S’appuyant sur un avis rendu en juin par la Haute Autorité de santé, la ministre de la Santé a annoncé le 10 juillet que les médicaments homéopathiques ne seraient plus remboursés en 2021.
C’EST UNE SAGA DE PRESQUE UN AN ET DEMI QUE LA MINISTRE DE LA SANTÉ A CLÔTURÉE LE 10 JUILLET. Agnès Buzyn a en effet annoncé que les 1 163 médicaments homéopathiques actuellement pris en charge à hauteur de 30 % par la solidarité nationale ne seraient désormais plus remboursés qu’à 15 % en 2020 et plus du tout en 2021. Une histoire qui avait débuté en mars 2018 par la publication d’une tribune sur le sujet signée par 124 médecins et dont le dénouement était connu depuis que la Haute Autorité de santé (HAS) avait rendu le 28 juin un avis préconisant le déremboursement en raison d’une « efficacité insuffisamment démontrée ».
« La HAS a effectué cette mission de manière sérieuse et rigoureuse, sans a priori et sans dogmatisme », a affirmé la Pr Dominique Le Guludec, présidente de l’institution, en présentant les résultats de l’évaluation que ses services ont menée pendant 9 mois. Ce travail a porté sur un corpus d’un millier d’études, dont 37 ont été jugées recevables. L’analyse a par ailleurs été enrichie par les dossiers des trois laboratoires producteurs de médicaments homéopathiques (les français Boiron et Lehning Rocal et le suisse Weleda). Une dizaine de parties prenantes ont également été auditionnées. Parmi celles-ci, on trouve le collectif FakeMed (association fondée par certains des signataires de la tribune du Figaro), ainsi que les syndicats et sociétés savantes homéopathiques.
Pour la HAS, il s’agissait d’un travail qui sortait de l’ordinaire. « Il y a un nombre très important de médicaments, différentes possibilités de dilution et d’association », explique le Pr Christian Thuillez, président de la commission de la transparence de la HAS, qui a mené l’évaluation. « De plus, alors que nous évaluons habituellement les effets d’un médicament sur une maladie, nous avons ici été obligés d’évaluer l’efficacité des médicaments homéopathiques sur 24 signes et symptômes cliniques [verrues plantaires, saturnisme, anxiété ou candidoses vaginales, ndlr]. »
« Pour ces 24 symptômes, nous n’avons pas trouvé de preuve d’efficacité », résume Mathilde Grande, cheffe du service de l’évaluation des médicaments à la HAS. Celle-ci précise que deux cas de figure peuvent se présenter : « D’une part, certaines études ne démontrent pas d’intérêt des médicaments homéopathiques en comparaison d’un placebo, d’autre part, certaines études suggèrent un effet, mais présentent des biais méthodologiques importants. »
L’étude EPI 3, conduite entre mars 2007 et juillet 2008 sur 8 500 patients et souvent citée par les défenseurs de l’homéopathie, dépend de la seconde catégorie. Cette étude fait partie des 37 publications retenues par la commission de transparence, mais cette dernière ne l’a pas portée au crédit de l’homéopathie : les populations comparées (patients ayant choisi de consulter un homéopathe versus patients ayant choisi un médecin conventionnel) sont en effet, selon la HAS, trop différentes pour pouvoir tirer des conclusions sur l’efficacité des médicaments en euxmêmes.
La HAS précise par ailleurs qu’elle n’a pas non plus pu observer d’effet positif des granules en termes de santé publique. Certains partisans du remboursement de l’homéopathie soutiennent en effet que les patients qui en consomment sont moins exposés au surtraitement et à la surmédication. Affirmations qui n’ont pas été retrouvées dans les études passées au crible de la HAS.
« La règle, c’est que pour être admis au remboursement, tout médicament, dispositif médical ou acte professionnel doit apporter la preuve de son efficacité », explique Dominique Le Guludec. Cette preuve n’étant pas mise en évidence par les études sélectionnées, la HAS a donc recommandé de mettre fin au statut dérogatoire dont bénéficiaient les médicaments homéopathiques.
Cependant, leur innocuité est avérée. Les responsables de la HAS tiennent à préciser qu’ils préconisent leur déremboursement et non leur interdiction.