CAHIER DE FORMATION
SAVOIR
Les plaies tumorales sont des plaies chroniques spécifiques tant par leurs étiologies, toujours liées à un processus cancéreux, que par leur évolution puisqu’elles n’entrent pas spontanément dans un processus de cicatrisation.Le cas particulier de la cancérisation de plaies chroniques telles que des ulcères ou des escarres doit être connu de l’infirmière, car il peut permettrede diagnostiquer rapidement un cancer en train de se développer.
Les plaies tumorales, aussi appelées plaies cancéreuses, malignes ou encore oncologiques, sont des plaies chroniques consécutives à un processus cancérologique. Composées entièrement ou en partie de cellules cancéreuses qui envahissent la peau et ses vaisseaux sanguins et lymphatiques, les plaies tumorales n’entrent pas dans un processus de cicatrisation spontanée observé dans les autres plaies chroniques. Leur évolution dépend de celle de la maladie et donc de la réponse du patient au traitement anti-cancéreux.
Quatre grands types d’étiologies sont distingués.
En l’absence de diagnostic et de prise en charge précoces, ces ulcérations peuvent entraîner de gros dégâts anatomiques. Les atteintes des nerfs et des vaisseaux sont alors à l’origine de douleurs et d’hémorragies.
Les carcinomes cutanés représentent 90 % des cancers cutanés diagnostiqués en France(1). Deux formes de carcinome sont distinguées, basocellulaire ou épidermoïde, qui diffèrent par leur développement et leur pronostic.
Ils sont dits « basocellulaires » car ils se développent à partir de la couche basale, la plus profonde de l’épiderme.
C’est la forme :
→ la plus fréquente : les carcinomes basocellulaires représentent 70 % des cancers cutanés(1) ;
→ la moins grave : ces carcinomes ne métastasent pas, et la guérison est obtenue par leur ablation complète.
Les carcinomes basocellulaires se situent généralement sur le visage, au niveau du cou ou encore sur le haut du tronc.
Ils se présentent le plus souvent :
→ sous forme nodulaire avec une tuméfaction ferme, bien limitée, lisse ;
→ sous forme superficielle lorsque la lésion s’étend très progressivement en surface de la peau.
Lorsque la lésion pénètre dans la peau, le carcinome basocellulaire est dit « infiltrant »
Les carcinomes dits « spinocellulaires » ou « épidermoïdes » se développent au dépend de couches plus superficielles de l’épiderme (couche épineuse). Cette forme :
→ est plus rare : 20 % des cancers cutanés(1) ;
→ a une capacité accrue à envahir les ganglions lymphatiques et à former des métastases qui peuvent atteindre toutes les parties du corps, mais également les muqueuses buccales ou génitales. Sa détection précoce est donc essentielle.
Le traitement primaire des carcinomes repose sur l’exérèse chirurgicale de la tumeur et d’une zone de peau saine comprise en 3 et 10 millimètres autour de la lésion. D’autres modalités de traitement sont envisagées en cas d’impossibilité ou de contre-indication à la chirurgie.
Par exemple, les formes superficielles de carcinome basocellulaire peuvent aussi être traitées par l’application d’une pommade photosensibilisante (imiquimod), suivie d’une irradiation lumineuse permettant la destruction des cellules cancéreuses. En particulier en cas de lésions de grande taille ou situées sur une zone esthétique (visage, décolleté), ou en cas de carcinomes superficiels à répétition (voir le tableau ci-dessus).
Les mélanomes se développent à partir des mélanocytes, cellules situées dans la couche basale de l’épiderme, qui produisent la mélanine, molécule donnant sa pigmentation à la peau. Les mélanomes s’étendent ensuite aux couches plus profondes de la peau. Les mélanomes « in situ », restreints à l’épiderme, sont distingués des mélanomes « invasifs » qui atteignent le derme (couche moyenne de la peau).
