L'infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019

 

COUR DES COMPTES

ACTUALITÉ

Caroline Coq-Chodorge  

Alors que la Sécurité sociale creuse à nouveau son déficit, la Cour des comptes suggère de nouvelles mesures d’économies.

« Le retour à l’équilibre financier s’éloigne, au moins provisoirement » : c’est par ce message que le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a introduit, mardi 8 octobre 2019, sa présentation du rapport annuel sur la Sécurité sociale. La juridiction financière commente ainsi le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, qui prévoit de creuser à nouveau le déficit, à - 5,4 milliards d’euros en 2019, alors que l’équilibre devait être atteint cette année. Ce déficit tient d’une part aux mesures d’urgences économiques adoptées fin 2018 à la suite du mouvement des Gilets jaunes, qui pèsent sur les comptes sociaux à hauteur de 2,7 milliards d’euros, d’autre part aux prévisions économiques trop optimistes qu’avait fait le gouvernement l’année dernière (2,8 milliards d’euros).

Transport des patients

Pour améliorer les comptes sociaux, la Cour des comptes propose de maîtriser certaines dépenses qui « connaissent une véritable dérive », a expliqué son président. La Cour a notamment étudié les transports de patients, en ambulance, en véhicule sanitaire léger (VSL) et en taxi conventionné, qui coûtent chaque année 5 milliards d’euros. Dans 60 % des cas, ces transports sont à l’initiative des établissements de santé, mais sont le plus souvent pris en charge par l’Assurance maladie. La Cour des comptes propose de transférer aux établissements la gestion de ce budget. Elle préconise également une appréciation plus systématique par un médecin de l’incapacité ou des déficiences du patient, qui justifieraient un transport sanitaire. « Les dérives sont faciles à constater, y compris dans notre entourage », a observé le président de la 6e chambre de la Cour, en charge de la Sécu, Denis Morin. Seulement, la Cour des comptes se fait peu d’illusions : elle a relevé ces dérives par le passé, et « la situation n’a pas connu d’amélioration. Les dépenses de transport sont élevées, croissantes et pourtant mal connues. Faute d’instruments adaptés ou par manque de volonté d’y recourir, leur régulation est largement défaillante ».

Arrêts de travail

Les indemnités journalières pour arrêt de travail sont aussi toujours en forte progression en 2018 : + 4,4 % en 2018, soit une dépense de 14,5 milliards d’euros. Et l’allongement de la durée de travail, en raison de la réforme des retraites, n’est pas une explication suffisante, constate la Cour des comptes. Entre 2011 et 2017, la durée des arrêts de travail a augmenté, dans toutes les classes d’âge. Le secteur de la santé et de l’action sociale est le plus concerné : en moyenne, chaque salarié est arrêté près de 20 jours par an. Ces salariés sont parmi les plus touchés par les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui est un bon indicateur des conditions de travail dégradées. Pour contrôler les arrêts de travail, la Cour avance deux propositions : instaurer, pour les salariés du privé, un jour de carence qui ne soit pas du tout indemnisé, ni par l’employeur ni par un organisme de prévoyance, et mieux contrôler une « minorité de médecins qui prescrivent beaucoup plus de journées d’arrêt de travail que leurs confrères, à patientèle comparable ».

Consultations externes

La Cour des comptes s’est aussi penchée sur un sujet plus méconnu : les actes et consultations externes à l’hôpital public. Ce sont les actes réalisés lors d’une venue aux urgences non suivie d’une hospitalisation, les avis médicaux spécialisés, les actes de biologie ou d’imagerie, les consultations en pré- ou post-hospitalisation, les consultations périodiques dans le cadre du traitement d’une pathologie, etc. Ils représentent 11 % du total des consultations médicales en France, soit une dépense de 4,2 milliards d’euros, en hausse de 20 % entre 2013 et 2017. La Cour ne sait pas si cette hausse est due au virage ambulatoire de l’hôpital, faute d’une description suffisante par les établissements. En revanche, elle n’est pas le résultat d’un manque de médecins libéraux : ces actes et consultations externes sont d’autant plus nombreux que l’offre de consultations libérales est forte sur un territoire. La Cour constate : « Lorsque l’offre libérale de ville est insuffisante, les actes et consultations externes à l’hôpital peuvent utilement la compléter. Lorsque l’offre de ville est abondante et que les dépassements d’honoraires sont limités, l’offre hospitalière a moins d’utilité. »