L'infirmière Libérale Magazine n° 367 du 01/03/2020

 

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES

VOTRE CABINET

Laure Martin*   Patrick Chamboredon**  


*président du Conseil national de l’Ordre des infirmiers

Le Code de la Santé publique (article 4123-2) prévoit, dès le dépôt d’une plainte à l’encontre d’une infirmière – dont les libérales – devant le Conseil départemental de l’Ordre des infirmiers (CDOI), l’organisation d’une conciliation entre les deux parties. L’objectif de cette procédure précontentieuse ? Éviter le recours à la chambre disciplinaire.

Lorsqu’une plainte est déposée à l’encontre d’un infirmier devant son CDOI, ce dernier se doit d’organiser une conciliation. Cette phase est obligatoire avant le contentieux, afin de prévenir l’engagement de procédures disciplinaires inutiles.

Plusieurs personnes peuvent déposer plainte à l’encontre d’une infirmière devant le CDOI. C’est le cas des patients et de leurs ayants-droits ou encore d’un confrère. Parmi les motifs de plainte entre infirmiers, on trouve le manquement au devoir de bonne confraternité (non-rétrocession d’honoraires, manquements aux clauses d’un contrat, dénigrement…) ou le détournement de patientèle. Quant aux patients, ils se plaignent d’interruption de soins, de non-respect du libre choix du patient, d’atteinte au secret professionnel, de nonrespect des règles d’hygiène.

Une exception : lorsque la plainte émane du CNOI ou d’un CDOI, du ministre en charge de la Santé, du préfet du département, du directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS), du procureur de la République ou encore d’un syndicat, elle est directement déposée au greffe et ne passe donc pas par la phase de conciliation.

L’organisation de la conciliation

Lors du dépôt d’une plainte, le président du CDOI saisit les membres de la commission de conciliation, composée d’au moins trois élus ordinaux. Pour donner l’opportunité à l’infirmière de se préparer, elle est informée du dépôt de la plainte par courrier. Les élus ordinaux prennent alors rendezvous avec les deux parties pour échanger sur le litige au plus tard dans le mois qui suit le dépôt de la plainte. Ainsi, la conciliation est encadrée par des pairs infirmiers qui connaissent l’usage et la pratique de la profession. Ils vont donner la possibilité aux deux parties de s’expliquer afin que chacun comprenne les arguments de l’autre, pour tenter de résoudre le litige. Au cours de cette conciliation, l’échange entre les deux parties est primordial ; en effet, de nombreuses plaintes sont dues à un problème de communication, à des non-dits plutôt qu’à des problèmes techniques ou de réalisation des soins.

La conciliation doit se dérouler avec des conseillers ordinaux neutres. Le Code de la Santé publique prévoit donc la délocalisation de la conciliation dans le cas où « le litige met en cause l’un de ses membres ». Si l’un des conciliateurs connaît l’une des parties, il doit se récuser mais la plainte reste traitée par le CDOI. Le plaignant peut assister ou non à la conciliation et peut être accompagné d’un avocat et/ou d’un membre de sa famille. Les infirmiers n’ont pas non plus l’obligation d’être présents à la conciliation, même si cela leur est fortement recommandé car en leur absence, elle ne peut pas aboutir et la procédure se poursuit alors en chambre disciplinaire. D’ailleurs, il est prévu par l’article R. 4312-25 du Code de déontologie, qu’un « infirmier en conflit avec un confrère doit rechercher la conciliation, au besoin par l’intermédiaire du Conseil départemental de l’Ordre ». Les infirmiers peuvent se faire assister d’un avocat ou d’un confrère.

Des issues variables

Généralement, 50 % des conciliations aboutissent. Lorsque la conciliation est totalement réussie, les conciliateurs écrivent un rapport pour le signifier et acter le retrait de la plainte. Un procèsverbal (PV) de conciliation est signé par les parties. Mais la conciliation peut ne pas aboutir lorsque le plaignant n’est pas satisfait et maintient l’intégralité de sa plainte. Un PV de non-conciliation est alors rédigé et la plainte est transmise à la chambre disciplinaire. Il existe des cas de conciliation partielle, lorsque les plaignants sont satisfaits sur quelques griefs mais pas sur tous. La chambre disciplinaire est alors saisie pour les griefs non réglés.

Aucune indemnisation possible

Devant la commission de conciliation, aucune contrepartie n’est attribuée. Le plaignant ne peut donc pas prétendre à une indemnisation. En revanche, l’une des deux parties peut adresser un courrier avec des explications ou des excuses. Les conciliateurs peuvent aussi réexpliquer les termes d’un contrat qui lie deux Idels et veiller à ce qu’ils soient strictement respectés.

Seule la chambre disciplinaire peut décider de sanctions (avertissement, blâme, interdiction temporaire ou permanente d’exercer, radiation du tableau de l’Ordre).

Si le plaignant souhaite une indemnisation, il doit s’orienter vers une procédure civile. Il peut également choisir la procédure pénale pour obtenir une condamnation.

L’Ordre ne s’associe pas à une procédure civile car la finalité est strictement financière. En revanche, au niveau pénal, il arrive de manière non négligeable qu’il s’associe à la démarche. Il peut se porter partie civile notamment parce qu’il a pour mission de maintenir les principes éthiques de la profession et défendre l’honneur et l’indépendance de la profession.

à noter

De par la loi et le Code de déontologie de la profession, l’infirmière libérale doit disposer d’une assurance en responsabilité civile professionnelle. Celle-ci prévoit une assistance juridique. Dès lors qu’elle est mise en cause sur le plan pénal, civil ou juridictionnel, elle doit en informer immédiatement sa compagnie d’assurance, afin d’être assistée si elle le souhaite.

LES CHIFFRES

En 2018, 790 plaintes ont été déposées devant les CDOI. La moitié n’a pas donné lieu à des conciliations et a été traitée directement par la chambre disciplinaire. Une partie des plaintes a également été retirée.

432 réunions de conciliation entre infirmiers ont été organisées par les CDOI.

122 réunions ont rassemblé infirmiers et usagers.

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