Les mélanomes :
→ représentent 10 % des cancers cutanés : les 15 404 nouveaux cas estimés en 2017 en France métropolitaine concernaient 8 061 hommes et 7 343 femmes(1). L’augmentation de la fréquence du mélanome est liée à l’exposition au soleil. L’âge moyen du diagnostic est de 50 ans avec une tendance à la baisse ;
→ ont une aptitude supérieure aux carcinomes à envahir les tissus au-delà de la peau (les muscles, les ganglions) et à se greffer dans les organes distants comme les poumons, le foie ou le cerveau.
Le mélanome est un cancer très agressif qui fait l’objet d’un programme de dépistage.
Les mélanomes localisés sont traités par une exérèse chirurgicale large, entre 1 et 2 centimètres tout autour de la lésion.
Les mélanomes non opérables ou étendus à distance de la peau aux ganglions ou aux autres organes peuvent nécessiter des traitements complémentaires tels qu’un curage ganglionnaire, une immunothérapie, une radiothérapie, une chimiothérapie ou une exérèse de métastases.
C’est le cas lorsqu’un cancer profond vient s’ulcérer à la peau. Ce qui peut être le cas du cancer du sein qui n’est pas un cancer très profond. Une tumeur qui se forme d’abord au niveau des canaux ou des lobules du sein (carcinome in situ) peut devenir infiltrante ou invasive et ulcérer la peau. Ce peut être le cas aussi pour d’autres cancers, par exemple des atteintes du péritoine qui parviennent à transpercer la paroi abdominale ou des sarcomes des membres qui peuvent ulcérer la peau.
Les cancers « internes » les plus agressifs peuvent produire des métastases cutanées, le plus souvent à un stade avancé de la pathologie interne. Les cellules cancéreuses quittent la tumeur primitive (ou primaire), survivent dans la circulation sanguine et forment de nouveaux foyers tumoraux, les métastases, en s’agrégeant à de nouveaux tissus, témoins de l’agressivité du cancer. Le « cancer métastatique » est le dernier stade cancéreux. La survenue de métastases fait passer le cancer au stade 4, défini par la propagation du cancer vers un autre organe.
Si, en principe, tous les cancers peuvent métastaser au niveau de la peau, seul un groupe de cancers est régulièrement impliqué (voir tableau p. 34). En pratique, entre 3 et 10 % des cancers sont à l’origine de métastases cutanées. Sachant que la majorité de ces métastases sont issues de cancers cutanés, mélanomes ou carcinomes, les métastases cutanées d’origine interne sont donc minoritaires(2). Une estimation selon laquelle environ 5 % des cancers « internes » entraîneraient des métastases cutanées est souvent retenue, avec des métastases le plus souvent localisées à proximité du cancer primitif (voir tableau p. 34).
C’est par exemple le cas lors de la dégénérescence des ulcères cutanés dont la prise en charge s’étend sur des mois ou des années sans aboutir à une guérison. Le milieu inflammatoire présent sur la plaie sur une longue durée va finir par modifier l’état des cellules de la peau qui vont devenir cancéreuses, transformant un ulcère « banal » en un cancer de la peau. Le retard diagnostique peut avoir des conséquences dramatiques. La cancérisation peut aussi concerner d’autres plaies comme des hématomes qui ne guérissent pas, des escarres ou des brûlures… Certains signes peuvent alerter l’infirmière confrontée à une plaie qui ne cicatrise pas malgré des traitements adaptés bien conduits.
Les plaies évoluant sur de nombreuses années malgré les traitements présentent un risque de cancérisation. Si aucun facteur de retard de cicatrisation n’est identifié sur un ulcère qui ne cicatrise pas malgré des soins adaptés, l’orientation vers un dermatologue est indiquée pour éliminer une cause cancéreuse à l’origine du retard de cicatrisation (voir la checklist des retards de cicatrisation ci-contre). En 2006, la Haute Autorité de santé (HAS) préconisait de faire une biopsie cutanée d’un ulcère de jambe à la recherche d’un carcinome cutané en l’absence de cicatrisation après 6 mois à 1 an d’un traitement bien conduit et bien observé, ou en présence de signes suspects(3). Depuis, des études ont confirmé l’éventualité d’un processus cancéreux associé à un ulcère chronique.
