L'infirmière Libérale Magazine n° 366 du 01/02/2020

 

GRAND ÂGE

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

Audrey Dufeu Schubert, députée LREM de Loire-Atlantique, ancienne IDE, a remis au mois de décembre à la ministre de la Santé et des Solidarités un rapport intitulé « Réussir la transition démographique et lutter contre l’âgisme ».

Regrettez-vous que le projet de loi sur le grand âge attendu fin 2019 ait été repoussé à l’été ?

Audrey Dufeu Schubert : Non, c’est une très bonne chose d’avoir pris le temps. Agnès Buzyn a organisé une concertation sur le grand âge qui a donné lieu à un rapport sur le financement de la perte d’autonomie et la restructuration du domicile et des Ehpad. Mon rapport sur l’âgisme contient 86 propositions dont j’espère qu’une grande partie sera justement reprise dans le projet de loi. La ministre s’est montrée très intéressée par mon travail.

Qu’est-ce que l’âgisme ?

A. D. S. : Il s’agit de la discrimination liée à l’âge. Elle est reconnue dans la loi au même titre que la discrimination liée à la couleur de peau ou au genre. Le terme est apparu dans les années 1970 aux États-Unis. Il a fallu du temps pour en prendre conscience dans notre pays. Dans le monde du travail, c’est pourtant la première des discriminations.

Avez-vous abordé ce sujet avec votre expérience d’infirmière ?

A. D. S. : Justement non, mon idée était d’avoir une approche citoyenne de l’appropriation du vieillissement. J’ai exercé la profession d’infirmière, mais je pense qu’en tant que députée, il est important d’apprendre à déconstruire son approche professionnelle pour avoir un regard neuf sur les sujets. Cela m’a notamment aidé à comprendre que la question du vieillissement n’est pas uniquement une question sanitaire et qu’elle ne doit pas porter uniquement sur les épaules des professionnels de santé.

Vous évoquez les Idels dans votre rapport, notamment dans votre proposition de créer pour elles un forfait pour la prise en charge de la fin de vie. Pourquoi ?

A. D. S. : Dans la lignée du déploiement de la Loi Claeys-Leonetti, on comprend que dans les prochaines années, les demandes des patients de finir leur vie à domicile plutôt qu’à l’hôpital seront plus nombreuses. Clairement, les Idels ont un rôle de premier plan à jouer dans l’accompagnement : en effet, elles connaissent les patients et leurs proches, mieux parfois même que le médecin traitant. Il est donc important de créer et de valoriser des nouveaux actes pour leur permettre de réaliser cet accompagnement au mieux. Je pense qu’elles sont aussi susceptibles d’apporter une aide précieuse pour la rédaction des directives anticipées.

Vous proposez aussi que les infirmières des SSIAD et des SAAD puissent disposer de véhicules électriques. C’est une proposition surprenante dans un rapport sur ce thème. Pourquoi l’avez-vous avancée ?

A. D. S. : Les frais kilométriques sont une dépense lourde pour les Idels et encore davantage pour les auxiliaires de vie. Or, nous allons avoir grand besoin de ces soignants dans les prochaines années pour soutenir les personnes au domicile. Le déploiement, soutenu par l’État, d’un pool de véhicules électriques aiderait à relier deux des principales transitions à venir : la transition démographique et la transition écologique.

Parmi les 86 mesures que vous proposez, quelles sont celles qui vous tiennent le plus à cœur ?

A. D. S. : C’est vraiment cette notion de transition démographique qui me semble importante à partager. Si on la met au même niveau que la transition écologique et la transition numérique, on pourra en faire une priorité de nos politiques publiques. On arrêtera alors de considérer le vieillissement de manière stigmatisante et on l’appréciera comme une chance de réorganiser nos territoires. Pour cela, il va falloir repenser l’approche domiciliaire comme l’hôpital, travailler de manière interministérielle et donner toute leur place aux politiques locales.