L’Assurance maladie a présenté un bilan de sa politique de fraude, dont elle vante l’efficacité, ainsi que la hausse constante des montants récupérés.
Ce sont 2,4 milliards d’euros de fraudes à l’Assurance maladie qui ont été « détectés, stoppés et sanctionnés » depuis 2005. Des résultats en progression constante selon le bilan présenté par la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) cet automne : entre 2014 et 2018, 1,2 milliard d’euros de fraudes ont été détectés contre 744 millions d’euros au cours des quatre années précédentes. Pour la seule année dernière, ce montant s’élève à 261,2 millions d’euros et représente 9 891 fraudeurs. En effet, les moyens de lutte contre la fraude de la Cnam sont de plus en plus sophistiqués, notamment dans les techniques d’exploitation des bases de données statistiques. Un premier barrage s’effectue automatiquement : 13 millions de factures, jugées non conformes, sont rejetées chaque année par les systèmes de contrôle intégrés dans les applications informatiques de l’Assurance maladie et doivent être revues par ceux qui les ont émises. « La seconde batterie de contrôle s’effectue à partir d’éléments de contexte, comme la validité de la carte Vitale, la vérification de la domiciliation de l’assuré ou encore la concordance entre la prescription et la délivrance des médicaments », explique Marc Scholler, directeur comptable et financier de la Cnam.
Des techniques efficaces puisque que, chaque année, l’Assurance maladie dépasse les objectifs de contrôle fixés par l’État. « En volume, les enquêtes que nous réalisons concernent pour moitié les assurés, souligne la Dr Catherine Bismuth, directrice de l’audit, du contrôle, du contentieux et de la répression des fraudes. Les montants récupérés relèvent en revanche pour les trois-quarts des offreurs de soins. Dans tous les cas, ce sont souvent des investigations complexes qui nécessitent des avis juridiques et médicaux. » Au sein de la Cnam, un millier de salariés à temps plein sont en charge de la lutte contre la fraude. « Le sujet de la fraude ne doit pas être un tabou, mais il ne doit pas être non plus l’objet de fantasmes », a noté Nicolas Revel, le directeur général de la Cnam, réfutant notamment les conclusions provisoires d’une enquête parlementaire selon laquelle 14 millions de cartes Vitale surnuméraires seraient potentiellement en circulation (lire L’Infirmière libérale magazine n° 362). Depuis la création de la carte Vitale en 1999, 42 millions de cartes ont été invalidées et désactivées et 59 millions sont actuellement actives, répond la Cnam. S’agissant enfin de l’aide médicale d’État (AME), que le gouvernement souhaiterait réformer pour limiter d’éventuels abus, le bilan de la Cnam fait état de 62 fraudes à l’AME en 2018, soit 0,37 % du montant de l’ensemble de la fraude.
Dans le détail, sur 242,4 millions d’euros de fraudes étudiées par l’Assurance maladie en 2018, 84,9 millions concernent les professionnels de santé, prestataires et fournisseurs, dont 44,6 millions par des contrôles sur « des offreurs de soins répétant des anomalies de facturation d’actes et de prestations » et 37 millions par le « renforcement des actions de contrôle sur les professionnels avec une forte atypie d’activité ou de facturation ». En revanche, l’Assurance maladie explique avoir renoncé à appliquer le dispositif de « mise sous objectifs » (MSO) et « mise sous accord préalable » (MSAP) des actes des Idels, des masseurs-kinésithérapeutes et des sages-femmes comme le budget de la Sécu pour 2018 l’y autorisait. « Il s’est avéré que la procédure n’était pas adaptée aux situations rencontrées », justifie la Cnam dans son Bilan des actions de la lutte contre la fraude. Pour les Idels, ce bilan révèle un montant total de 34 millions d’euros de fraudes, dont 856 fraudes à la nomenclature pour un montant de 17,3 millions d’euros, 243 prestations fictives et facturations multiples frauduleuses pour un montant de 11,5 millions d’euros, 129 facturations d’actes non conformes ou déjà inclus dans un forfait pour un montant de 315 000 euros, 29 factures falsifiées, surchargées ou contrefaites pour un montant de 2,2 millions d’euros, 23 non-respects de la réglementation pour un montant de 973 000 euros ou encore sept exercices illégaux de la médecine ou d’une profession non médicale pour 253 000 euros. « Une erreur de nomenclature d’un professionnel n’est pas considérée comme une fraude », a souligné la Dr Catherine Bismuth. La Cnam établit en effet une distinction entre abus, faute et fraude.