L'infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019

 

LIVRE BLANC

ACTUALITÉ

Adrien Renaud  

L’Ordre infirmier a remis le 8 novembre dernier à la ministre de la santé un « livre blanc » dans lequel il revendique un substantiel élargissement du champ de compétences de la profession.

Depuis le mois de février, l’Ordre national des infirmiers (ONI) est à pied d’œuvre avec sa grande consultation infirmière : une enquête en ligne qui a rassemblé 20 000 répondants, doublée d’une série de quinze forums régionaux. Ce travail a abouti à la rédaction d’un « livre blanc de la profession infirmière », remis à Agnès Buzyn le 8 novembre dernier. L’objectif était, comme l’a expliqué le président de l’ONI Patrick Chamboredon à l’occasion de la présentation du « livre blanc » à la presse, de « porter la voix de la profession ». Voix qui voix réclame davantage de responsabilités.

Le document émet 26 propositions, qui tendent toutes à demander de nouvelles prérogatives pour les infirmières. Au premier rang de ces nouveaux rôles, la consultation infirmière, qui rassemble en tout six items. On note par exemple que 94 % des répondants à la grande consultation se prononcent en faveur d’une consultation infirmière dédiée aux patients chroniques. 92 % approuvent la création d’une consultation infirmière d’évaluation et de coordination du parcours dans le cadre du maintien à domicile.

De la prescription et de la prévention

Deuxième grand sujet abordé dans le “livre blanc” ordinal : l’élargissement du rôle de prescription des infirmières, qui fait l’objet de cinq propositions. La prescription du matériel nécessaire à l’autonomie (lits médicalisés, prévention anti-escarres, etc.) est ainsi soutenue par 92 % des répondants à la grande consultation. Celle du matériel nécessaire à la réalisation d’actes de soins des plaies aiguës (produits, dispositifs médicaux, etc.) recueille quant à elle l’assentiment de 90 % d’entre eux.

D’autres propositions portent sur le rôle infirmier en matière de qualité des soins (avec par exemple la collecte de sécrétions sans prescription médicale, en prévision d’analyses biologiques), de prévention (avec notamment la création d’une consultation infirmière dédiée à ce sujet), ou encore sur le statut des professionnels (avec entre autres l’abrogation du statut d’auxiliaire médical pour que l’infirmier soit reconnu « comme professionnel de santé à part entière »).

Régularisation des pratiques existantes

Bien sûr, dans bien des cas, le “livre blanc” ne réclame qu’une régularisation de pratiques existant sur le terrain depuis plusieurs années. « La consultation et la prescription par les infirmiers, cela se fait déjà, reconnaît Patrick Chamboredon. Nous courrons fréquemment après les médecins pour une signature permettant de régulariser ce que nous avons fait. » Mais il s’agit justement, selon le patron de l’Ordre, de donner officiellement aux infirmières la place qui leur revient dans l’architecture du système de santé. « Nous voulons renforcer l’infirmier dans son rôle de clinicien, qui n’est pas assez valorisé », explique-t-il.

Patrick Chamboredon veut par ailleurs dissiper un malentendu : il ne réclame pas le statut d’Infirmière de pratique avancée (IPA) pour l’ensemble de la profession. « Les IPA répondent à un vrai besoin », estime cet avocat inlassable des pratiques avancées, citant les sujets précis sur lesquels les futurs professionnels travailleront : maladies chroniques, cancérologie, maladies rénales et bientôt psychiatrie et urgences. « Même à 5 000, les IPA ne vont pas répondre à l’ensemble des besoins de santé, reprend-il. C’est donc l’ensemble des 700 000 infirmiers qui doit monter en compétence. »

Et l’argent ?

Reste que pour un document qui ambitionne de porter la voix des infirmières, le livre blanc élude un sujet pourtant essentiel aux yeux de la profession : la reconnaissance financière. « L’Ordre n’a pas vocation à parler d’argent, répond Patrick Chamboredon. Mais en revalorisant nos compétences, on peut faire évoluer les choses. » Le président de l’ONI ajoute que la consultation a « mis en évidence le blues de la profession, ce qui ne nous a pas surpris ». Et d’ajouter : « soutenir les diverses manifestations que l’on observe en ce moment n’entre pas dans les prérogatives de l’Ordre. Mais nous y sommes sensibles et tentons de faire remonter ce manque de reconnaissance. »