C’est un burn-out qui a conduit Françoise Renault à la sophrologie. Cette discipline l’a tellement aidée personnellement qu’elle a décidé de la pratiquer en parallèle de son activité d’Idel.
« On se met dans une posture de relaxation, on prend conscience de sa tête, de son cou, de sa nuque, on inspire et sur l’expire, on chasse les tensions. » Françoise est en pleine séance de sophrologie. Cela fait deux ans qu’elle pratique cette méthode de relaxation dans son cabinet de Colombes (Île-de-France), lorsqu’elle n’est pas en train de faire des soins en tant qu’Idel remplaçante. « La sophrologie, c’est prendre un temps pour soi, prendre soin de soi, raconte-t-elle. Au cours d’une séance d’environ 45 minutes, on déconnecte son mental, on se relie à son corps, à ses émotions pour faire émerger le positif, ses ressources, ses capacités, et se montrer bienveillant envers soi-même. » La majorité des personnes qu’elle accompagne font face à un mal-être pour des raisons personnelles ou professionnelles, mais il est aussi possible d’avoir recours à la sophrologie en préventif. Ce temps pour soi permet de prendre un certain recul vis-à-vis d’un problème et de trouver des solutions en étant dans un état de conscience modifiée, à l’écoute de soi et de son corps. « Je conduis la séance et la vis avec la personne que j’accompagne, indique Françoise. Il s’agit d’une cocréation. Ensemble, nous nous aidons, l’énergie circule entre nous. Je suis dans un rôle de soignante et cela me plaît. »
Être aux petits soins pour les autres, « c’est ma mission de vie », explique-t-elle. Plus jeune, elle décide de devenir infirmière car elle ressent le besoin d’aider les autres. « Ma maman était très portée sur les soins homéopathiques, sur les soins “doux”, se souvient-elle. Elle était à l’écoute de son corps, ce qui m’a donné l’envie de soigner les autres. » Françoise ne s’imagine pas médecin, mais plutôt kinésithérapeute, ostéopathe ou infirmière. Elle passe plusieurs concours et réussit celui de l’Ifsi de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. « Quand j’ai été diplômée, en 1986, j’étais très fière de moi, car j’étais d’une nature douillette et timide. Mais avec ce diplôme, je savais soigner, prendre soin de l’autre. » Elle déménage à la frontière allemande pour rejoindre son conjoint militaire et travaille en chirurgie à l’hôpital de Hautepierre, à Strasbourg. « Je me suis éclatée, car j’ai découvert des techniques de soins pointues. Mais étant douillette, je faisais très attention dans ma manière d’effectuer les gestes. » Elle part ensuite à Brignoles, dans le Var, où elle reste sept ans. « Avec mon mari, nous étions convenus que dès que nous aurions des enfants, j’arrêterais de travailler pour m’en occuper, c’était mon choix et ma volonté », explique-t-elle. Trois de leurs quatre enfants naissent dans le Sud, elle devient alors mère au foyer, mais « ce besoin d’échanger, d’aider était mis de côté, cela m’ennuyait », reconnaît-elle. L’ANPE (aujourd’hui Pôle emploi) lui propose alors de devenir formatrice pour des femmes au chômage de longue durée afin qu’elles deviennent auxiliaires de vie. « Je l’ai fait pendant deux ans, j’ai trouvé agréable de transmettre ce que je savais. » Une autre mutation de son conjoint ramène la famille dans les Yvelines, et Françoise décide de reprendre le travail en tant qu’infirmière dans une clinique chirurgicale privée. Elle y reste un an et demi seulement, car « les enjeux économiques ont pris le dessus sur l’humain ». C’est sa rencontre avec une Idel qui la convainc d’essayer ce mode d’exercice. « Le libéral, c’était l’inconnu, car pendant mes études, on ne nous en avait pas parlé, se rappelle-t-elle. J’ai contacté l’Idel dont les patients de la clinique ne cessaient de me parler, et comme elle était surchargée, elle m’a confié une soirée de soins par semaine. J’ai aimé rencontrer les patients à leur domicile, ne pas travailler sous la contrainte financière. Cela parlait à mon cœur d’infirmière. » C’est le début de l’aventure libérale. En 1997, elle reprend un cabinet infirmier au sein d’une structure de santé, à Élancourt (Yvelines), et travaille une année toute seule, en développant une activité de cabinet à 80 % de sa patientèle. Une amie de la clinique la rejoint ainsi qu’une troisième Idel. Tout sourit à Françoise jusqu’en 2005.
