Quel rôle pour les infirmières ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019

 

PHARMACOVIGILANCE

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Laure Martin  

Depuis la loi Bertrand de 2011 consécutive au scandale du Mediator et la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, le système de pharmacovigilance a été considérablement revu et renforcé. Le rôle des Idels dans le domaine est fondamental, comme le rappelle leur Code de déontologie.

LA PHARMACOVIGILANCE, DÉFINIE PAR LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE, a pour objet la surveillance du risque d’effets indésirables résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain, ainsi que l’évaluation, la prévention et la gestion de ce risque. Un effet indésirable n’est pas un effet secondaire qui, lui, est généralement inscrit sur la notice d’un médicament et anticipé par le laboratoire pharmaceutique. Il s’agit en revanche d’une réaction inhabituelle qui affecte la santé et n’est pas souhaitée.

Le devoir des Idels

La pharmacovigilance relève, en France, de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), relayée par le réseau des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV). Ces centres sont chargés de recueillir les déclarations d’effets indésirables des professionnels de santé, des patients, des associations de patients et des laboratoires pharmaceutiques. On peut également s’adresser à un CRPV pour toute demande de renseignement.

Selon la loi, tout médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme doit déclarer les effets indésirables dont il a connaissance au CRPV dont il dépend géographiquement. Tout autre professionnel de santé qui a connaissance d’un effet indésirable est invité à le signaler. Le Code de déontologie des infirmiers fait de cette déclaration un devoir pour les Idels (article R. 4312-8 du Code de la santé publique). Elles doivent apporter leur concours à l’action des autorités compétentes en vue de la protection de la santé, du fait notamment de leur rôle propre qui comprend la vérification de la prise des médicaments et la surveillance de leurs effets (article R. 4311-5 du Code de la santé publique). Toutes doivent connaître le CRPV dont elles relèvent.

Le signalement

Pour signaler un effet indésirable, il est possible de contacter directement le CRPV. Mais depuis la loi de 2016, le ministère chargé de la Santé a créé un portail de signalement en ligne sur lequel les déclarations de pharmacovigilance doivent préférentiellement être réalisées : www.signalement-sante.gouv.fr. La déclaration est automatiquement transmise au CRPV. Sur ce site, le professionnel de santé est guidé dans sa déclaration et peut recevoir de nombreuses informations. Il peut aussi déclarer des événements autres comme la matériovigilance, la radiovigilance, la réactovigilance ou encore l’hémovigilance. Il doit informer le patient de la déclaration le concernant.

Les professionnels de santé doivent cependant déclarer avec une certaine prudence, c’est-à-dire veiller à ce que l’effet soit inhabituel. Les déclarations, qui font l’objet d’une analyse clinique, biologique et pharmacologique, permettent une bonne remontée des statistiques afin que les pouvoirs publics prennent conscience d’un phénomène collectif.

Éviter les effets indésirables

En effectuant des déclarations, l’Idel est vraiment dans son rôle propre et agit pour la santé publique. Elle a d’ailleurs un devoir précis concernant le médicament, qui participe à éviter les effets indésirables chez les patients. L’article R. 4312-38 du Code de déontologie prévoit qu’elle doit vérifier « que le médicament, produit ou dispositif médical est conforme à la prescription. Elle contrôle également son dosage, sa date de péremption, et respecte le mode d’emploi des dispositifs médicaux utilisés ». L’article R. 4312-39 précise par ailleurs que « l’infirmière prend toutes précautions en son pouvoir pour éviter que des personnes non autorisées puissent avoir accès aux médicaments et produits qu’elle est appelée à utiliser dans le cadre de son exercice professionnel ». Si elle ne remplit pas ses obligations, elle est passible de sanctions. L’infirmière doit appliquer et respecter « la prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, quantitative et qualitative, datée et signée » (article R. 4312-42). Elle doit demander « au prescripteur un complément d’information chaque fois qu’elle le juge utile, notamment si elle estime être insuffisamment éclairée ». Si elle ne peut pas la vérifier auprès de son auteur, elle peut se tourner vers un autre membre de la profession concernée. « En cas d’impossibilité et de risques manifestes et imminents pour la santé du patient, elle adopte, en vertu de ses compétences propres, l’attitude qui permet de préserver au mieux la santé du patient, et ne lui fait prendre aucun risque injustifié. » Le Code de déontologie reconnaît ainsi la capacité de l’infirmière à avoir un jugement critique sur la prescription médicale. Elle détient un rôle de vigilance sur l’application de la prescription, ce qui fait d’elle un acteur clef du dispositif de pharmacovigilance.

info +

→ ANSM, « Comment déclarer un effet indésirable », via le lien bit.ly/ANSM_ Déclarer

→ ANSM, « Bonnes pratiques de pharmaco-vigilance », 2018, via le lien bit.ly/ANSM_ Bonnes_pratiques

LES ÉTAPES DE LA PHARMACOVIGILANCE

La pharmacovigilance repose sur :

1. le recueil basé sur la notification spontanée des effets indésirables par les professionnels de santé, les patients et associations agréées de patients et les industriels, avec l’appui du réseau des 31 centres régionaux de pharmacovigilance ;

2. l’enregistrement et l’évaluation de ces informations ;

3. la mise en place d’enquêtes ou d’études pour analyser les risques, la participation à la mise en place et au suivi des plans de gestion des risques ;

4. l’appréciation du profil de sécurité d’emploi du médicament en fonction des données recueillies ;

5. la prise de mesures correctives (précautions ou restrictions d’emploi, contre-indications, voire retrait du produit) et la communication vers les professionnels de santé et le public ;

6. la communication et la diffusion de toute information relative à la sécurité d’emploi du médicament ;

7. la participation à la politique de santé publique de lutte contre la iatrogénie médicamenteuse.

Source : ANSM.

Article réalisé avec l’aide de Yann de Kerguenec, directeur de l’Ordre national des infirmiers.