L'infirmière Libérale Magazine n° 361 du 01/09/2019

 

ÉLOIGNEMENT

L’EXERCICE AU QUOTIDIEN

Delphine Barrais  

Bénédicte Frut, Idel, est installée à Tubuai, un archipel polynésien des Australes, depuis 2012. L’île compte 2500 habitants qui attendent beaucoup de ce qu’ils considèrent comme un « petit médecin ».

« Je suis une îlienne, je viens de la Réunion et je voulais voir autre chose. Alors quand j’ai vu passer l’annonce de vente de cabinet à Tubuai, j’ai quitté Paris. J’avais 28 ans, je travaillais dans la capitale depuis deux ans en tant qu’Idel. Avant cela, j’avais passé trois années à Bordeaux, la ville où je me suis formée. Tubuai est une île de Polynésie française qui se trouve dans l’archipel des Australes. Il faut compter 1heure20 en avion de Tahiti, l’île principale, pour y accéder. Il y a quatre ou six vols par semaine selon la période de l’année. L’île compte moins de 2 500 habitants, et nous avons deux cabinets avec, dans chacun, deux libéraux, et un dispensaire avec deux postes d’infirmiers. On a de la chance, on est bien lotis, car on a aussi une pharmacie. La plupart du temps, il y a aussi un médecin, mais ceux qui viennent ne restent pas longtemps. Nous sommes donc considérés, nous, infirmiers, comme de « petits médecins ». Dans les périodes sans médecin, nous ne faisons pas de visioconférence, mais nous avons la possibilité de joindre par téléphone un médecin référent. Nous lui envoyons des synthèses, il se charge des ordonnances, nous donne les directives et répond à nos questions. En cas d’urgence, nous faisons une évacuation sanitaire (une « évasan ») vers l’hôpital d’une autre île. Le patient, selon son état, prend un vol régulier où un avion spécialement affrété. Nous ne pratiquons jamais d’actes qui ne soient pas de nos compétences et de notre responsabilité, mais nous pouvons aller au-delà de ce qui se fait habituellement dans une grande ville. Par exemple, nous pouvons transporter des patients, intervenir en attendant les pompiers s’ils ne sont pas assez réactifs, réaliser des toilettes mortuaires, prévenir les pompes funèbres. On suit les patients vraiment jusqu’au bout. Je n’avais jamais fait ça auparavant. Les liens avec les patients sont très forts. Ils sont en attente, mélangeant parfois l’affect et la prise en charge. On a généralement des relations très familières en Polynésie, très chaleureuses. Dans les îles éloignées, c’est encore plus vrai. On vit avec nos patients, on sait d’ailleurs tous ce que font les uns et les autres en permanence ! »

Maire Horace, infirmière cadre de santé, responsable de la subdivision des Tuamotu-Gambier

« L’archipel des Australes compte six îles. Il y a sept Idels et quatre médecins pour la Direction de la santé. Il n’y a pas de médecin privé. On trouve des Idels à partir de 1 000 habitants en général car, en-deçà, la patientèle n’est pas suffisante. C’est arrivé dans l’île de Fakarava, une libérale s’est installée mais a fini par partir. Le relationnel est globalement bon entre les libéraux et les professionnels des centres médicaux. On ne peut pas vraiment parler de concurrence, même entre les cabinets de libéraux. En cas de besoin, il existe des médecins référents. En Polynésie, le médecin, c’est le « taote ». Ce sont d’abord les médecins des îles proches qui répondent. Ensuite, et cela peut arriver, si personne n’est disponible dans les îles alentours, c’est un médecin d’une autre île qui va assurer le suivi. Pour Tubuai, c’est un médecin de Moorea qui a été désigné, une île toute proche de Tahiti. »