CAHIER DE FORMATION
Savoir faire
L’un des principaux rôles de l’Idel consiste à faire comprendre et accepter au patient que les médicaments qui lui sont prescrits font désormais partie de son quotidien et sont indispensables pour limiter les symptômes et l’aggravation de l’IC, éviter les poussées d’IC aiguë et améliorer sa qualité de vie et son pronostic vital. Pour atteindre ces objectifs, l’observance régulière et scrupuleuse des prescriptions est un prérequis. L’Idel peut l’évaluer en posant quelques questions (voir le questionnaire p. 44) et en proposant des stratégies pour lever les freins qui font obstacle à l’observance médicamenteuse. « Par exemple, en suggérant d’utiliser un pilulier ou en vérifiant que les médicaments préparés par le patient sont les bons et qu’il n’y a pas de confusion entre les génériques ou les traitements précédents, explique Christian Fourteau. À cette occasion, j’en profite pour faire un petit contrôle : “Ce médicament, vous le prenez quand, comment, pourquoi vous est-il prescrit ?” Je m’assure ainsi que le patient maîtrise la gestion de son traitement et comprend l’utilité des médicaments qu’il prend. » L’Idel peut également orienter le patient vers le médecin ou le cardiologue lorsque la non-observance est liée à des effets secondaires (troubles digestifs, fatigue, extrémités froides, troubles du sommeil et de l’érection…), qu’un ajustement de dose, de moment de prise, voire un changement de traitement, pourrait améliorer. Il rappelle qu’il convient d’anticiper le renouvellement pour ne pas être à cours de médicaments, et qu’en cas d’oubli, le patient doit prendre le médicament dès qu’il s’en aperçoit, mais sans doubler les doses si c’est au moment de la prise suivante. « Dans ce cas, l’instauration d’une alarme sur le téléphone peut servir de rappel pour faciliter la prise des médicaments à heure régulière », poursuit le soignant. Enfin, il s’assure que les vaccinations (vaccins antigrippal et anti-pneumococcique notamment) sont à jour et insiste sur le fait qu’il est fortement déconseillé de recourir à l’automédication (AINS (2), laxatifs notamment), sauf à avoir au préalable vérifié la compatibilité du médicament avec son traitement et sa pathologie auprès de son médecin.
L’autosurveillance du poids est indispensable chez l’IC, car une prise de poids de plus de 2 kg en trois jours constitue un signe d’alerte de rétention hydrosodée pouvant s’aggraver en œdème aigu du poumon (OAP). Les patients sont invités à se peser très régulièrement et à noter leur poids et les changements physiques observés (essoufflement, fatigue, gonflements…) sur un carnet de suivi. « Il est important d’expliquer aux patients que la pesée doit être réalisée dans les mêmes conditions chaque jour, le matin, à jeun, après avoir uriné, toujours dans la même tenue et sur la même balance », expliquent les soignants. « Personnellement, ajoute Christian Fourteau, je vérifie la fiabilité de la balance et du tensiomètre chez les patients qui autosurveillent également leur tension. Cela permet de sensibiliser les patients au fait que c’est un paramètre de surveillance important, et d’engager la discussion sur les autres signes d’alerte qui imposent d’appeler immédiatement son médecin traitant : essoufflement inhabituel, notamment en position couchée (besoin de dormir assis), pouls très bas, très haut ou irrégulier, œdème des membres inférieurs, vertiges, palpitations, fatigue excessive, douleur et signes d’infection (fièvre accompagnée de diarrhée, de toux, de douleurs…). » Au besoin, l’Idel peut appeler le médecin devant le patient, ce qui lui permet de prendre conscience de la réactivité qu’il doit avoir face au signes d’alerte et d’intégrer que prévenir tôt et au moindre doute, c’est éviter que la maladie ne se complique et que son état se dégrade.
Les mesures hygiénodiététiques sont destinées à soulager le travail du cœur et à prévenir certaines complications évoquées précédemment (rétention hydrosodée, œdème notamment). Elles reposent essentiellement sur une alimentation pauvre en sel et une hydratation sans excès (1,5 L/j), la pratique régulière d’une activité physique adaptée et une diminution, voire l’arrêt, de la consommation d’alcool et de tabac, souvent en cause dans la maladie causale et particulièrement nocifs pour le cœur et les artères.
