Le bon usage du PICC à domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 367 du 01/03/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 367 du 01/03/2020

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR

Le PICC présente les avantages d’une chambre implantable avec une pose moins invasive, plus rapide et moins douloureuse pour le patient. En revanche, il entraîne plus de complications mécaniques et sont moins confortables pour le patient, et pour les soins infirmiers.

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le PICC, pour Peripherally Inserted Central Catheter, ou Picc line, du nom du premier modèle commercialisé, est un cathéter veineux central inséré par une veine périphérique du bras et dont l’extrémité atteint la jonction veine cave supérieure/oreillette droite. Ce type de cathéter n’est pas nouveau. Il a même précédé les abords vasculaires de type cathéters veineux centraux (CVC) ou chambres à cathéter implantables (CCI). Les PICC ont alors été abandonnés, sauf en pédiatrie, au profit des CVC et CCI implantés directement dans les gros troncs veineux centraux (veine sous-clavière, jugulaire ou fémorale). Dans les années soixante-dix, les réanimateurs réutilisent les PICC en remplacement des CVC qui entraînaient des complications trop fréquentes. En néonatologie et en pédiatrie, la technique du PICC a toujours été utilisée sous la forme de microcathéters souples et de petits diamètres dont le plus connu est le « cathéter de Jonathan ».

LE CATHÉTER

Le PICC est un cathéter en silicone ou polyuréthane, souple et flexible, d’une longueur comprise entre 30 et 60 cm, raccordé à un segment de tubulure extravasculaire plus épais et renforcé appelé embase (voir illustration). Le PICC peut être muni d’une seule lumière, de deux ou de trois lumières en fonction des traitements à perfuser. Les PICC à double ou triple lumière ne sont indiqués qu’en cas d’injection simultanée de médicaments incompatibles entre eux.

LA VALVE BIDIRECTIONNELLE

L’insertion du cathéter étant située sous le cœur, afin d’éviter tout effet de siphonage, une valve sur chaque lumière du PICC est nécessaire. Elle peut être intégrée au cathéter comme pour le PICC de Groshong, cathéter à valve distale (près du cœur), ou se présenter sous forme d’ « olive » intégrée à l’extrémité proximale du PICC, ou être ajoutée sur l’extrémité proximale du PICC, valve amovible. La valve bidirectionnelle permet le passage du liquide dans les deux sens pour une administration et/ou un prélèvement sans aiguille de ponction (système clos sans aiguille). En l’absence de précision sur le type de PICC et de valve dans le cahier de suivi, l’infirmière peut s’informer auprès du service qui a posé le cathéter.

Ouverture à la connexion

La valve bidirectionnelle permet un système clos avec accès à la perfusion sans aiguille. Elle s’ouvre par connexion d’un embout Luer mâle (seringue, prolongateur, perfuseur). À la différence d’une valve antiretour (voir encadré), une valve bidirectionnelle est un site d’injection sans recours à une aiguille sur embase Luer-Lock. Elle permet à la fois les prélèvements sanguins et l’administration de médicaments ou de solutés. La déconnexion de la seringue ou de la ligne de perfusion entraîne automatiquement la fermeture de la valve. Elle empêche ainsi tout écoulement de liquide et limite le risque de contamination lors des phases de connexion et déconnexion de la perfusion.

Sécurité

Les valves bidirectionnelles permettent de prévenir les risques liés à la perfusion ou l’injection intraveineuse :

– le risque d’Accident d’Exposition au Sang (A.E.S.) est diminué grâce à un accès sans aiguille qui limite les pertes de sang, et le risque de blessures du personnel soignant par piqûre accidentelle ;

– le risque d’embolie gazeuse en évitant l’entrée d’air dans la lumière du cathéter ;

– le risque infectieux à condition d’être parfaitement désinfectées ;

– le risque d’occlusion avec les valves à pression positive.

Avec ou sans pression positive

Cette distinction est importante lors des phases de connexion et déconnexion pour l’utilisation du clamp en amont de l’embase du PICC et le maintien d’une pression positive.

Valve à pression négative (flux ou flush négatif)

Lorsque le dispositif Luer mâle est déconnecté de la valve bidirectionnelle, un faible volume de solution est aspiré dans le cathéter (dans le sens patientperfusion). Pour pallier ce reflux, il est nécessaire de clamper avant déconnexion et pendant tout le temps de la déconnexion. Le reflux sanguin vers la ligne de perfusion à la déconnexion entraîne un risque d’occlusion. La déconnexion de la seringue en fin de rinçage se fait en pression positive (en maintenant une pression sur le piston), avant de fermer le clamp.

