L'infirmière Libérale Magazine n° 367 du 01/03/2020

 

MÉDICAMENTS INNOVANTS

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

Ce sont les fruits de plusieurs dizaines d’années de recherche clinique en particulier dans le domaine de la thérapie génique et cellulaire qui devraient bientôt tomber.

EN EFFET, SELON LA HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ (HAS), IL Y A EU DEPUIS 1989 PLUS DE 2 000 ESSAIS RÉALISÉS OU EN COURS ET, À PRÉSENT, UNE VINGTAINE DE PRODUITS SONT ATTENDUS SUR LE MARCHÉ DANS LES DEUX PROCHAINES ANNÉES. La recherche a porté principalement sur les cancers qui ont concentré les deux tiers des essais, mais également des maladies graves (notamment neurologiques comme la myopathie de Duchenne), ophtalmologiques (comme l’amaurose congénitale de Leber) et hématologique (comme l’hémophilie ou la béta thalassémie). « Ce sont vraiment des innovations de ruptures qui vont arriver en nombre et leurs promesses sont très fortes, a commenté en janvier devant la presse, la présidente de la HAS, la Pr Dominique Le Guludec. Cependant, ces thérapeutiques arrivent avec un certain nombre de questionnements. En effet, elles résultent souvent d’un développement clinique très rapide, avec des autorisations de mise sur le marché (AMM) très précoces et parfois conditionnelles, ce qui veut dire avec un niveau de connaissances sur leur efficacité, leur tolérance et leurs effets sur l’organisation de soins encore faibles. Par ailleurs, les prix revendiqués par les industriels pour ces innovations sont très élevés et posent la question de la soutenabilité de leur financement ». C’est dans ce contexte que la HAS a lancé un plan d’action pour l’évaluation des médicaments innovants afin de « favoriser l’accès des patients à des innovations prises en charge en distinguant les innovations de la simple nouveauté et en s’assurant que les promesses initiales sont tenues ». La France se distingue des autres pays de l’Union européenne grâce au système d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) qui permet une mise à disposition des médicaments innovants pour les patients de façon très précoce, avant même l’autorisation de mise sur le marché (AMM), pour les maladies graves et qui ne sont pas couvertes par d’autres thérapeutiques. En décembre, le laboratoire suisse Novartis avait annoncé qu’il offrirait à 100 bébés souffrant d’amyotrophie spinale une injection de son médicament, le Zolgensma, l’un des plus chers au monde. Cette initiative avait fait réagir l’ex-ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui a rappelé que les patients français n’étaient pas concernés et que « toute personne qui a besoin de ce traitement y a accès », ajoutant que « le ministère mène des réflexions sur la soutenabilité à long terme du remboursement par l’Assurance maladie de ce type de traitement ».

Outre son attachement aux ATU, la HAS rappelle également que sa commission de transparence qui évalue les médicaments publie depuis 2018 des avis conditionnels : 5 ont été conditionnés à la fourniture de données complémentaires et d’une réévaluation et 11 ont été assortis à une demande de données nouvelles. Les thérapies CAR-T ont été parmi les premières à bénéficier de ce dispositif permettant un accès plus rapide aux patients. Mais en contrepartie, la HAS demande aux industriels d’améliorer le suivi des médicaments en “vie réelle”. « Les études en vie réelle doivent permettre de confirmer l’efficacité d’un produit, de mieux identifier les patients répondeurs, de préciser les stratégies thérapeutiques, d’identifier les glissements de prescription par rapport à une AMM, d’évaluer des impacts organisationnels et la qualité de vie des patients », énumère le Pr Christian Thuillez, président de la Commission de transparence qui souligne que les données cliniques issues des ATU sont aujourd’hui « incomplètes et peu exploitables ». La HAS veut également que l’avis des patients, en particulier la notion de qualité de vie, soit mieux pris en compte dans l’évaluation des médicaments. « Ces données sont complémentaires des données d’efficacité et de tolérance et que la démonstration d’un gain de qualité de vie pourra conduire à une reconnaissance d’un progrès thérapeutique », estime le Pr Thuillez.

Enfin, la HAS a obtenu des pouvoirs publics la fin d’une exception française, celle de la réévaluation systématique, tous les cinq ans, de l’ensemble de la pharmacopée. Désormais, son travail pourra se concentrer sur l’évaluation des nouveaux médicaments et les réévaluations à bon escient.

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