C’est le cas d’une étude menée durant l’année 2013 auprès de patients hospitalisés pour ulcères de jambe dans le service de médecine vasculaire du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph. Des biopsies cutanées d’ulcères ont été effectuées chez les patients qui répondaient aux critères de la HAS (pas d’amélioration après 6 mois de traitement bien conduit, pas d’explication vasculaire au retard de cicatrisation et/ou caractéristiques cliniques inhabituelles). Des carcinomes sont retrouvés chez 3,5 % des patients dont trois cas de carcinomes basocellulaires et deux de carcinomes épidermoïdes.
→ Un hyper bourgeonnement atypique, isolé, nodulaire ou multiple. Par exemple, une zone d’hyper bourgeonnement au centre de la plaie ou des berges surélevées.
→ Une tuméfaction : la présence d’un nodule, d’une tuméfaction ou d’une induration, c’est-à-dire une surélévation de la peau, visible à l’œil ou à la palpation, révèle une prolifération cellulaire sous-jacente dont seule la biopsie pourra confirmer ou infirmer le caractère malin ou bénin.
→ Un tissu de granulation friable et/ou hémorragique (caractéristique des plaies tumorales).
→ La présence de vermiottes relève d’un diagnostic dermatologique. La pression sur la plaie fait apparaître des filaments de kératine blanc jaunâtre qui ressemblent à des « petits vers blancs ».
Certains éléments de contexte peuvent appuyer une demande de biopsie :
→ un bouton retiré par le dermatologue quelques années auparavant ;
→ la présence d’une lésion préexistante à l’ulcère sous forme d’un petit bouton ou d’une petite croûte ;
→ une peau particulièrement exposée au soleil ;
→ l’existence d’un cancer interne connu peut faire craindre le développement d’une métastase
Deux situations peuvent prêter à confusion.
Dans ce cas, l’erreur de diagnostic est d’autant plus à craindre que ces cancers surviennent souvent chez des personnes âgées en présence de troubles circulatoires évoquant une étiologie vasculaire. Le plus fréquent est le carcinome basocellulaire dans 75 % des cas, un carcinome spinocellulaire n’étant retrouvé que dans 20 à 25 % des cas(4).
Dans 5 % des cas, un ulcère de jambe chronique n’est pas ou plus vasculaire, ce type d’ulcère pouvant dégénérer dans un délai compris entre 6 et 25 ans de chronicité de la plaie(4). Cela concerne essentiellement un carcinome spinocellulaire dont le pronostic dépendra de la précocité du diagnostic et dont la mortalité reste élevée. D’autres tumeurs surviennent plus rarement (sarcomes, carcinomes basocellulaires). Ce phénomène de cancérisation ne se limitant pas aux ulcères de jambe, il peut aussi concerner d’autres plaies chroniques comme un hématome qui ne cicatrise pas ou une escarre dont les plaques de nécrose résistent à l’hydrogel et à la détersion mécanique, soulignait le Dr Pascal Toussaint, dermatologue au centre de diagnostic et traitement des plaies chroniques de la maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle, lors des Journées armoricaines Plaies & Cicatrisation en 2014. Le médecin présentait également un bourgeon apparu sur un lambeau de peau greffé pour le traitement d’une brûlure, pour lequel « seule une biopsie permettra de dire s’il s’agit d’une tumeur bénigne ou d’une tumeur maligne »(5).
