L'infirmière Libérale Magazine n° 361 du 01/09/2019

 

BUDGET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

Le gouvernement va présenter à la fin du mois de septembre son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2020. Une de ses principales sources d’inspiration pour réaliser des économies : le rapport « charges et produits », présenté par la Cnam au début de l’été.

Au début du mois de juillet, le conseil de la Cnam a adopté son traditionnel rapport annuel « charges et produits » qui liste des pistes d’économies présentées au gouvernement, pour un montant total de près de 2,1 milliards d’euros. L’une d’elles a été directement inspirée par les syndicats d’Idels qui, au décours des négociations du printemps, ont fait part au directeur général de la Cnam des stocks de médicaments et de pansements non utilisés régulièrement découverts au domicile des patients. Ainsi, pour lutter contre le gaspillage, la Cnam espère réaliser 75millions d’euros d’économies dès 2020 si les prescriptions hospitalières exécutées en ville (PHEV) des pansements en sortie d’hospitalisation sont limitées à une durée de 7 jours, au lieu de 30 actuellement. « Ces prescriptions, qui sont parfois assez sommaires, donnent lieu à la délivrance de grands conditionnements, couvrant parfois jusqu’à un mois de traitement, et ne conviennent pas toujours à l’évolution des plaies, souligne la Cnam. Les infirmiers assurant la prise en charge de la plaie en ville vont donc devoir prescrire un matériel plus adapté au patient quand celui-ci n’est pas adapté, et le font évoluer selon l’évolution de la plaie. » Elle regrette également que « les sets de pansements qui comprennent l’ensemble du matériel nécessaire ne sont pas non plus utilisés en totalité ». Plus généralement, l’Assurance maladie souhaite lancer une campagne sur la « délivrance raisonnée » des ordonnances, constatant que nombre d’entre elles contiennent des précisions du type « à délivrer/renouveler si besoin » ou « à délivrer si douleur ». Une souplesse qui peut permettre d’éviter des consultations médicales inutiles, mais qui conduit aussi trop souvent les patients à stocker des produits « qu’ils finiront par jeter et qui constituent des potentiels dangers au regard de leur toxicité s’ils étaient absorbés ».

Éviter les indus

L’Assurance maladie se dit également vigilante sur l’évolution des actes paramédicaux. Si la croissance de ceux-ci est « cohérente avec les stratégies mises en œuvre visant à favoriser le virage ambulatoire, cette évolution doit rester proportionnelle à la part des soins effectivement transférée vers la ville », met-elle en garde. Elle rappelle aussi qu’une nouvelle « stratégie d’accompagnement » de la profession infirmière a débuté en 2019. La vérification des règles de facturation via les logiciels professionnels va être développée afin d’éviter « les indus par la suite, qui sont des sources de tensions avec la profession ». Sur l’ensemble des professions paramédicales, ce sont ainsi 130 millions d’euros d’économies qui sont espérés.

La Cnam rappelle en outre que l’avenant n° 6 à la convention infirmière, signé en mars, prévoit qu’un groupe de travail pluridisciplinaire étudie les modalités d’un accompagnement par les Idels des thérapies par pression négative. Mais pour cela, il faut que la Haute Autorité de santé (HAS) modifie ses recommandations sur ces traitements des plaies, adjuvants de la cicatrisation de certaines plaies chirurgicales à haut risque de complication ou de certaines plaies chroniques ne cicatrisant pas en première intention. « Sur la base d’une prise en charge en ambulatoire de la moitié des traitements des plaies par pression négative, une économie de 10 millions d’euros environ pourrait être réalisée », a déjà calculé la Cnam.

Enfin, l’Assurance maladie envisage de mobiliser les paramédicaux sur le sujet de l’observance, dont elle a décidé de faire son nouveau cheval de bataille à partir de l’année prochaine. En effet, après avoir mené en mai une de 1 198 patients chroniques, elle a mis en évidence plusieurs facteurs d’influence, dont la qualité de la relation du patient avec son médecin, son rapport à sa maladie et à la santé, la confiance dans son traitement et l’information reçue. « La première condition pour mener des actions efficaces est sans doute d’éviter une approche descendante, voire morale, et de reconnaître que l’on touche à des questions difficiles qui renvoient à la liberté individuelle des patients », note la Cnam dans son rapport. Alors qu’un nouvel acte infirmier vient seulement d’être créé dans la convention infirmière pour « prévenir la iatrogénie et favoriser l’observance médicamenteuse », elle reconnaît que « l’intervention des infirmières dans l’accompagnement des malades chroniques est moins répandue en France que dans d’autres pays étrangers ». Ainsi, elle pense que dans les maisons de santé pluridisciplinaires notamment, les missions des infirmières pourraient être modifiées « pour intégrer cette fonction d’éducation des patients ». De même, « demain, l’intervention des infirmières de pratique avancée pourrait être un élément déterminant chez le patient chronique, pour relayer les informations et apporter une écoute, un échange et un soutien motivationnel ». Encore faudrat-il que ces dernières puissent être rémunérées à la hauteur de cette tâche.

PERSONNES HANDICAPÉES : UN RESTE À CHARGE ÉLEVÉ

Dans son rapport, la Cnam a choisi de consacrer un chapitre à l’accès aux soins des personnes en situation de handicap, en particulier sur leur reste à charge et leur recours aux soins. Il est ainsi apparu que les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé (AAH) ou d’une pension d’invalidité « sont exposés à des niveaux de dépenses très élevés » : environ 10270 euros par an pour les premiers et 10459 euros pour les seconds. De plus, malgré les différents mécanismes d’exonération, le reste à charge de ces assurés demeure important (respectivement 548 euros et 309 euros) au regard de leurs revenus. S’agissant des soins infirmiers, le reste à charge est de 17 euros pour les allocataires de l’AAH et de 4 euros pour les invalides. Cependant, la mise en place de la complémentaire santé solidaire à la fin de l’année pourrait permettre de réduire ces restes à charge, espère la Cnam. Elle souhaite aussi que la dimension « handicap » soit mieux intégrée dans la formation initiale et continue des professionnels de santé et veut recenser et faire connaître les soignants formés à la prise en charge du handicap en ville.

LES GÉNÉRALISTES TOUJOURS PLUS INCITÉS À MOINS PRESCRIRE

Constatant que les effets de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) des médecins généralistes commencent à s’essouffler, l’Assurance maladie envisage de négocier avec leurs syndicats un dispositif supplémentaire d’intéressement à moins prescrire. Les médecins pourraient ainsi percevoir 30 % des économies réalisées sur des prescriptions plus appropriées d’inhibiteurs de la pompe à proton (IPP), des traitements du diabète de type 2 et des biosimilaires.