Puissant opioïde, le fentanyl est utilisé pour soulager certaines douleurs chroniques ou leurs accès paroxystiques. Les risques de dépendance et de surdose potentiellement mortelle nécessitent une attention particulière, et son détournement est un problème émergent.
Le fentanyl, substance de synthèse, est un opioïde fort qui suit la réglementation des stupéfiants. Comme les opiacés dérivés de l’opium, c’est un opioïde narcotique qui diminue la sensibilité et provoque le sommeil, utilisé dans l’analgésie et l’anesthésie.
D’action similaire à la morphine, il se lie et active des récepteurs spécifiques, mimant ainsi les effets des opioïdes endogènes (endorphines…), en bloquant notamment la transmission de la douleur via la moelle épinière et sa perception cérébrale.
Son action, 100 fois supérieure à la morphine, est dose-dépendante : ses effets augmentent avec la dose sans effet plafond.
Hormis les injectables à usage hospitalier, le fentanyl existe sous deux voies d’administration.
→ Action : délai de 12 à 24 heures après la première application, pour une durée de 72 heures.
→ Indications : douleurs chroniques sévères, intenses ou rebelles aux autres analgésiques (cancéreuses, neuropathiques, voire arthrosiques) chez l’adulte, et chez l’enfant à partir de 2 ans à condition qu’il reçoive déjà une dose d’opioïdes suffisante.
→ Posologie : individuelle, délai de 5-6 jours pour atteindre l’équilibre, arrêt progressif pour éviter un syndrome de sevrage.
→ Action : délai de 5 à 15 minutes pour une durée de 1 à 4 heures.
→ Indications : accès douloureux paroxystiques d’origine cancéreuse, y compris en prévention d’un soin, chez l’adulte sous traitement de fond morphinique.
→ Posologie : augmentation progressive selon protocole, 1 unité par prise (sauf voie nasale : 1 ou 2 pulvérisations espacées de 10minutes), arrêt immédiat possible si maintien du traitement de fond.
→ Généraux : risque fréquent de somnolence, vertiges, céphalées, nausées, vomissements et constipation. Mais aussi euphorie, angoisse, dépression respiratoire, sécheresse buccale, insomnie, anorexie…
Conseils : la constipation étant souvent durable, enrichir l’alimentation en fibres, envisager un laxatif. Éviter la conduite et l’alcool, qui majore l’effet sédatif.
→ Locaux : irritations locales (patchs), irritations/ulcérations des muqueuses, détériorations dentaires (formes buccales), rhinorrhée, épistaxis (voie nasale).
→ Risque de dépendance : besoin d’augmenter les doses pour un même effet (accoutumance), syndrome de sevrage en cas d’arrêt ou diminution brutale (anxiété, tremblements, sueurs, douleurs musculaires, hypertension…).
Le surdosage expose au risque de dépression du système nerveux central potentiellement létal (coma, dépression respiratoire) :
→ conduite à tenir : si signes d’alerte (confusion, hallucinations, somnolence…), stopper l’administration et consulter en urgence ;
→ conseils : ne pas banaliser ces formes « locales », respecter les posologies, pas plus de 4 prises par jour. Si c’est insuffisant, revoir le médecin pour ajuster le traitement de fond. Attention à la chaleur, qui augmente l’absorption cutanée du patch.
Le pronostic vital peut être engagé, notamment chez l’enfant :
→ conduite à tenir : ôter immédiatement le produit et consulter en urgence ;
→ conseils : conserver hors de portée des enfants, replier les patchs usagés sur eux-mêmes, les placer dans les dispositifs de recueil fournis, dans un conteneur fermé.
Le suivi de pharmacovigilance et d’addictovigilance montre en particulier une utilisation hors AMM des spécialités transmuqueuses, soit à doses excessives, soit pour des douleurs non cancéreuses. Si suspicion : signaler sur le site Internet signalement-sante.gouv.fr et orienter vers une prise en charge en addictologie.
Le fentanyl et ses dérivés, détournés de l’usage thérapeutique ou contrefaits, sont utilisés dans un but récréatif, seuls ou mélangés (cocaïne, héroïne). En 2016, le fentanyl est devenu le plus meurtrier des opiacés aux États-Unis, responsable de 20 000 des overdoses mortelles aux opiacés, qui ne cessent de croître (64 000 en 2016, 72 000 en 2017). En France, la consommation de fentanyl par les usagers de drogue reste faible, loin derrière la codéine, le tramadol ou la morphine (1), et le nombre d’overdoses est évalué à moins d’une dizaine. Mais selon l’Observatoire européen des drogues, 18 dérivés ont été détectés sur le marché européen depuis 2009, dont huit sont apparus depuis 2016 (2).
(1) Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), État des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes et leurs usages problématiques, février 2019 (consulter le lien bit.ly/2YJy6ek).
(2) Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, Rapport européen sur les drogues, tendances et évolutions, 2017 (consulter le lien bit.ly/2r2097s).
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.