Trois grands types d’aspects des plaies cancéreuses ont été décrits par Isabelle Fromantin, infirmière PhD à l’Unité recherche, plaies et cicatrisation de l’Institut Curie à Paris. « Cette distinction a pour but de simplifier la description des plaies mais n’a pas de valeur diagnostique », explique la spécialiste. Précisant que « ces plaies chroniques qui se modifient au gré de la maladie cancéreuse et de la réponse aux traitements peuvent évoluer d’un aspect à un autre. Ainsi, une plaie initialement extériorisée peut devenir cavitaire et réciproquement. En revanche, une plaie initialement étendue conserve généralement son aspect étendu ».
→ Les plaies tumorales superficielles (photo ci-contre) ont tendance à s’étendre et ne s’extériorisent ou ne se creusent pas ou très peu.
→ Les plaies tumorales extériorisées à la peau ont un aspect bourgeonnant, irrégulier, nécrotique et/ou fibrineux, dont la forme est familièrement comparée à celle d’un chou-fleur. Les nodules peuvent être agglutinés en une même masse informe ou séparés par de petits espaces qui nécessitent un nettoyage minutieux lors des soins(6).
→ Les plaies cavitaires (photo ci-contre) ou fistulisées peuvent se creuser jusqu’à des plans profonds, en délabrant progressivement les tissus et/ou les os, et en créant des plaies béantes ou des fistules(6).
La douleur d’une plaie tumorale peut être à la fois :
→ une douleur nociceptive, ou douleur inflammatoire, due à une stimulation persistante et excessive des récepteurs périphériques de la douleur (nocicepteurs). Ce type de douleur est fréquent dans un contexte de cancer. Elle répond aux antalgiques et justifie une prise en charge plus globale comme toute douleur chronique ;
→ une douleur neuropathique due à une altération des nerfs périphériques causée par la tumeur qui a provoqué des lésions dans les tissus environnants. En plus d’une hyperalgésie au contact, les plaies tumorales sont sujettes à des douleurs particulièrement incommodantes à type de démangeaisons, décharges électriques et/ou brûlures(6). Ces douleurs, souvent identifiées et prises en charge tardivement, peuvent être sources d’insomnie ou d’altération du lit de la plaie ou de la peau périlésionnelle si le patient ne peut s’empêcher de se gratter(6). Les douleurs neuropathiques étant peu ou pas sensibles aux antalgiques, les options thérapeutiques reposent sur une analgésie multimodale associant par exemple des antidépresseurs ou des antiépileptiques ;
→ une douleur psychogène, sensation douloureuse, due à l’anxiété générée dans un contexte de soins palliatifs, voire de fin de vie.
Même si ce n’est pas systématique, les plaies tumorales sont souvent malodorantes, parfois de façon fluctuante. Les odeurs désagréables, voire nauséabondes, le plus souvent liées à la flore bactérienne, font partie des symptômes les plus fréquemment cités et désignés comme « incommodants », « insupportables » ou « inquiétants »(7). Elles ont des répercussions importantes sur la qualité de vie des patients et doivent être prises en charge (voir Savoir faire p. 42).
La mauvaise odeur des plaies est causée par les bactéries localisées dans les tissus nécrosés. Ce sont principalement les bactéries anaérobies qui seraient à l’origine des odeurs nauséabondes en émettant la putrescine et la cadavérine(8), substances d’odeur fétide se formant lors de la décomposition des corps organiques. Ces odeurs peuvent entraîner des nausées, voire des vomissements, et une perte d’appétit. Des odeurs désagréables peuvent aussi être produites par certaines bactéries aérobies comme les Proteus et Klebsiella(8).
Des saignements peuvent survenir au niveau du lit de la plaie, spontanément ou provoqués par les soins. Ils sont liés à la vascularisation du tissu tumoral et à l’inflammation présente dans une lésion de ce type, et peuvent être contrôlés par l’infirmière qui effectue les soins locaux (voir Savoir faire p. 40). En revanche, le risque, rare, d’hémorragie massive due à la rupture d’un gros vaisseau provoquée par une tumeur doit faire l’objet d’une anticipation et d’une prise en charge adaptée.
