L'infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019

 

FORMATION

ACTUALITÉ

Hélène Colau  

Le décret ouvrant la voie à la création d’une section sciences infirmières au sein du Conseil national des universités a été adopté le 30 octobre.

C’était une revendication de longue date de la part des infirmières, mais aussi des formateurs paramédicaux et des étudiantes. Le 30 octobre dernier, le Conseil des ministres a adopté un décret ouvrant la voie à la création de trois sections de qualification au sein du Conseil national des universités (CNU) : en sciences infirmières, en maïeutique et en sciences de la rééducation et de la réadaptation. De ce fait, dès la rentrée 2020, les universités vont pouvoir recruter en toute légitimité des enseignants-chercheurs spécialisés en sciences infirmières, alors qu’elles devaient jusque-là trouver des dérivatifs - par exemple les employer artificiellement dans une autre section, en mettant en avant telle ou telle caractéristique de leur recherche…

Interdisciplinarité avec les autres chercheurs

Les doctorantes auront donc désormais toute leur place dans les laboratoires, où elles pourront travailler en interdisciplinarité avec les autres chercheurs en santé. Une avancée considérable pour la recherche infirmière, encore peu développée en France. L’Ordre national infirmier (ONI) a d’ailleurs immédiatement salué « une chance pour le système de santé français de rattraper son retard dans des champs de recherche trop souvent délaissés alors qu’ils sont largement investis par les chercheurs d’autres pays ». Il a également souligné le gain d’attractivité que cela pourrait représenter pour la profession infirmière. « Dans les forums étudiants où nous venons présenter nos formations, nous pourrons parler de cette nouvelle perspective intéressante pour les jeunes souhaitant mener des études universitaires plus poussées, confirme Martine Sommelette, présidente du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec). Même si, évidemment, tout le monde n’ira pas jusqu’au doctorat, cela peut créer de nouvelles vocations. »

Un plus pour la formation initiale

La formation initiale bénéficiera elle aussi de cette avancée : en effet, dans quelques années, les docteurs en sciences infirmières pourront participer aux enseignements, transmettant leur expertises aux futures générations de soignantes. Ce pas supplémentaire vers l’intégration des Ifsi aux universités facilitera par ailleurs l’acquisition d’un socle de compétences commun avec les autres professions, « indispensable pour l’avenir et une prise en charge efficiente des patients », selon Patrick Chamboredon, président de l’ONI. « On ne peut pas parler d’interdisciplinarité sans l’intégrer aux formations, appuie Stéphane Le Bouler, responsable de projet Universitarisation des formations paramédicales au ministère de la Santé. Il est très important qu’une même génération de professionnels de santé partage les mêmes droits et les mêmes pratiques. » En effet, plus grande est l’intégration universitaire, plus aisée devient l’organisation de projets communs, par exemple des exercices de simulation en interdisciplinarité, plébiscités par l’ensemble des étudiants en santé, des infirmières aux médecins en passant par les pharmaciens.

Vigilance

S’ils saluent unanimement l’adoption du décret, les représentants des infirmières restent cependant vigilants. « Il faudra qu’il soit suivi d’effets, avec la création dans les universités de vrais postes (d’enseignant et de chercheur) correspondant à cette filière, prévient Martine Sommelette. Il ne suffit pas d’un texte. » Du côté de la Fédération nationale des étudiant (e) s en soins infirmiers (Fnesi), on affiche la même méfiance. « C’est une avancée majeure pour la profession, mais cela ne nous fait pas perdre de vue notre objectif, à savoir l’obtention d’une réelle licence [en 2009, le diplôme d’État s’est vu attribuer le grade licence, NDLR], pointe Vincent Opitz, vice-président. Nous estimons que pour développer notre formation, il faudrait créer un master et un doctorat en science infirmière. Cela prendra le temps que ça prendra, mais nous continuerons à porter cette revendication. »