L'infirmière Libérale Magazine n° 360 du 01/07/2019

 

LOI SANTÉ

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

Le projet de loi sur l’organisation et la transformation du système de santé a fait l’objet d’un consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat à la fin du mois de juin. Le texte va être définitivement adopté avant le début des vacances parlementaires.

Une fois n’est pas coutume, l’Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un compromis sur un projet de loi, ce qui a été très rare depuis le début de la présidence d’Emmanuel Macron. Présenté en février par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, le projet de loi sur l’organisation et la transformation du système de santé a ainsi trouvé sa forme définitive le 20 juin, à l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire (CMP) entre députés et sénateurs. Pour la bonne forme, le projet de loi doit encore être adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale lors d’une dernière lecture avant le début des vacances parlementaires.

Au départ composé de 23 articles, le projet de loi s’est épaissi à 73 articles après son passage à l’Assemblée nationale, puis à 96 après la lecture du Sénat, avant de redescendre à 82 dans sa version finale. « La collaboration approfondie entre nos deux assemblées a permis d’adopter une rédaction commune sur un projet de loi important, appelé à structurer notre système de santé pour plusieurs années, alors que nous constatons tous l’urgence de la demande d’accès aux soins dans nos territoires », s’est félicité Alain Milon, rapporteur du texte pour le Sénat, à l’issue de la CMP.

Des avancées insuffisantes ?

Lors de cette réunion, un amendement porté par des sénateurs de différents partis a été adopté contre l’avis du gouvernement. Il s’agit de l’obligation pour les étudiants de troisième cycle de médecine générale et d’autres spécialités de premier recours d’effectuer un stage d’au moins six mois en médecine ambulatoire, en priorité dans les zones sous-denses. Cela permettra « de faire découvrir l’exercice ambulatoire à l’ensemble d’une promotion de médecine, et aux territoires de disposer du renfort d’étudiants parvenus presque au terme de leur formation », explique la commission des affaires sociales du Sénat. Plusieurs enrichissements du texte défendus par le Sénat ont aussi été gardés, en particulier l’obligation pour l’Assurance maladie et les syndicats de médecins d’introduire dans le champ de la négociation sur leur convention la question de la participation des médecins à la « réduction des inégalités territoriales dans l’accès aux soins ». En revanche, l’amendement des sénateurs qui visait à limiter à trois ans la période de remplacement pour les jeunes généralistes ainsi que celui qui prévoyait des exonérations de cotisations pendant cinq ans pour les médecins nouvellement installés n’ont pas été retenus. De même, l’idée d’interdire aux médecins de s’installer dans des zones déjà surdotées, à l’instar du dispositif qui existe dans la convention des Idels, défendue ardemment par la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, a été abandonnée. « Si ces avancées constituent un premier pas, elles ne suffiront cependant vraisemblablement pas à répondre à la demande d’accès aux soins exprimée par la population à l’occasion du grand débat national, commente la commission des affaires sociales du Sénat. Le travail engagé devra donc être poursuivi dans les prochains textes en discussion au Parlement, à commencer par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020. »

Extension du droit de prescription pour les Idels

S’agissant de la profession infirmière, la version finale du texte n’a pas non plus retenu l’amendement sénatorial qui prévoyait la désignation « d’un infirmier référent auprès des personnes en perte d’autonomie ». En revanche, le principe de partage de la facturation au forfait pour les Idels auprès de patients dépendants, introduit récemment par avenant dans la convention, a été consolidé juridiquement. À cette fin, la loi complète le Code de la santé publique où il est désormais ajouté que les Idels « ne sont pas réputés pratiquer le compérage du seul fait de l’exercice en commun de leur activité et du partage d’honoraires réalisé dans ce cadre compte tenu de la perception d’une rémunération forfaitaire par patient ».

Enfin, la modification la plus importante pour l’exercice des Idels a bien été maintenue sans modification et sans trop de contestations. Ainsi, les Idels seront effectivement « autorisées à adapter la posologie de certains traitements pour une pathologie donnée ». La liste des traitements et des pathologies sera fixée par arrêté de la ministre après avis de la Haute Autorité de santé. Cette adaptation ne pourra avoir lieu que sur la base des résultats d’analyses biologiques, sauf en cas d’indication contraire du médecin et sous réserve d’une information du médecin traitant désigné par le patient. Toutes ces conditions peuvent apparaître assez contraignantes, mais un pas important pour la profession infirmière a tout de même été franchi avec cette loi. ?

L’ORDRE INFIRMIER SATISFAIT

Auditionné à plusieurs reprises par les députés et les sénateurs à l’occasion du parcours du projet de loi sur la santé, l’Ordre national des infirmiers (ONI) avait réussi à convaincre plusieurs parlementaires de porter des amendements en faveur de la profession : adaptation des posologies, prescription des solutions antiseptiques et du sérum physiologique, recertification des infirmières sur le même modèle que les médecins. « Autre nouveauté : les ordres auront un rôle à jouer dans l’élaboration et l’adoption des protocoles de coopérations », se félicite ainsi Patrick Chamboredon, président de l’ONI. En revanche, l’Ordre est déçu que le Parlement n’ait pas rectifié le projet d’instauration des assistants médicaux. « En l’état actuel du texte, les assistants médicaux bénéficieront d’une exception à l’interdiction de l’exercice illégal de la médecine selon des modalités potentiellement bien plus ouvertes que celles des autres professionnels paramédicaux », déplore Patrick Chamboredon. Nonobstant, l’Ordre va poursuivre « [sa] démarche d’évolution des compétences de la profession par la voie réglementaire ». En septembre, il remettra à la ministre de la Santé un livre blanc répertoriant « l’ensemble des propositions qui visent à donner aux infirmiers les moyens pour répondre plus efficacement aux besoins des patients ».

UN PARLEMENT TRÈS SOLLICITÉ

L’activité législative sera encore très importante dans le domaine de la santé d’ici à la fin de l’année 2019. En effet, le gouvernement doit présenter le 26 juillet en Conseil des ministres son projet de loi de révision des lois de bioéthique dont le Premier ministre a promis un examen par le Parlement dès la rentrée de septembre. Suivront ensuite, en octobre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, puis la présentation du projet de loi sur l’autonomie des personnes âgées.