Grégory Lépée est infirmier libéral à Gerzat (Puy-de-Dôme). Depuis huit ans, il a une autre casquette : il est expert judiciaire dans le cadre d’affaires juridictionnelles.
Je me suis lancé dans l’expertise judiciaire notamment parce que notre profession n’est pas assez considérée.
Pourtant, nous pouvons mettre en avant nos compétences et servir la justice. En 2011, j’ai obtenu un diplôme universitaire d’expert judiciaire à l’Institut de formation et de recherche sur les organisations sanitaires et sociales (Ifross) de Lyon où j’ai aussi effectué un Master 2 de droit. Les infirmiers libéraux sont inscrits à la nomenclature des experts judiciaires comme auxiliaires médicaux. Le juge, au civil, au pénal, à l’administratif ou au pôle social du Tribunal judiciaire, peut nommer un infirmier expert judiciaire afin d’obtenir un regard neutre sur une affaire. Nous disposons d’un délai pour accepter ou non l’expertise. J’ai été appelé sur une affaire concernant un accouchement et j’ai refusé l’expertise. Je n’accepte que celles qui concernent les infirmiers : suspicion de fraudes à l’Assurance maladie, litiges entre Idels et patients. L’ordonnance du juge fixe la date de remise du rapport de l’expert. Dans un premier temps, nous devons nous approprier le dossier en examinant toutes ses pièces. Puis, nous menons un travail de recherche pour répondre aux questions du juge. Notre rôle consiste uniquement à donner les faits afin d’éclairer la justice en toute impartialité. Nous pouvons également intervenir dans le cadre d’expertises privées à la demande de l’Ordre des infirmiers, d’une caisse d’Assurance maladie, d’un syndicat ou encore d’un avocat pour enrichir le dossier d’un infirmier ayant un contentieux. Dans ce cas, je fournis une bibliographie et de la jurisprudence pour objectiver le dossier. Parfois, le résultat influe sur la décision de la juridiction de faire appel à un expert complémentaire. Pour réaliser les expertises, nous percevons une indemnité dont le montant varie. Nous avons encore des difficultés à nous faire connaître, à la fois par les juridictions mais aussi par nos pairs. C’est dommage. J’estime qu’une expertise infirmière doit être effectuée par un infirmier et non par un médecin. En 2019, je suis intervenu dans le cadre de quatre expertises. Comme ce travail s’étale sur plusieurs mois et que je travaille les dossiers sur mon temps libre, il est compatible avec mon activité d’Idel.
Jusqu’à il y a dix ans, seuls les médecins avaient leurs compagnies d’experts judiciaires. En 2010, des professionnels de santé autres que médecins, se sont regroupés pour apporter leur concours à la justice. Le juge nomme un expert pour un avis technique, sur la conformité des actes aux données actuelles ou acquises de la science, à la déontologie, à la règlementation conventionnelle. Le CNEJPS regroupe des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, podologues, ergothérapeutes, opticiens, sages-femmes et des ingénieurs bio-médicaux, et nous pouvons éclairer le juge dans sa décision et permettre ainsi une juste indemnisation si besoin. Pourtant aujourd’hui, nous sommes encore trop peu à être inscrits près des cours d’appel ou trop peu nommés par les juges, le plus souvent par méconnaissance de nos spécificités professionnelles.