Coronavirus : surtout ne pas paniquer - L'Infirmière Libérale Magazine n° 367 du 01/03/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 367 du 01/03/2020

 

ÉPIDÉMIE

ACTUALITÉ

Adrien Renaud  

Le coronavirus originaire de la ville de Wuhan, en Chine, a mis l’ensemble du système de santé français en état d’alerte. Mais entre l’alerte et la panique, il y a un pas que les soignants en général, et les Idels en particulier, doivent se garder de franchir.

Priorité numéro 1 ». C’est ainsi qu’Olivier Véran, cité par l’agence APM News, a défini la lutte contre le coronavirus lors de son premier déplacement en tant que ministre de la Santé, le 17 février dernier. En visite dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat à Paris, centre de référence pour la prise en charge de cette infection, il a précisé qu’il restait à cette date « six patients hospitalisés en France sur les douze personnes au total qui ont été hospitalisées ». Le pays semble donc, à l’heure où nous écrivons ces lignes, avoir bien résisté à l’épidémie née en Chine au mois de décembre.

Celle-ci avait, d’après les chiffres du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM), touché entre le 31 décembre 2019 et le 17 février 2020, 71 333 personnes, dont 70 618 (98,6 %) en Chine. 58 182 cas (82 %) étaient localisés dans la seule province de Hubei, d’où le coronavirus désormais baptisé Sars-CoV-2 est parti. L’agence européenne dénombrait sur la même période 1 775 décès dus au coronavirus, dont 1 770 (99,7 %) en Chine. À ce jour, un seul patient, un touriste chinois pris en charge à l’hôpital Bichat, est décédé en France.

Ni très mortel, ni très contagieux

« Le coronavirus n’est pas quelque chose de nouveau », explique Isabelle Imbert, chercheuse à Aix-Marseille Université au laboratoire « Architecture et fonction des macromolécules biologiques », qui a consacré 13 ans de sa vie à l’étude du Sras, un autre coronavirus qui avait touché la Chine en 2002. « Depuis toujours, certaines souches de coronavirus sont responsables de petits rhumes, ou d’atteintes pulmonaires », ajoute-t-elle. Ce qui rend celui-ci différent, c’est que « son patrimoine génétique a muté », ce qui a notamment pour conséquence de le rendre plus contagieux, précise l’universitaire.

Cette contagiosité n’est cependant pas extrêmement élevée : dans un article publié fin janvier par le New England Journal of Medicine qui portait sur les 425 premiers cas de la ville de Wuhan, le taux de reproduction de base (c’est-à-dire le nombre de personnes infectées par chaque malade) était estimé à 2,2. Un chiffre à comparer à celui du Sras de 2002, indiquent les auteurs, qui était autour de 3 et dont l’épidémie a malgré tout été « contrôlée avec succès ». Le taux de mortalité du Sars-CoV-2 est difficile à évaluer, mais la plupart des estimations le situent autour de 2 %, soit beaucoup moins que le Sras (près de 10 %, selon l’Organisation mondiale de la Santé), mais plus que la grippe saisonnière (autour de 0,3 %, selon la plupart des estimations).

Le 15 est la solution

Reste que, malgré ces chiffres rassurants, le personnel de santé doit se tenir prêt. Et pour eux, le ministère de la Santé a un message clair. « Tout professionnel de santé prenant en charge un patient suspect d’infection par le 2019-nCoV [ancien nom du Sars-CoV-2, ndlr] doit prendre contact avec le Samu-Centre 15 pour analyse et mise en place des premières mesures de prise en charge », expliquait le 22 janvier dernier la Direction générale de la Santé (DGS) dans un message transmis sur sa liste de diffusion « DGS-Urgent » et destiné aux professionnels de santé. « Il conviendra de ne pas l’orienter d’emblée vers les structures d’accueil des urgences afin d’éviter le contact avec d’autres patients », ajoutait l’administration.

La grande question, bien sûr, est celle des conséquences pour le travail des Idels au quotidien. « Nous voyons beaucoup de malades ainsi que leur entourage à domicile, et nous devons donc faire remonter les signes d’alerte », résume David Guillet, Idel et président de l’Union régionale des professionnels de santé infirmiers (URPS-infirmiers) des Pays-de-la-Loire. « Nous devons donc assumer notre rôle de veille, comme nous le faisons pour n’importe quelle maladie. » L’important pour les soignants est donc de bien connaître les signes qui permettent d’identifier un cas suspect, afin de l’adresser aux équipes compétentes.

Vigilance

Et par chance, ces signes sont assez simples. Le ministère de la Santé conseille ainsi à toute personne exposée au virus lors des 14 jours précédents (séjour ou transit dans les zones à risque ou contact étroit avec un cas avéré) de surveiller sa température, de porter un masque chirurgical, de se laver les mains régulièrement et de réduire ses activités non indispensables. Si ces personnes présentent un tableau clinique comportant de la fièvre (ou une sensation de fièvre) et des signes d’infection respiratoire, c’est le 15 qui doit être appelé à la rescousse.

Et bien sûr, les Idels ne doivent pas oublier de penser à ellesmêmes si elles se trouvent en contact avec des personnes à risque. « Si on a un patient suspect, il faut se protéger », rappelle ainsi Isabelle Varlet, Idel qui préside l’URPS-infirmiers de Nouvelle-Aquitaine. Celle-ci insiste notamment sur le lavage des mains. Mais, comme le précise son homologue des Pays-de-la-Loire, David Guillet, « la maladie la plus grave, qui fait des morts tous les ans et qui revient chaque année, c’est la grippe ». Il faut donc, selon lui, garder à l’esprit la hiérarchie des priorités.

LE CORONAVIRUS VU DE LIMOGES

Au Samu de Limoges, le coronavirus a provoqué une certaine surchauffe téléphonique au mois de janvier. « Nous avons eu beaucoup d’appels liés à une peur irraisonnée de tout ce qui venait de Chine », se souvient le chef du service, le Dr Dominique Cailloce. « Mais nous avons réussi à faire passer les bons messages, et le phénomène s’est vite arrêté. »

Au moment où L’Infirmière Libérale Magazine les ont contactés, Dominique Cailloce et son équipe n’avaient eu que deux véritables cas possibles, c’est-à-dire des personnes revenant de Chine ou ayant été en contact avec une personne possiblement contaminée. « Nous avons fait un interrogatoire téléphonique, nous avons finalement écarté le diagnostic de coronavirus et nous en sommes restés à de simples conseils médicaux », raconte-t-il. Mais il tient à préciser que si un cas avéré se présentait, le CHU de Limoges serait prêt. « Nous sommes établissement de référence pour ce genre de pathologie, et notre personnel est formé pour la prise en charge de ces patients », précise-t-il.

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