Préparations magistrales
CAHIER DE FORMATION
POINT SUR
Pour des populations ou des cas thérapeutiques particuliers, les doses médicamenteuses peuvent être adaptées aux besoins spécifiques du patient. Posologies sur mesure, changements de compositions ou de formes, de nombreuses personnalisations de traitement sont possibles grâce à la préparation pharmaceutique magistrale.
Les médicaments préconditionnés, aussi nombreux soient-ils dans les tiroirs des pharmacies, ne permettent pas toujours de répondre aux besoins de chaque patient. Des adaptations des doses à administrer sont quelquefois nécessaires. Des solutions existent dans les pharmacies d’officine et les pharmacies hospitalières. Tour d’horizon.
Lorsque le traitement demande une posologie plus faible, ou plus fine que celle prévue par l’industrie, le pharmacien peut réaliser des préparations magistrales dans son officine ou sous-traiter auprès d’une pharmacie spécialisée qui les réalise pour lui. « L’adaptation posologique est quelque chose de très facile, explique Éric Myon, pharmacien, secrétaire général de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Typiquement, il s’agit de partir de la spécialité existante, un comprimé que l’on écrase ou une gélule que l’on ouvre, ou directement de la matière première. Et de préparer de nouvelles gélules avec le dosage précis souhaité. »
Le premier champ concerné par ces adaptations posologiques est celui de la pédiatrie. « Nombre de spécialités n’ont pas d’indications chez l’enfant et donc pas de formes galéniques adaptées à leur âge. Il est fréquent de devoir préparer des formes pédiatriques à partir de formes adultes », explique Fabien Bruno, pharmacien titulaire à la pharmacie Delpech (Paris), spécialisée dans les préparations magistrales. Les possibilités sont très nombreuses. « Grâce à la préparation, nous pouvons adapter presque tous les traitements aux enfants. Sauf les formes stériles, parce qu’il n’y a pas de marché pour ce type de préparations », précise le pharmacien. Les domaines thérapeutiques les plus concernés sont la cardiopédiatrie, la neuropédiatrie et les troubles métaboliques. Les pharmaciens sont aussi amenés à préparer de la mélatonine, de plus en plus prisée. Ils travaillent le plus souvent à partir de matières premières qu’ils achètent en vrac, mais ils peuvent aussi partir des spécialités adultes déjà existantes. « 90 % des médicaments que l’on prépare pour les enfants sont des gélules, indique Fabien Bruno. Mais nous fabriquons de plus en plus de liquides pédiatriques, parce que la demande existe, et parce que de nouveaux excipients liquides arrivent sur le marché : des excipients qui évitent la sédimentation des produits non solubles et qui contiennent des conservateurs. »
Les préparations sous forme liquide ne sont cependant pas idéales, selon Fabien Bruno. « Des réactions d’hydrolyse peuvent se mettre en œuvre. Le phénomène est très molécule-dépendant, mais rien ne prouve que la stabilité des liquides soit bonne. » De plus, quand un principe actif est réduit en poudre, puis remis en solution dans un liquide, même avec un produit sucré, il peut laisser un goût désagréable en bouche à l’enfant, rendant difficile son administration. Même si, sur ce point, des progrès ont aussi été faits. « Des agents masquants par le goût sont désormais disponibles, explique Damien Lannoy, pharmacien hospitalier au CHRU de Lille et professeur de pharmacie galénique à la faculté. Et il existe des cas où, quand on formule le médicament pédiatrique de A à Z, on part du principe actif, on ajoute un véhicule neutre et le goût souhaité, que l’on peut changer à la demande. » En pédiatrie, les formes gélules sont préférables. Tous les principes actifs peuvent être mis en gélules et tous les cas sont « gérables » par les préparateurs. « Si les comprimés de l’industrie, à la base, présentent des propriétés gastrorésistantes, nous sommes capables de faire des gélules gastrorésistantes, explique le pharmacien. Il peut aussi arriver que le comprimé d’origine soit à libération prolongée. Dans ce cas, si on l’écrase, cette propriété cinétique disparaît ou est amoindrie. Mais le médecin a souvent cette donnée en tête et modifie la posologie de la prescription en conséquence. » Le passage sous forme pédiatrique est une solution pour l’observance et la sécurité des traitements des enfants. « Surtout sous forme de gélules, qu’il est aisé d’ouvrir pour donner son contenu à l’enfant, note Fabien Bruno. Cela facilite la compréhension et la maîtrise du traitement par les parents. Devoir couper un comprimé en quatre sur un coin de table est très stressant pour eux, et source d’approximation posologique. »
Les adaptations de doses pour les personnes âgées ne se font pas dans les pharmacies d’officine. En cause, une « méconnaissance totale de la préparation magistrale par le prescripteur », d’après le titulaire de la pharmacie Delpech. Dans les pharmacies hospitalières, en revanche, des options peuvent être proposées aux patients gériatriques. « Pour les personnes qui ont, par exemple, des problèmes de déglutition, on peut aussi utiliser des véhicules buvables. C’est encore un peu méconnu en France, mais cela commence petit à petit à se développer », assure Damien Lannoy. Là aussi, l’idée est d’utiliser le comprimé ou la gélule comme matière première, et de mélanger cette matière première au liquide pour obtenir une forme buvable, prête à être administrée. « Spécifiquement, pour les personnes âgées, il existe aussi des formes gélifiées pour servir de véhicule au principe actif », ajoute le pharmacien hospitalier.
La question de l’adaptation des doses peut aussi se poser dans le cas de maladies métaboliques rares, où il y a un risque identifié avec un composant. Le cas le plus fréquent est l’intolérance au lactose. Ce sont les enfants, surtout dans les premiers mois de vie, qui sont le plus touchés, mais le problème peut aussi concerner, beaucoup plus rarement, des adultes. Les pharmaciens peuvent remplacer le lactose, excipient très utilisé dans la formulation des médicaments, par d’autres excipients. « Il est possible, par exemple, d’utiliser de la cellulose. Même si elle a la particularité de ne pas bien se dissoudre, ce qui peut être perturbant pour le patient, souligne Fabien Bruno. Il est aussi possible de remplacer le lactose par des amidons ou de la silice. » Là aussi, les solutions sont nombreuses. « Dans le panorama des formes buvables disponibles, nous pouvons sélectionner celle qui est la plus appropriée si le patient souffre d’intolérance ou d’allergie », note Damien Lannoy.
L’auteure déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.