L'infirmière Libérale Magazine n° 366 du 01/02/2020

 

ACCÈS AUX SOINS

ACTUALITÉ

Laure Martin  

Le directeur de l’Assurance maladie, Nicolas Revel, a révélé que 5,4 millions de Français n’ont pas de médecins traitants. Face à ce manque pour les patients, pourquoi ne pas miser sur les infirmières libérales ?

LA SITUATION EST PRÉOCCUPANTE POUR NICOLAS REVEL. Interrogé par nos confrères du Généraliste, le directeur de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) a fait savoir que sur les 5,4 millions de Français sans médecin traitant, certes, la moitié ne cherche pas à en avoir un mais l’autre moitié en recherche un activement. Parmi les cas fréquents : celui du patient dont le médecin généraliste part à la retraite et qui n’est pas remplacé. Nicolas Revel a donc décidé de faire de l’amélioration de l’accès aux soins l’une des priorités de son deuxième mandat à la tête de la Cnam. Car face à la crise démographique des médecins généralistes libéraux, qui ne va pas s’améliorer dans les prochaines années, « l’enjeu est que le système de santé tienne pendant ce creux démographique », a-t-il souligné.

Un système maintenu

Malgré les difficultés, ce n’est pas pour autant que Nicolas Revel souhaite remettre en cause le système du médecin traitant, acté depuis 2005. « Plutôt que de le fragiliser, il faut au contraire le conforter », soutient-il. Il admet néanmoins que l’Assurance maladie doit faire preuve de souplesse notamment se montrer compréhensive avec les patients qui ne parviennent pas à trouver de médecin traitant malgré leurs efforts. En effet, avec le système actuel, en cas de non-respect du parcours de soins coordonnés, les patients sont moins bien remboursés. Quelle solution propose-t-il ? Plus de patients par médecins généralistes. Une mesure envisageable selon lui grâce au déploiement des assistants médicaux et à la création des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui vont permettre aux praticiens de se concentrer sur les soins et d’augmenter leur patientèle.

Miser sur la coordination

Les syndicats infirmiers ont des idées pour participer à l’amélioration de l’offre de soins. Pour le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), des actions peuvent dores et déjà être mises en place avec l’application des avenants 6 et 7 à la convention nationale des infirmiers. « Il est évident que les nouveaux actes pour le suivi des plaies ou encore le Bilan de soins infirmiers (BSI), négociés dans le cadre de l’avenant 6, devraient permettre aux Idels d’apporter un soutien renforcé aux médecins dans le suivi des pathologies chroniques et du maintien à domicile, estime Catherine Kirnidis. Pour la syndicaliste, l’avenant 7 va également permettre de libérer du temps médical aux médecins en intégrant les IPA dans le suivi des patients. « C’est aussi l’enjeu des CPTS, soutient Catherine Kirnidis. Si les médecins mettent au cœur de la coopération tout ce qui a été négocié dans le cadre des avenants 6 et 7, et misent sur l’organisation pluriprofessionnelle, sur les protocoles partagés et les prises en charge coordonnées, cela devrait participer à résoudre une partie du problème d’accès aux soins. Il ne faut pas uniquement compter sur les assistants médicaux. »

Et l’infirmière de famille ?

Qu’en est-il de l’infirmière de famille proposée par la Fédération nationale des infirmiers (FNI). « La position du ministère est de dire que le concept de médecin référent est un échec et il ne veut donc pas le dupliquer aux infirmières, souligne Daniel Guillerm, président de la FNI. Ce jugement est biaisé notamment parce que les données démographiques ne sont pas les mêmes. Ce refus de l’infirmière de famille est lié à des positions dogmatiques des médecins. » La FNI a cherché à plusieurs reprises à faire voter cette évolution du rôle infirmier. « Les parlementaires approuvent notre idée mais le lobbying des syndicats de médecins empêche l’adoption de cette mesure », regrette le président de la FNI, expliquant avoir fait évoluer le concept en proposant le triptyque socle médecin-infirmier-pharmacien « mais cela n’a pas suffi ». Pour Daniel Guillerm, penser que les infirmières de pratique avancée (IPA) ou encore que les assistants médicaux vont permettre de résoudre le problème est un leurre. « Les assistants médicaux peuvent aider mais ils vont coûter cher pour un impact systémique quasi nul, dénonce le syndicaliste. Il faudrait qu’en parallèle plus de 20 % des médecins augmentent leur activité, ce qui est loin d’être le cas. ».