Toxicologie
CAHIER DE FORMATION
POINT SUR
docteur en pharmacieenseignante en IFSI
Antalgique/antipyrétique le plus consommé dans le monde, le paracétamol peut provoquer des lésions hépatiques potentiellement létales en cas de surdosage. En juillet dernier, l’ANSM a demandé aux fabricants d’apposer un message d’alerte sur les conditionnements.
→ Le paracétamol est utilisé pour ses propriétés antipyrétiques (c’est l’antipyrétique de première intention, notamment en pédiatrie) et antalgiques dans le traitement des douleurs d’intensité légère à modérée. C’est l’antalgique le plus consommé en France, présent (seul ou en association à d’autres principes actifs) dans quelque 200 spécialités.
→ Chez le nourrisson et l’enfant, la dose quotidienne recommandée est de 60 mg/kg/j, à répartir en 4 ou 6 prises, soit 15 mg/kg toutes les 6 heures ou 10 mg/kg toutes les 4 heures. Chez l’enfant de moins de 40 kg, la dose totale de paracétamol ne doit pas excéder 80 mg/kg/j. Chez l’enfant de 41 à 50 kg, elle ne doit pas dépasser 3 g/j.
→ Chez l’adulte et l’enfant dont le poids est supérieur à 50 kg, la posologie usuelle est de 500 à 1 000 mg par prise, à renouveler au bout de 4 heures minimum. Il n’est généralement pas nécessaire de dépasser 3 g/j. Cependant, chez l’adulte, sur prescription médicale, la posologie peut être augmentée jusqu’à 4 g/j.
→ Chez les insuffisants rénaux, du fait de l’élimination principalement urinaire du paracétamol, l’intervalle de prise est allongé à 8?heures au minimum.
Utilisé aux doses usuelles, le paracétamol est bien toléré. Son profil d’effets indésirables est principalement constitué de rares réactions d’hypersensibilité (manifestations cutanées plus ou moins sévères, œdème de Quincke, voire choc anaphylactique) et de très exceptionnelles atteintes hématologiques. La toxicité hépatique est exceptionnelle aux doses thérapeutiques, mais cependant possible.
→ L’absorption du paracétamol par voie orale est complète et rapide. Le pic plasmatique est atteint en 30 à 60 minutes. Le paracétamol diffuse rapidement dans tous les tissus.
→ Il est métabolisé au niveau du foie principalement par glycuronoconjugaison et sulfoconjugaison, et secondairement par transformation par les cytochromes P450 en un métabolite hépatotoxique appelé la N-acétylbenzoquinone imine (NAPQI). Aux doses usuelles, cette dernière est rapidement détoxifiée par le glutathion stocké dans le foie, puis éliminée dans les urines.
→ L’élimination est majoritairement rénale (90 %).
→ Le surdosage peut être intentionnel dans le cas d’une tentative de suicide.
→ Il peut être involontaire : accidents domestiques (ingestion accidentelle par les enfants), prise concomitante de plusieurs médicaments contenant du paracétamol (spécialités antalgiques, anti-rhumes, antigrippales, anti-allergiques…), prise chronique de doses majorées et excessives pour soulager une douleur…
Le risque d’intoxication grave est majoré chez les jeunes enfants et chez les personnes dont les réserves en glutathion sont basses (personnes âgées, sujets dénutris, patients ayant une atteinte hépatique, sujets alcooliques), ainsi qu’en cas de traitement par médicaments inducteurs de cytochromes (rifampicine, certains anti-épileptiques, notamment barbituriques, et certains antirétroviraux) qui accélèrent le métabolisme du paracétamol et augmentent la quantité produite de métabolites toxiques.
→ En cas d’intoxication, les voies principales de métabolisation par conjugaison étant saturables, il se forme de grandes quantités de NAPQI. Les réserves hépatiques de glutathion se trouvent alors dépassées pour détoxifier la NAPQI, qui s’accumule et peut provoquer une nécrose hépatique potentiellement létale.