L’excès de sodium contenu dans le sel peut être dangereux en cas d’IC, car il augmente la rétention d’eau et oblige le cœur, déjà fatigué, à travailler davantage pour éliminer l’excès d’eau. Chaque patient insuffisant cardiaque, en fonction de son état, ne peut consommer qu’une certaine dose de sel par jour, fixée par l’équipe médicale (moins de 4 à 6 g contre 8 à 10 g consommés en moyenne par les Français). « Pour la majorité des patients, cela représente un effort très contraignant, commente Laure Pananceau, et nous devons les accompagner afin qu’ils acceptent de modifier durablement leurs habitudes. Cela commence par ne plus saler les aliments à la cuisson, limiter la consommation de plats préparés, d’aliments transformés industriellement et de conserves (ils représentent 70 % du sel consommé quotidiennement, ndlr), mais aussi éviter le sel de table, les assaisonnements riches en sel (sauce soja, moutarde, vinaigrette prête à l’emploi, bouillon cube) et les eaux gazeuses à forte teneur en sodium (Vichy, Saint-Yorre, Badoit). » Pour y parvenir, les Idels peuvent proposer de cuisiner en sélectionnant des condiments naturellement pauvres en sel (oignon, ail, échalote, vinaigre…), en ajoutant des herbes aromatiques pour donner du goût (coriandre, persil, cerfeuil, ciboulette, thym, basilic), qui existent fraîches, surgelées ou lyophilisées, en relevant les plats avec des épices (poivre, cumin, paprika, muscade…), en choisissant des eaux minérales à faible teneur en sodium (≤ 50 mg/L) et en attirant l’attention des patients sur la lecture des étiquettes pour choisir les produits contenant le moins de sel (NaCl) ou de sodium (Na). Il peut également être utile de rappeler aux patients que les sels de régime sont riches en potassium, ce qui peut avoir des effets délétères (hyperkaliémie) chez certains insuffisants cardiaques. Leur utilisation doit donc faire l’objet d’un avis médical.
À savoir : 1 g de sel (NaCl) = 400 mg de sodium (Na) ; 1 g de sodium = 2,5 g de sel
Enfin, il est important de sensibiliser la famille afin qu’elle s’approprie ces changements d’habitude alimentaire pour faciliter l’acceptation et le respect au long cours de cette contrainte par le patient.
La pratique d’une APA régulière (natation, marche, vélo, jardinage, gymnastique douce, danse, yoga, aquagym…) fait partie des traitements non médicamenteux de l’IC. Elle renforce le cœur, réduit le stress, améliore le sommeil et donne de l’énergie. Elle doit être pratiquée le plus souvent possible, de préférence une à deux heures après un repas léger. Ce n’est pas l’intensité qui compte, mais la durée de l’activité physique, qu’il convient de mettre en œuvre progressivement et de pratiquer avec modération de manière à ne pas déclencher d’essoufflement, de palpitations et de fatigue. Dans ce cas, elle doit être interrompue. Les relations sexuelles ne sont pas dangereuses, mais souvent contrariées par des troubles de l’érection consécutifs à la maladie et aux traitements. Il convient d’orienter les patients vers le cardiologue qui jugera de la pertinence de prescrire des médicaments contre l’impuissance ou de modifier le traitement contre l’IC. En tout état de cause, l’IC ne condamne pas à la réclusion. Bien prise en charge, elle permet de poursuivre, en les adaptant si nécessaire, ses activités habituelles, professionnelles, physiques ou sexuelles. Un message positif que les Idels peuvent dispenser à l’envi.
(2) Les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS), souvent utilisés pour calmer l’arthrose, atténuent l’effet antihypertenseur des inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
Vous intervenez chez Mme S. pour un contrôle d’INR* car son insuffisance cardiaque est associée à une fibrillation atriale nécessitant la prise d’anticoagulants. Elle présente un œdème des membres inférieurs et une dyspnée importante lors de ses déplacements. Vous la questionnez et apprenez qu’elle a effectué un voyage en car avec le club des anciens trois jours auparavant, qu’elle n’a pas pris ses diurétiques et a mangé au restaurant sans faire attention.
Vous lui expliquez qu’elle doit voir rapidement un médecin, et en attendant l’arrivée du Samu, après l’avoir rassurée, vous lui rappelez quelques fondamentaux d’ETP : l’importance de ne pas faire d’impasse sur son traitement, les signes qui auraient dû l’alerter et les règles hygiénodiététiques qu’elle doit s’engager à respecter à l’avenir pour ne pas en arriver là.
* International normalised ratio
Interprétation :
→ Si le patient répond « non » à toutes les questions, il est considéré comme un bon observant.
→ Si le patient répond « oui » à une ou deux questions, il est considéré comme un nonobservant mineur.
→ Si le patient répond « oui » trois fois ou plus, il est considéré comme non-observant.
Source : Haute Autorité de santé, Guide du parcours de soins, Insuffisance cardiaque, juin 2014 (consulter le lien bit.ly/HAS-IC).