La quantité d’exsudat sécrété par les plaies tumorales est variable d’une plaie à l’autre et au cours de l’évolution d’une même plaie. Dans certains cas, ces plaies peuvent être très exsudatives. C’est un paramètre que l’infirmière gère tout en tenant compte des autres symptômes de la plaie, notamment la douleur (voir Savoir faire p. 40).
« L’histoire naturelle de la maladie peut varier d’un cancer à l’autre, mais dans le cas de l’ulcération cutanée d’un cancer profond à la peau ou d’une métastase cutanée, la plaie tumorale survient en général à un stade avancé de la maladie » observe le Dr Paul-Henri Cottu, oncologue, chef de département adjoint du département d’oncologie médicale de l’Institut Curie à Paris. « Les plaies tumorales apparaissent dans plusieurs situations », ajoute Chrystel Pluviaux, infirmière en équipe mobile de soins palliatifs à l’hôpital Lyon-Sud :
→ lorsque la pathologie échappe aux traitements ;
→ dans le cas d’un cancer très agressif qui évolue très vite ;
→ lorsque le patient consulte tardivement à un stade avancé de la maladie.
« La survenue d’une plaie tumorale marque une étape significative dans la prise en charge globale du cancer pour l’oncologue », souligne le Dr Paul-Henri Cottu. Et ce, à double titre, car la survenue d’une telle plaie est un témoin de l’aggravation de la maladie dans la plupart des cas, et ce sont des plaies qui guérissent exceptionnellement. Le médecin « sait d’avance qu’une telle plaie est une complication visible, potentiellement très invalidante physiquement et/ou psychiquement, et qui peut préoccuper le patient pendant des mois ou des années », ajoute le spécialiste. La plaie peut être l’objectif principal de la prise en charge si elle représente la seule localisation du cancer. Elle peut aussi être un objectif « annexe » chez des patients qui ont d’autres métastases mettant plus en jeu leur pronostic vital. Dans tous les cas, « la plaie est intégrée dans l’évaluation oncologique globale pour savoir quelle signification lui donner du point de vue du pronostic de la maladie », observe le Dr Paul-Henri Cottu.
« La survenue d’une plaie tumorale peut être perçue par certains patients comme un signe très péjoratif associé à l’idée que la maladie évolue et qu’il n’y a plus rien à faire, mais plusieurs stratégies d’adaptation peuvent être observées chez les patients porteurs d’une plaie tumorale », rapporte Chrystel Pluviaux. Une telle plaie, au vu de l’ampleur des dégâts corporels, peut parfois engendrer un changement d’attitude chez certains patients au départ opposés à des traitements agressifs de leur cancer, comme la chimiothérapie ou la chirurgie. La plaie qui survient peut aussi s’inscrire dans une sorte de « normalité » de l’évolution d’un cancer chez des patients ayant connu plusieurs protocoles thérapeutiques sans résultats probants. « La plaie n’est pas forcément source d’inquiétude nouvelle pour le patient qui ne réalise pas toujours le potentiel de gravité qui peut lui être associé et sa chronicité prévisible », explique le Dr Paul-Henri Cottu. C’est alors plutôt une source d’inconfort quand la douleur, l’odeur ou l’aspect de la plaie altèrent profondément la qualité de vie et la relation aux autres.
Il y a des patients qui ne regardent pas leur plaie mais interrogent l’infirmière quant à son évolution. Quand d’autres patients la regardent « un peu comme si elle ne leur appartenait pas », constate Chrystel Pluviaux. Si ces patients, qui ne sont pourtant pas dans le déni de leur maladie, « prennent conscience d’un délabrement de leur corps, la barrière psychique qu’ils ont établie pour “supporter” cette nouvelle agression par le cancer peuvent flancher ». D’autres patients encore ne sont pas dans cette sorte de « déni » de leur plaie mais ne supporteront pas d’être trop sollicités à son sujet, au risque de sombrer rapidement psychologiquement.