→ L’hépatotoxicité peut résulter d’un surdosage aigu unique ou d’une prise chronique de doses suprathérapeutiques. La dose toxique théorique est, pour une dose ingérée unique, supérieure à 150 mg/kg chez l’adulte (voire moins si le sujet présente des facteurs de risque) et supérieure à 100 mg/kg chez l’enfant.
→ La phase initiale de l’intoxication peut être asymptomatique ou se manifester par des nausées/ vomissements, des douleurs dans l’hypochondre droit, une anorexie et de la pâleur. Il n’y a pas de corrélation entre l’absence de symptômes et la bénignité ou la gravité de l’intoxication.
→ Après 24 heures, on peut observer des marqueurs biologiques d’atteinte hépatique : élévation des transaminases et diminution du taux de prothrombine.
→ Le surdosage peut parfois entraîner une insuffisance rénale aiguë ou une pancréatite.
→ L’hépatotoxicité peut régresser ou évoluer entre le 3e et le 6e jour vers l’insuffisance hépatocellulaire aiguë avec ictère, hémorragie, acidose métabolique, défaillance multiviscérale, coma et parfois décès.
→ Un surdosage aigu en paracétamol nécessite une hospitalisation. Si l’heure de l’ingestion est connue, un prélèvement sanguin visant à doser le paracétamol dans le plasma (après la 4e heure suivant l’ingestion car non interprétable avant) peut aider à présumer de la gravité du surdosage.
→ Le traitement repose sur l’administration intraveineuse ou orale d’un antidote : la N-acétylcystéïne, précurseur du glutathion permettant d’inactiver la NAPQI avant qu’elle ne lèse les cellules hépatiques. C’est pourquoi cet antidote doit être administré le plus précocement possible (idéalement dans les 8 heures suivant l’ingestion du paracétamol). Un traitement de l’insuffisance hépatique, voire une greffe de foie, peuvent être nécessaires. La mauvaise utilisation du paracétamol constitue la première cause médicamenteuse de greffe hépatique en France.
→ Si du paracétamol est encore probablement dans le tube digestif du patient, on a recours au charbon activé.
Afin de renforcer la prévention des risques liés au surdosage en paracétamol, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a demandé en juillet 2019 aux fabricants de médicaments à base de paracétamol de faire figurer des messages d’alerte sur les boîtes. Il s’agit d’une mention rouge « Surdosage = danger », assortie d’une mention noire « Dépasser la dose peut détruire le foie » si le médicament ne contient que du paracétamol ou « Ne pas prendre un autre médicament contenant du paracétamol » si le médicament contient du paracétamol associé à d’autres principes actifs.
→ Par ailleurs, l’ANSM rappelle les recommandations de bon usage du paracétamol :
– utiliser la dose la plus faible possible, le moins longtemps possible ;
– vérifier la présence de paracétamol dans d’autres médicaments ;
– alerter tout particulièrement les populations ayant des facteurs de risque (< 50 kg, insuffisant hépatique ou rénal, alcoolique…).
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.
Sources : ANSM, « Paracétamol et risque pour le foie : un message d’alerte ajouté sur les boîtes de médicament », communiqué du 9 juillet 2019 (consulter via le lien bit.ly/ANSM_Paracétamol).
ANSM, « Paracétamol : l’ANSM lance une consultation publique pour sensibiliser les patients et les professionnels de santé au risque de toxicité pour le foie en cas de mésusage », point d’information du 20 août 2018 (consulter via le lien bit.ly/ANSM_Consultation).
Université médicale virtuelle francophone, « Intoxication au paracétamol chez l’enfant » (consulter via le lien bit.ly/Intoxication_Enfant).
Collège national de pharmacologie médicale, « Paracétamol », 2017 (consulter via le lien bit.ly/CNPM_Paracétamol).
G. F. O’Malley, R. O’Malley, « Intoxication par le paracétamol », Le Manuel MSD, 2018 (consulter via le lien bit.ly/MSD_Paracétamol).
B. Villoing, « Intoxication au paracétamol », Urgences-Online, 2019 (consulter via le lien bit.ly/Urgences_Online_Paracétamol).