Infections sexuellement transmissibles
CAHIER DE FORMATION
POINT SUR
Nathalie Belin* Dr William Tosini**
*docteur en pharmacie
**infectiologue à l’Institut Fournier (Paris 14ème)
Les bactéries Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae (« gonocoque ») sont responsables de la majorité des infections sexuellement transmissibles chez l’homme et chez la femme. Leur prévalence est en augmentation et les 15-24 ans sont les plus concernés.
L’infection à C. trachomatis, souvent appelée simplement chlamydia, fait partie des IST les plus fréquentes avec une prédominance chez les femmes. Sa prévalence a augmenté de 16 % entre 2015 et 2017 avec 267 097 personnes diagnostiquées en 20 161. L’IST à gonocoque, ou gonococcie, a, elle, augmenté de 71 % entre 2015 et 2017 (49 628 diagnostics en 2016)1, avec une prédominance chez les hommes. Sachant que 2 à 24 % des personnes infectées par chlamydia ont aussi une infection à gonocoque.
Ces IST sont asymptomatiques dans 60 à 70 % des cas environ pour les infections à chlamydia et les infections féminines à gonocoque2.
Elle provoque :
→ une urétrite avec écoulement clair et brûlures mictionnelles chez environ la moitié des hommes infectés ;
→ une inflammation du col de l’utérus (cervicite) avec leucorrhée, brûlures ou gènes à la miction et douleurs durant les relations sexuelles (dyspareunie).
gonorrhée ou blennorragie, parfois appelée « chaude-pisse » chez l’homme, induit :
→ une urétrite aiguë souvent bruyante avec écoulement purulent et brûlures mictionnelles intenses chez environ la moitié des hommes infectés ;
→ un tableau de cervicite discret avec pesanteur pelvienne, leucorrhées purulentes, brûlures mictionnelles, irritation vulvaire chez 30 % environ des femmes infectées.
En l’absence de traitement, l’infection peut se propager vers les voies génitales hautes.
→ Chez l’homme, une propagation de l’infection au niveau des testicules et de l’épididyme est possible (orchi-épididymite), plus rarement une prostatite.
→ Chez la femme, le risque est l’apparition d’une endométrite ou d’une salpingite, parfois asymptomatique, qui peut entraîner à terme une stérilité tubaire ou favoriser une grossesse extrautérine. Chez la femme enceinte, il existe un risque d’accouchement prématuré et de transmission de l’infection à l’enfant lors de l’accouchement.
→ La transmission se fait lors de rapports génitaux, anaux, buccogénitaux, bucco-anaux non protégés. Des contaminations indirectes par les mains, les sextoys, voire le linge de toilette, semblent possibles.
→ Les principaux facteurs de risque sont les partenaires multiples, deux ou plus dans les douze derniers mois, un changement récent de partenaire, les relations sexuelles entre hommes, les patients porteurs d’une autre IST, notamment le VIH ou la syphilis, les antécédents d’IST, la prostitution ou le viol.
L’examen bactériologique permet la recherche combinée de chlamydia et gonocoque sur des sécrétions, des lésions, ou sur le premier jet urinaire chez l’homme. La mise en culture du gonocoque avec réalisation d’un antibiogramme est indispensable du fait des résistances de cette bactérie aux antibiotiques. Cet examen peut être réalisé de manière fortuite dans le cadre d’un dépistage ou d’un bilan d’infertilité, ou faire suite à un examen gynécologique montrant une « irritation » du col de l’utérus, ou encore être motivé par l’urétrite du partenaire.
→ Une double antibiothérapie probabiliste ciblant chlamydia et gonocoque est recommandée devant toute suspicion d’une infection uro-génitale bactérienne :
→ le traitement anti-gonococcique repose sur une injection unique de ceftriaxone 500 mg3, en IM le plus souvent. En cas d’impossibilité de réaliser l’injection, le céfixime en une prise orale (Oroken et génériques) est recommandé malgré une moindre efficacité ;
→ le traitement anti-chlamydia repose sur l’azithromycine, 1 g en prise unique (Zithromax Monodose), ou la doxycycline, 100 mg matin et soir pendant 7 jours (Doxy, Spanor… et génériques).
→ Le traitement du ou des partenaires sexuels récents, dans les deux mois précédents, est indispensable, même s’ils sont asymptomatiques.
→ L’abstinence sexuelle ou l’utilisation de préservatifs est recommandée pendant sept jours après la prise de l’antibiothérapie et/ou tant que le ou les partenaires n’ont pas été eux-mêmes traités.
1 Santé publique France, Bilan épidémiologique 2017 en date du 26/11/2018.
2 GONOCOCCIE M. Janier, F. Lassau, N. Dupin, F. Bouscarat, F. Pelletier, I. Alcaraz et la Section MST de la SFD Fe.vrier 2016
3 Seulement sous forme générique. La Rocéphine n’est disponible qu’en dosage à 1 g.
Il est possible de se faire dépister :
→ avec une ordonnance d’un médecin généraliste, d’un gynécologue ou d’une sage-femme, dans n’importe quel laboratoire d’analyses ;
→ sans ordonnance, dépistage anonyme et gratuit dans un CeGIDD (Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic), un CPEF (Centre de planification et d’éducation familiale) ou un SSU (Service de santé universitaire).
Les adresses des centres de dépistage sont sur sida-info-service.org, également par téléphone au 0800 840 800, ou encore via un live chat à partir de leur site internet.
Traitées rapidement, les infections à chlamydia et/ou gonocoque se soignent facilement, sans séquelles.
→ Même asymptomatiques, ces infections exposent à un risque de stérilité chez les femmes et de contamination des partenaires sexuels. En fragilisant les muqueuses, elles favorisent aussi la survenue d’autres IST, notamment l’infection à VIH.
→ Il est possible d’« attraper » plusieurs fois ce type d’infection. L’utilisation des préservatifs masculins ou féminins réduit le risque de transmission. Les digues dentaires, en forme de carrés de latex ou de polyuréthane, offrent une protection lors de rapports bucco-génitaux ou bucco-anaux.
→ Les marques de préservatifs masculins « Eden » et « Sortez couverts » sont remboursables sur prescription par un médecin ou une sage-femme.
→ Le dépistage est facile et restitue des résultats en 24-48 heures. Il peut être réalisé de façon anonyme et gratuite (lire encadré page précédente). Il doit être encouragé devant toute prise de risque : arrêt de l’utilisation du préservatif avec un partenaire connu, rapports non protégés avec un nouveau partenaire, partenaires multiples… Rappelons que ces IST sont dans la majorité des cas asymptomatiques et qu’il est possible d’en être porteur sans s’en rendre compte ; le dépistage est donc la meilleure manière d’être traité(e) rapidement et efficacement.
→ Le dépistage systématique de l’infection à chlamydia est recommandé chez les femmes sexuellement actives de 15 à 25 ans, y compris les femmes enceintes. Les personnes présentant des facteurs de risque d’IST et les femmes consultant pour une IVG relèvent d’un dépistage ciblé.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.