L'infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019

 

DÉPLACEMENTS

VOTRE CABINET

Géraldine Langlois  

Les déplacements des Idels des champs et des monts diffèrent de ceux des infirmières libérales des villes. Les unes parcourent de longues distances, les autres font des sauts de puce. Les règles de facturation en vigueur changeront, à la marge, au 1er janvier prochain.

LE REMBOURSEMENT DES DÉPLACEMENTS, qui fait l’objet de négociations entre les syndicats représentatifs et la Cnam, revêt plusieurs formes, précisées à l’article 13 de la dernière version de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), qui sera modifiée en janvier. Si la prescription des soins mentionne qu’ils doivent être réalisés à domicile, toutes les Idels peuvent facturer, au moins, une indemnité forfaitaire de déplacement (IFD) de 2,5 € par déplacement dans l’agglomération où elles sont installées (une fois, même si elles soignent d’autres personnes dans le même logement). Cécile, qui travaille à Lyon, ne facture d’ailleurs que cette IFD : « Cela ne me pose pas de problème, on sait qu’on n’a pas le choix », observe-t-elle. Elle roule environ 55 km par jour pour effectuer sa tournée mais elle ne quitte jamais l’agglomération. Comme les autres infirmières libérales, logiquement, « j’essaie de regrouper les patients en fonction des secteurs », ajoute l’Idel lyonnaise. Cela lui évite de perdre du temps dans les bouchons ou à chercher une place de stationnement… Se passer de la voiture ? « Inenvisageable, rétorque-t-elle. Il y a beaucoup de montées à Lyon, il faut compter au moins 800 mètres entre chaque patient et nous devons transporter un peu de matériel. »

Regrouper les patients

Le principe du remboursement des déplacements s’inscrit dans la nécessité pour les Idels de se rendre au domicile des patients pour effectuer les soins mais aussi au titre de la perte de temps, comme l’indique la NGAP. Pendant qu’elles roulent entre leur cabinet et les patients, les Idels de campagne ou de montagne ne réalisent pas d’actes. Marie, qui travaille en zone de montagne, passe environ trois heures par jour dans sa voiture. « Comme la population est éparpillée, on fait beaucoup moins de soins qu’une infirmière de ville, remarque-t-elle. Pendant une heure que je passe dans ma voiture, je pourrais faire quatre soins. » Les infirmières libérales qui travaillent « en plaine » ou en montagne peuvent donc facturer en plus de l’IFD des indemnités kilométriques (IK) qui leur sont remboursées par la Sécurité sociale si le déplacement dépasse 2 km en plaine et 1 km en montagne. Le tarif sera de 0,35 € par kilomètre pour les Idels de plaine et de 0,50 € pour celles des zones de montagne, qui sont définies par la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985. Pour Laure, qui roule de 125 à 260 km par jour, ce tarif est « un peu juste », au regard du « prix du carburant qui augmente », de la nécessité de changer les pneus plusieurs fois par an et de maintenir sa voiture en parfait état. « Je ne peux pas me permettre d’avoir une voiture qui tombe en panne tous les quatre matins ! », remarque l’infirmière, qui aurait apprécié une augmentation de 5 centimes du kilomètre…

À pied ou à ski

Le secteur montagnard où Marie travaille « nous oblige à avoir des quatre-quatre, ajoute l’infirmière montagnarde. S’il faut chaîner parce qu’on part à 7 h du matin avant le passage du chasse-neige ou quand il neige dru, on perd un temps fou ». L’hiver, d’ailleurs, elle doit parfois parcourir un chemin enneigé à pied ou à ski pendant une demi-heure pour accéder à certains patients. « Il m’est arrivé de compter des IK spéciales [facturées 3,40 € par kilomètre, NDLR] », se souvient-elle. Les infirmières facturent donc les kilomètres effectués hors agglomération moins quatre kilomètres en plaine et deux en montagne pour un aller-retour.

Si un cabinet infirmier se trouve plus près du domicile du patient que celui de l’Idel qui a effectué les soins, la règle du professionnel de santé le plus proche s’applique. Le nombre de kilomètres pris en compte pour le remboursement sera celui entre le cabinet le plus proche et le domicile du patient mais « les caisses sont sensibles aux cas particuliers, souligne Jocelyn Courtois, responsable du département des actes à la Caisse nationale d’Assurance maladie, en charge des différentes nomenclatures. Et les questions de ce type se règlent généralement à l’amiable ».

Étoile

Globalement, la quantité d’IK facturées varie selon la densité de population et la géographie du secteur couvert. Et la part des remboursements de ces déplacements par l’Assurance maladie peut atteindre un niveau élevé pour celles qui exercent dans des zones peu densément peuplées. « Chez certaines infirmières libérales, elles représentent 50 à 70 % des honoraires », observe Jocelyn Courtois. En cause : la facturation en étoile pratiquée de façon systématique par certaines Idels. Certaines caisses ont réclamé à certaines infirmières concernées de rembourser des indemnités indûment perçues, ce qui a provoqué des remous par endroits… La NGAP indique en effet que les kilomètres facturés doivent correspondre à « la distance parcourue ». « Une formulation qui a pu donner lieu à des interprétations à l’origine de contentieux, observe Jocelyn Courtois. Pour une CPAM, le fait qu’une infirmière libérale se rende dans un village de montagne (comme une station de ski) à 30 km du cabinet, y voie dix patients et facture dix fois 60 km pose légitimement problème », estime-t-il… Ce mode de calcul en étoile est toutefois toléré dans une certaine mesure. Il ne posera plus aucun problème à partir du 1er janvier 2020, date d’entrée en vigueur de l’avenant n° 6 à la Convention nationale des infirmiers signé au printemps.

« POUR LA TRèS GRANDE MAJORITé DES IDELS, RIEN NE CHANGE »

Jocelyn Courtois, responsable du département des actes à la Cnam

« Pour la très grande majorité des infirmières et infirmiers libéraux, le nouvel avenant à la convention signé en mars, qui entre en vigueur le 1er janvier 2020, ne change rien. Le montant des remboursements au kilomètre comme les seuils de facturation ne sont pas modifiés. Dans la grande majorité des cas, en effet, les IK ne concernent qu’une petite partie des frais de déplacement et beaucoup d’infirmiers ne facturent que des IFD. Pour la très petite minorité des infirmiers et infirmières qui facturent plus de 300 km par jour, notamment du fait de la facturation en étoile, les choses changent. À partir de 300 km facturés par jour, les kilomètres entre 300 et 400 seront facturés à 50 % et au-delà de 400 km ils ne seront pas facturables. Les CPAM vont ainsi pouvoir stopper les pratiques qui conduisaient certains professionnels à surfacturer des kilomètres au-delà de 300 km. Pour ceux qui abusaient, il y aura certainement une perte d’honoraires. Mais il n’y aura plus de contestation de la facturation en étoile. La Cnam a évalué l’économie réalisée grâce à cette mesure à 8,9 millions d’euros. »