelle est la réaction de vos proches ? ») ou encore sa connaissance des recours à sa disposition (« Avez-vous déjà entrepris une démarche auprès d’un psychologue du travail ? »). Les formulaires reçus seront analysés par les administrateurs du site, qui les transmettront à un « répondant » spécialisé. À ce jour, huit d’entre eux ont été formés à la souffrance au travail par la psychologue Marie Pezé - des effectifs supplémentaires seront affectés à l’Osat en fonction des besoins. Ces répondants apporteront une réponse syndicale aux déclarants, par exemple en leur indiquant quels outils institutionnels utiliser pour faire évoluer la situation. « Ils ne sont pas là pour apporter un soutien psychologique, précise Thierry Amouroux. Mais au besoin, ils pourront orienter la personne vers une plateforme spécialisée ou la médecine du travail. » Les questionnaires seront confidentiels, mais pas anonymes, car les répondants devront pouvoir effectuer un suivi auprès des déclarants. Si ceux-ci le souhaitent, ils pourront être appelés au téléphone et conseillés dans leurs démarches.
« Pour les infirmières libérales, cela représentera une personne vers laquelle se tourner, explique Jérôme Malfaisan, du SNPI. Car le plus souvent, nous sommes seuls face à nos difficultés qui vont de nos horaires de travail - jusqu’à plus de 70 heures par semaine -, à la pression du contrôle de la caisse primaire d’assurance maladie. Pour nous qui n’avons pas de supérieur hiérarchique ni de réunions d’équipe pour débriefer, l’Osat sera un moyen de faire remonter notre souffrance au travail vers le ministère. » Un relais utile notamment aux jeunes diplômées, pas toujours bien au fait des ressources à leur disposition et donc plus vulnérables au burn-out. Avec cette nouvelle plateforme, les syndicats fondateurs entendent surtout tirer des enseignements globaux de situations individuelles. L’Osat devrait ainsi permettre de recueillir des données assez nombreuses pour comprendre les causes structurelles de la souffrance au travail : par exemple, trois signalements rapprochés dans le même service seraient le signe de graves problèmes organisationnels. Pour les Idels, il s’agirait de repérer si certains secteurs géographiques présentent des conditions de travail particulièrement dégradées. « Nous allons analyser précisément dans quelles régions, sur quelles tranches d’âge, à quels niveaux, se situe le problème », promettent les syndicats. « Grâce à ces statistiques, nous disposerons d’arguments pour exiger la mise en place de mesures de prévention et d’amélioration de la qualité de vie au travail au ministre de tutelle », espère Patricia Adam, secrétaire générale adjointe du Syndicat des infirmier (e) s éducateurs en santé (Snies). Au final, l’objectif de l’Osat Infirmier est donc de proposer des réponses globales à la souffrance au travail, presque toujours d’origine organisationnelle. « Celle-ci vient très souvent de l’incapacité dans laquelle nous sommes de bien faire notre travail, reprend Jérôme Malfaisan. Par exemple, ne pas pouvoir prendre en charge une personne qui en a besoin car le médecin n’est pas disponible. Les pratiques avancées auraient pu être une solution, mais nous resterons sous la tutelle du médecin, ce qui pose problème dans les déserts médicaux. »