Valve à pression neutre (flux ou flush neutre)

Il n’y a pas de déplacement de volume liquidien. Ces valves imposent de clamper avant déconnexion, et pendant tout le temps de la déconnexion. La déconnexion de la seringue en fin de rinçage se fait en pression positive avant de fermer le clamp.

Valve à pression positive (flux ou flush positif)

Lorsque le dispositif Luer mâle est déconnecté de la valve bidirectionnelle, il se produit un déplacement de volume de la valve vers le patient qui évite le reflux sanguin vers la ligne de perfusion. Le fait de clamper avant la déconnexion du Luer mâle empêche ce déplacement de volume liquidien (effet de pression positive de la valve / système anti-reflux). Le clamp doit rester ouvert, sauf lors du changement de valve. « Il faut aussi clamper après la déconnexion car l’effet de la valve à pression positive est minime », conseille Benoît Le Hasif, infirmier IBODE indépendant à Fontenay-le-Marmion (14).

Gestion de la valve

Désinfection

Les valves doivent être systématiquement désinfectées avant et après utilisation avec des compresses stériles imprégnées d’un antiseptique alcoolique (ou de l’alcool modifié à 70°), en respectant un temps de contact « suffisant », en effectuant une friction de 15 secondes du septum et en respectant le temps de séchage de l’antiseptique (SF2H).

Rinçage

La valve doit être rincée après toute utilisation avec 10 ml de sérum physiologique en rinçage pulsé d’au moins 3 « poussées énergiques » (voir Savoir faire).

Remarques

– Ne jamais utiliser d’aiguille pour injecter au travers d’une valve ;

– ne jamais ajouter de bouchon obturateur (risque d’augmentation des bactériémies) ;

– ne pas utiliser de seringue inférieure à 10 ml (risque de surpression).

MODES DE FIXATION EXTERNE

En règle générale, le PICC est donc fixé par des systèmes de fixation adhésifs sans sutures, dans lesquels viennent s’insérer les ailettes situées à la base du PICC. Les systèmes de fixation les plus répandus sont les systèmes Grip-lok proposés par plusieurs sociétés (B.Braun, Téléflex, Vygon) et les systèmes Statlock des Laboratoires Bard médical. La fixation des PICC par des points de sutures est rarement utilisée par crainte d’un retrait accidentel du dispositif. Elle est déconseillée car les points augmentent le risque infectieux par effraction de la barrière cutanée notamment par microcoupures.

INDICATIONS DU PICC

À domicile comme à l’hôpital, le recours toujours plus fréquent aux thérapeutiques anticancéreuses, à l’alimentation parentérale et aux traitements antibiotiques prolongés, s’est accompagné d’un développement de l’utilisation des PICC.

Traitements par voie veineuse centrale

Le PICC est indiqué lorsqu’un accès vasculaire central est nécessaire, par exemple pour une nutrition parentérale ou une chimiothérapie en continu ou en bolus. Ou en présence d’un capital veineux périphérique faible…

Pour une durée limitée

Le PICC est indiqué pour un traitement d’une durée attendue comprise entre 6-7 jours et 3 mois :

– en remplacement d’un cathéter veineux périphérique (CVP) si la durée de traitement attendue est supérieure à 7 jours. Il permet un meilleur confort que les cathéters périphériques renouvelés ;

– en remplacement d’un cathéter veineux central (CVC) ou d’une chambre à cathéter implantable (CCI) si la durée de traitement attendue est supérieure à 3 mois. La technique de pose est simple, sans risque de pneumothorax ou d’hémothorax. Le retrait du PICC, facile, ne laisse pas de cicatrice.

Pour certaines situations médicales

Le PICC est aussi indiqué :

– en cas de troubles de l’hémostase. Le PICC permet d’éviter les risques mécaniques liés à un abord sous-clavier percutané ou jugulaire interne, l’utilisation d’un site d’injection implantable étant contre-indiquée en cas de troubles majeurs de l’hémostase ;

– en cas de forte insuffisance respiratoire, le PICC permet d’éviter les risques mécaniques liés à un abord sous-clavier percutané.