« Entre 1997 et 2004, j’ai développé une bonne patientèle, le cabinet tournait bien, se souvient-elle. La situation s’est ensuite dégradée. L’arrivée d’un quatrième enfant, un mari souvent en déplacement en raison de sa carrière militaire, mon cabinet libéral à gérer, les assemblées de la SCM auxquelles je devais assister… En parallèle, trois patientes de mon âge sont décédées d’un cancer ainsi que deux grands-mères que je prenais en charge depuis le lancement de mon cabinet. Mon amie a également quitté le cabinet pour déménager dans le Sud. À l’époque, j’étais une éponge, je captais tout, cela m’a beaucoup affectée. C’était trop, j’ai fait un burn-out. » En six mois, elle trouve une remplaçante et part vivre à Saint-Malo. « Mes filles sont restées avec leur papa, et je suis partie vivre là-bas avec mon fils, malade à l’époque, pour récupérer ce qu’on pouvait de nous deux. Saint-Malo, c’est mon “lieu ressource”, mes racines, mes parents y habitent. » À l’époque, le burn-out n’est pas reconnu et l’exercice en libéral n’offre pas de chômage. « Je suis partie sans un sou. » Elle débute, ainsi que son fils, une psychothérapie et trouve un travail dans un laboratoire d’analyses médicales à mi-temps. « C’est mon psychothérapeute qui m’a proposé des séances de sophrologie. On parle peu en sophrologie, tout passe par le corps, les mouvements, la relaxation, la méditation. Dès le début, ça m’a plu. » Et de poursuivre : « Ça a été compliqué de mettre des mots sur mes émotions. Le psychothérapeute a travaillé avec moi, non pas sur mes problèmes de femme, de mère ou d’épouse, mais plutôt sur ma posture de soignante. C’était étonnant, car je ne l’avais pas analysée. » Il lui fait comprendre que, certes, elle est une soignante, mais que son rôle n’est pas de guérir les gens. La sophrologie lui permet aussi de comprendre qu’elle doit prendre soin d’elle pour prendre soin des autres.
Remise sur pieds après deux ans à Saint-Malo, elle revient en région parisienne et reprend son cabinet. Elle y travaille pendant quatre ans, puis rencontre son nouveau conjoint et décide d’aller vivre dans le Val-d’Oise. Son déménagement et la vente de son cabinet créent quelques tensions avec sa collaboratrice de l’époque, si bien qu’une fois installée à Saint-Leu-la-forêt, Françoise ne veut plus entendre parler de création de cabinet et devient remplaçante. « Depuis mon burn-out, j’avais aussi en tête d’arrêter le métier d’infirmière, de faire une reconversion pour découvrir autre chose. J’ai mis trois ans à trouver. » En 2016, elle débute une formation de treize mois à l’Académie de sophrologie caycédienne de Paris, tout en effectuant des remplacements. Depuis 2017, Françoise est sophrologue certifiée. « Je me suis installée dans le cabinet d’un ostéopathe qui me loue ses locaux les mardis et jeudis. Les autres jours de la semaine, je suis Idel remplaçante. C’est compliqué de faire les deux métiers, c’est très prenant, d’autant que je suis également chargée de mission auprès de l’Ordre des infirmiers du Val-d’Oise. » Néanmoins, avec ses deux ans d’activité, elle commence à avoir des fidèles. Françoise s’est fait connaître auprès des médecins et professionnels de médecine complémentaire de son territoire, « un travail qui prend beaucoup d’énergie. Je me déplace, je laisse mes cartes de visite, mais c’est surtout le bouche-à-oreille qui fonctionne, et la présence sur les réseaux sociaux ! » Elle a d’ailleurs fait une année de coaching en marketing pour apprendre à développer son activité.
Françoise propose un accompagnement individuel de cinq à dix séances et organise également des séances de groupe afin d’être dans le partage. « Ce sont majoritairement des femmes qui viennent après leur travail pour prendre un temps pour elles », précise-t-elle. Françoise intervient aussi une fois par mois au sein de l’association France Alzheimer de Saint-Malo pour proposer des séances de sophrologie avec des aidants et des aidés. « Mon père a la maladie d’Alzheimer et je vois ce que cela implique pour ma mère, je suis donc à l’aise avec cette activité et cela me plaît de pouvoir aider. » Elle est également formatrice dans un organisme de formation pour les Idels. « Je voulais soutenir les Idels, car j’ai un lien particulier avec cette famille. Je leur propose de la sophrologie sur le thème de la gestion du stress et des émotions dans toute la France. Les Idels sont en demande, elles découvrent qu’elles ont des limites. La sophrologie aide à les identifier et à trouver un sens à leur travail. Elles apprennent à prendre du temps pour elles, à faire des pauses. » Cette discipline est aussi adaptée aux jeunes Idels, « qui se disent déjà qu’elles ne vont pas tenir en libéral mais qui ne veulent pas pour autant retourner à l’hôpital. Elles sont perdues, car elles savent qu’elles veulent être soignantes. Mais comment se sentir bien dans cette posture sans souffrir et se perdre ? » Françoise se sert de la sophrologie avec ses patients dans son activité d’infirmière, notamment pour les soins douloureux. « Je ne leur explique pas forcément, je l’intègre dans la prise en charge globale sans dire ce que c’est », indique-t-elle. À terme, son objectif serait d’être sophrologue à temps plein, tout en gardant un lien avec les infirmières, en leur dispensant des séances.