« Face à une plaie tumorale, l’infirmière ne raisonne plus comme devant une autre plaie chronique », souligne Isabelle Fromantin. L’évolution de cette plaie ne dépend pas des soins locaux mais de la réponse aux traitements du cancer. « Ce n’est pas un contexte dans lequel les traitements sont définitivement efficaces ou ne le sont pas », mais dans lequel l’efficacité des traitements anti-cancéreux sera variable au cours de la prise en charge. Ainsi, un traitement peut être efficace et améliorer la plaie pendant un temps puis ne plus l’être par la suite. À l’inverse, une nouvelle ligne de chimiothérapie peut apporter des améliorations qui faisaient défaut avec le traitement précédent. À l’instar de la maladie elle-même, l’évolution de la plaie est imprévisible. Dans tous les cas, les soins de la plaie qui ne visent pas directement la cicatrisation conserveront un objectif de soins de support et d’accompagnement du patient. De plus, la plaie qui survient le plus souvent à un stade avancé de la maladie peut souvent être prise en charge dans un contexte global de soins palliatifs, qui peut parfois s’étendre sur plusieurs années. Pour toutes ces raisons, « l’infirmière aura intérêt à se mettre d’emblée en lien avec le service en charge du patient pour connaître le contexte du soin s’il ne lui a pas été transmis », recommande l’infirmière de l’Institut Curie.
(1) Institut national du cancer, « Épidémiologie des cancers cutanés », www.e-cancer.fr
(2) P. Quatresooz, C. Piérard-Franchimont, A. Rorive, G.E. Piérard, « Comment j’explore… une métastase cutanée. Qui es-tu, d’où viens-tu ? », Rev Med Liege 63, 2008, pp. 559-563.
(3) HAS, « Prise en charge de l’ulcère de jambe à prédominance veineuse hors pansement. Recommandations pour la pratique clinique », 2006 (consulter le lien bit.ly/HAS_Ulcere_Jambe).
(4) P. Combemale, « Ulcère de jambe cancérisé et cancer ulcéré : attention aux pièges », Journal des Maladies Vasculaires, Vol 32 (S1), 2007, p. 7.
(5) Intervention du Dr Toussaint dans la vidéo intitulée « Plaies chroniques cancéreuses et cancer cutané ulcère » sur www.therashare.tv (inscription gratuite).
(6) Société française et francophone de plaies et cicatrisation, « Les plaies tumorales », sffpc.org, rubrique Médiathèque.
(7) Isabelle Fromantin, « Étude de la flore bactérienne dansles plaies tumoralesdu sein : incidencedes biofilms bactériens sur l’évolutiondes plaies et le développement d’odeurs », Thèse de doctorat de l’université de Cergy-Pontoise, décembre 2012.
(8) C. O’Brien, « Plaies cancéreuses. Prise en charge de l’odeur », Canadian Family Physician 58 (3), 2012, pp. 141-143.
C’est le médecin grec Hippocrate (460 – 377 avant J-C) qui compara pour la première fois les plaies tumorales du cancer du sein à un crabe (« karkinos » en grec, « cancer » en latin), à cause de leur formation arrondie entourée de prolongements en rayons semblables aux pattes d’un crabe. La maladie cancéreuse a ainsi pour origine le mot latin cancer qui signifie « crabe ».
Le médecin a parlé d’un nodule de perméation. De quoi s’agit-il ?
C’est une atteinte cutanée sans ulcération qui provient de la propagation des cellules de nature cancéreuse le long des gros vaisseaux lymphatiques. C’est une lésion qui peut potentiellement devenir ulcéreuse et qu’il faut donc surveiller de près. Les nodules de perméation sont en général retirés quand ils concernent des zones très limitées pour préserver le patient de complications de type plaie tumorale.