Le patient donne le “la” - L'Infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019

 

ETP

L’EXERCICE AU QUOTIDIEN

Géraldine Langlois  

Carole Di Benedetto, Idel dans l’Ain, s’est formée à l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Cela a radicalement modifié sa façon de pratiquer

« Quand je me suis installée dans l’Ain, je me suis aperçue qu’il y avait beaucoup de patients atteints de maladies chroniques qui ne comprenaient pas bien leur pathologie, les complications possibles ou leur traitement. J’ai pensé qu’en tant qu’Idel, je pouvais faire quelque chose pour eux… J’ai suivi en 2011 une certification en ETP. Je croyais en savoir beaucoup sur la question, et finalement… pas tant que ça ! La formation comprend des cours théoriques sur les préconisations de la Haute Autorité de santé, sur la manière de mener un entretien, d’établir un diagnostic éducatif et sur l’alliance thérapeutique, notamment dans des situations compliquées. Nous avons fait beaucoup de jeux de rôle et de mises en situation filmées. Nous jouions alternativement le soignant ou le soigné. Nous avons pu interroger notre façon de nous comporter en nous demandant : « Si c’était moi le patient, si on me faisait ou disait cela ? » Cette formation a induit une grande remise en question. En tant qu’Idel, on fait beaucoup à la place du patient. Ça va plus vite ! Alors que dans l’approche ETP, on explore ce qu’il sait, ou sait faire, et on part de ça pour consolider ses acquis. Par exemple, certains patients diabétiques n’ont pas envie de se piquer : à nous de les mettre en confiance pour que, peu à peu, ils deviennent plus autonomes. Quand ça ne marche pas, c’est que la confiance n’est pas là ou pas suffisante… Avec l’ETP, j’ai changé de regard sur la relation entre le soignant, celui qui a priori sait, et le patient. Je laisse davantage faire les patients diabétiques, asthmatiques ou qui souffrent de maladie cardiovasculaire. Quand je sens que c’est nécessaire, je passe un peu plus de temps avec eux pour évoquer leur traitement ou leur hygiène de vie. Je peux expliquer à un patient le fonctionnement d’un inhalateur ou proposer une activité physique régulière. Je ne suis plus dans l’injonction et, avec tous les patients en général, je me sens sur un pied d’égalité. Ça change la donne ! Certes, cela prend du temps, ce n’est pas toujours simple, mais comme je me forme actuellement à la pratique avancée, j’aurai la possibilité d’y consacrer plus de temps quand je serai IPA ! »

Françoise Annezo, infirmière chargée de mission à l’Association française pour le développement de l’éducation thérapeutique (Afdet)

« Il est logique que les Idels s’investissent dans l’ETP, c’est leur cœur de métier ! Mais cela nécessite une formation et une reconnaissance. L’ETP à domicile se pratique à plusieurs niveaux. Les Idels peuvent l’intégrer à leur pratique quotidienne, pas seulement pour les malades chroniques : c’est l’ETP “incorporée”. Avec l’ETP, la pratique est centrée sur les besoins de la personne et non sur sa pathologie. Si les Idels travaillent dans une maison ou un pôle de santé, elles ont toute leur place dans les programmes d’ETP. Avec les médecins traitants, elles sont les binômes porteurs de cette démarche. La formation à l’ETP peut aussi donner une dimension très intéressante à la pratique des infirmières Asalée, mais aussi des infirmières qui se forment aux pratiques avancées, nombreuses à souhaiter pratiquer en libéral. »