PRINCIPALES CONTRE-INDICATIONS

La pose d’un PICC est contreindiquée en cas de :

– choc avec nécessité d’un remplissage rapide ;

– insuffisance rénale avec hémodialyse envisagée, et/ou fistule artério-veineuse prévisible ;

– infections connues ou suspectées du site d’insertion, lésions cutanées au point de ponction, septicémie ;

– curage axillaire ancien ou récent, d’un lymphœdème du membre supérieur, ou à proximité de lésions cutanées infectées ;

– irradiation du site d’insertion ;

– curage axillaire ancien ou récent, lymphœdème, ou à proximité de lésions cutanées infectées.

GESTION DU PICC

La Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) a publié des recommandations sur la pose et l’entretien des PICC en décembre 2013.

Protection des sites d’injection

Les sites d’injection de la ligne principale (robinets, rampes, valves) sont positionnés à distance du site d’insertion du PICC par l’utilisation d’un prolongateur et d’un porte-rampe. Toutes les connections proximales et sites d’injection sont protégés et éloignés de toute source de contamination.

Changement de valve et de fixateur

La valve proximale placée directement sur l’embase du PICC et le système de fixation sont changés tous les 7 jours, en même temps que la réfection du pansement. Le changement de la valve est effectué après avoir refait le pansement dans le respect d’une asepsie rigoureuse. C’est un soin stérile visant à prévenir le risque d’infection très important lors du changement de valve.

Changement de la ligne principale

La ligne principale est changée tous les 4 jours (96 h) en cas de perfusion continue d’un même produit, ou après chaque traitement en cas de perfusion discontinue. Les tubulures des lignes secondaires sont remplacées entre deux produits différents et systématiquement à chaque changement de poche d’émulsions lipidiques ou de dérivés sanguins.

Protection étanche

En l’absence de perfusion, le PICC autorise la douche sous réserve d’une protection imperméable. Certains protocoles préconisent l’utilisation d’un film alimentaire plutôt efficace pour protéger le pansement et la partie émergente du PICC. Il est alors important de vérifier que le patient sait utiliser le film alimentaire, de lui rappeler que la toilette quotidienne doit inclure le bras porteur du PICC. Séverine Bassomb, infirmière libérale à Paris, membre du Groupe Interdisciplinaire Francophone Accès Vasculaires (Gifav), suggère pour sa part le recours aux « manchons » ou « manchettes » imperméables vendus sur les sites de commerce électroniques qui protègent efficacement le bras pendant une douche. En cas de difficulté pour la douche, un lavage avec un gant de toilette peut être préférable. Dans tous les cas, il est important de rappeler au patient qu’il doit avertir l’infirmière en cas de pansement mouillé, souillé ou décollé, car il devra être refait très rapidement.

RETRAIT DU CATHÉTER

Indications

L’ablation du PICC est indiquée quand celui-ci n’est plus nécessaire ou en cas d’infection avérée du PICC, de thrombose veineuse avec syndrome infectieux, d’obstruction irrémédiable de la lumière interne ou de douleur incoercible. Dans ces cas de complications, le PICC est retiré après un avis spécialisé.

Conditions

L’infirmière est habilitée à réaliser l’ablation d’un cathéter central sur prescription médicale écrite, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment (Art. 8 Décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier).

Recommandations

Concernant le retrait du PICC, la Société française d’hygiène hospitalière recommande :

– une asepsie rigoureuse. Le patient et l’infirmière doivent porter un masque chirurgical. En revanche, l’utilisation de gants stériles n’est justifiée qu’en cas de mise en culture du cathéter ;

– une antisepsie par antiseptique alcoolique ;

– un retrait du PICC en tirant doucement, similaire au retrait d’un drain. En faisant pivoter légèrement le cathéter en cas d’adhérence, mais sans insister en cas de résistance forte au risque d’endommager la paroi veineuse et/ou de rompre le cathéter ;

– un transfert vers le centre de référence, après avoir fixé le PICC dans l’état, en cas de retrait impossible à cause d’une forte résistance ;

– l’application d’un point de compression pour éviter les saignements ;

– l’application d’un pansement stérile, absorbant et occlusif, pendant une heure après avoir pratiqué une désinfection cutanée ;

– la vérification de l’intégrité du dispositif, en comparant la longueur du PICC retiré avec sa longueur initiale ;

– le contact sans délai du centre de référence en cas de différence entre la longueur initiale et celle mesurée au retrait.

