Le retour au déficit - L'Infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019

 

BUDGET DE LA SÉCU

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’année prochaine est actuellement en cours d’examen au Parlement. Il signe le retour des déficits.

On croyait le trou de la Sécu enterré et voici qu’il réapparaît. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2020) actuellement en cours de débat au Parlement affiche une prévision de déficit de 5,5 milliards d’euros pour cette année, alors que le retour à l’équilibre avait été annoncé par le gouvernement l’année dernière. En cause notamment, le coût des mesures en faveur du pouvoir d’achat suite à la crise des Gilets jaunes, qui ne sera pas compensé par l’État à la Sécurité sociale. Une situation qui a fait froncer les sourcils des magistrats de la Cour des comptes (lire p. 20) mais également une partie de la majorité à l’Assemblée nationale. En effet, lors de l’examen du budget par la commission des affaires sociales mi-octobre, les députés se sont rebiffés et ont voulu réaffirmer le principe qui veut que l’État doit toujours rendre à la Sécu le manque à gagner qu’il provoque par sa politique. Le budget de la branche maladie de la Sécurité sociale sera en hausse de 2,3 % l’année prochaine par rapport à cette année, un peu moins qu’annoncé : + 2,4 % pour les soins de ville et + 2,1 % pour les établissements. Au total, ce sont 222,3 milliards d’euros qui seront consacrés aux dépenses de santé. Mais comme chaque année, pour respecter cette enveloppe, des économies sont nécessaires pour absorber l’augmentation naturelle des dépenses, due notamment au vieillissement de la population. Celles-ci seront surtout faites sur les tarifs des médicaments et des dispositifs médicaux (pour 1,345 milliard), ainsi que sur la « pertinence et la qualité des actes et des prescriptions » (pour 1,235 milliard), notamment par des baisses des tarifs des radiologues et des biologistes et la maîtrise des prescriptions des médecins. Des économies sont aussi attendues sur l’optimisation des achats hospitaliers et sur la structuration des parcours de soins entre la ville et l’hôpital.

Des mesures en faveur des assurés

Aucune mesure de ce PLFSS ne porte directement sur les Idels. Le texte ne contient d’ailleurs qu’un nombre réduit de nouvelles dispositions, ce qui est logique, puisque la loi de modernisation du système de santé défendue par Agnès Buzyn a été adoptée il y a à peine plus de trois mois. Une série d’articles qui concernent les assurés est néanmoins à retenir :

- l’obligation de produire des certificats médicaux pour les enfants afin d’obtenir une licence sportive est supprimée. Cette mesure pourrait viser 6 millions de jeunes et devrait également permettre aux médecins généralistes de gagner du temps ;

- dans les territoires ruraux, le gouvernement souhaite favoriser le développement de caisses de Sécurité sociale communes, par exemple entre les CAF et les CPAM, comme c’est déjà le cas en Lozère ;

- à la suite de la mise en place au 1er novembre de la complémentaire santé solidaire (CSS) (lire p. 10), le texte prévoit que les personnes qui ne sont plus éligibles à ce dispositif parce que leurs revenus ont augmenté puissent néanmoins en garder le bénéfice pendant une année supplémentaire ;

- un fonds d’indemnisation des victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides sera mis en place, pour lequel un budget de 53 millions d’euros est prévu. Le but est notamment d’indemniser plus équitablement les exploitants agricoles dont la réparation est aujourd’hui moins favorable que celle des salariés agricoles ;

- les enfants pris en charge dans le cadre de la protection de l’enfance vont bénéficier d’un bilan de santé obligatoire financé par l’Assurance maladie à leur entrée dans le dispositif ;

- de nouveaux modes de prise en charge des dispositifs médicaux, en particulier les fauteuils roulants, vont être adoptés. En effet, comme dans de nombreux pays européens, le remboursement de matériel de seconde main va être autorisé. Cela passera par un « référencement sélectif » permettant de diminuer les prix de vente des fauteuils reconditionnés et d’en favoriser l’accessibilité ;

- un parcours d’accompagnement physique et psychologique des malades qui ont été traités pour un cancer va être mis en place ;

- les femmes enceintes résidant à plus de 45 minutes d’une maternité pourront se voir proposer un hébergement à proximité de l’établissement à l’approche du terme.

Refonte du financement de la psychiatrie

Enfin, dans la suite de la loi Buzyn adoptée en juillet, ce budget de la Sécu prévoit l’adaptation des modalités de financement des nouveaux hôpitaux de proximité qui devront bénéficier d’« une garantie pluriannuelle de financement » en fonction de leur activité antérieure. Ils recevront aussi des dotations pour permettre l’accès à des consultations de spécialités et mettre en place des plateaux techniques et des équipements de télésanté. De même, ce texte amorce la refonte complète du financement du secteur de la psychiatrie, une nouvelle modalité de financement à la qualité et au développement de nouvelles activités. En outre, dans les déserts médicaux, les différents types de contrats destinés à inciter les médecins généralistes à s’installer vont être fondus en un seul.

Le budget de la Sécu est désormais dans les mains des sénateurs qui vont en débattre à leur tour à partir du 12 novembre.

DES AIDANTS UN PEU AIDÉS

C’est une bonne nouvelle pour ces 8 à 11 millions de personnes que les Idels croisent souvent au domicile des patients : ceux qui aident un proche en situation de perte d’autonomie en raison d’une situation de handicap, de l’âge ou d’une maladie, de manière régulière et non professionnelle. Ces derniers pourront bénéficier à partir d’octobre de l’année prochaine d’une indemnisation financière pour faciliter le recours au « congé de proche aidant ». Cette indemnisation sera versée par les CAF ou les caisses de MSA pendant une durée qui pourra aller jusqu’à trois mois… sur l’ensemble de la carrière de l’aidant. Le montant de l’allocation sera fixé à un niveau équivalent de celui de l’allocation journalière de présence parentale, soit entre 43 et 52 euros selon la composition du foyer. Le coût de cette disposition est estimé à 100 millions d’euros par an. Les administrateurs de la Caisse nationale d’allocations familiales ont salué cette mesure.

LE CHANTIER DE LA CLASSIFICATION DES ACTES RELANCÉ

Le PLFSS invite l’Assurance maladie à remettre sur le métier le travail de nomenclature des actes médicaux et paramédicaux ainsi que des soins assurés par les établissements, une nomenclature qui « doit correspondre à l’état de l’art médical et ne pas favoriser des techniques ou des modes de prise en charge obsolètes ou moins efficaces », insiste le gouvernement. Ce chantier devra associer les professionnels de santé, les sociétés savantes et la Haute Autorité de santé (HAS).