RETRAIT ACCIDENTEL DU PICC

Retrait accidentel partiel

En cas de retrait accidentel partiel du cathéter, l’infirmière doit prévenir le service référent. « Il ne faut en aucun cas réintroduire un PICC qui s’est un peu extériorisé », prévient Benoît Le Hasif, « pour des raisons d’hygiène bien sûr, mais également parce qu’il n’y a aucune garantie que le cathéter va reprendre le même chemin. En fonction du positionnement de l’extrémité du PICC et de la nature des médicaments perfusés, il existe un risque de dommages irréversibles ». L’infirmière libérale doit alors terminer le pansement du patient renvoyé vers le service qui a posé le PICC. « Celui-ci pourra parfois être réintégré en fonction du contrôle radiographique », informe l’IBODE.

Retrait accidentel total

Séverine Bassomb évoque le cas d’une patiente qui n’avait pas protégé son PICC pour prendre sa douche. Le pansement s’est décollé et la patiente a retrouvé le cathéter dans le bac de douche. Dans une telle situation, « l’infirmière doit récupérer le PICC et vérifier son intégrité en le comparant avec la longueur initiale avant d’appeler le service pour pouvoir décrire précisément l’incident », précise Benoît Le Hasif. « Si le PICC est tombé entièrement, c’est moins grave, mais si le PICC est partiellement tombé, c’est une urgence médicale qui peut justifier un transport médicalisé. Il y a un risque d’embolie pulmonaire grave », ajoute l’infirmier spécialisé.

Différents types de valves

→ Une valve anti-reflux ou anti-retour ne permet le passage de liquide que dans le sens perfusion vers le patient. Elle empêche toute remontée du liquide vers la ligne de perfusion (obligatoire pour toutes les PCA).

→ Une valve anti-siphon, c’est une valve antireflux qui s’ouvre à pression d’ouverture supérieure. Elle empêche le siphonnage d’une perfusion dans une autre en cas de dysfonctionnement du cathéter.

→ Une valve bidirectionnelle, autorise le passage de liquide de la perfusion vers le patient et du patient vers l’extérieur pour un prélèvement.

Point de vue

« Un des actes les plus techniques »

Séverine Bassomb infirmière libérale à Paris, membre du Groupe Interdisciplinaire Francophone Accès Vasculaires (Gifav).

De mon point de vue, la gestion d’un PICC est un des actes les plus techniques, rencontrés dans l’exercice libéral. Cette gestion exige de la place et du matériel, ainsi qu’une habitude et une maîtrise du geste, notamment parce que le renouvellement du pansement en lui-même n’est pas simple. La plupart du temps, les PICC n’étant pas maintenus au niveau de la peau par des points de suture, il y a toujours un risque de mobilisation du cathéter lors du retrait du pansement et du fixateur externe, ou lors du nettoyage autour du point d’insertion. Pour toutes ces raisons, la prise en charge d’un patient porteur d’un PICC fait partie de celles qui peuvent poser le plus de difficultés à domicile.

Composition du PIC

Le PICC est posé par ponction d’une veine profonde du bras, non dominant si possible, avec un contrôle et un guidage échographiques sous anesthésie locale. Le diamètre du cathéter est adapté à la lumière de la veine ponctionnée.

Critères de choix pour un accès veineux de courte et moyenne durées

Arbre décisionnel issu d’un travail du Groupe Interdisciplinaire Francophone Accès Vasculaires (Gifav) réalisé en 2019 avec le soutien des laboratoires Vygon. Le GIFAV rappelle qu’aucun arbre décisionnel ou algorithme ne peut se substituer à une discussion multidisciplinaire centrée sur les besoins spécifiques d’un patient.

Remarques :

– Le choix du type et du matériau du cathéter doit aussi prendre en compte le besoin d’injection à haut débit de produit de contraste pour les examens scanners et IRM.

– La durée d’implantation du cathéter périphérique court, variable selon le contexte (enfants, capital veineux restreint…), peut dépasser 96 heures sous réserve d’une surveillance attentive du site d’insertion et en l’absence de complications (signes inflammatoires, douleur durant ou en dehors des injections/perfusions, oedème du bras, fièvre).

– Le PICC et la Midline sont à éviter en cas d’un éventuel recours à la réalisation d’une fistule artério-veineuse

– Le PICC est préféré à la Midline et au cathéter périphérique en cas de prises de sang fréquentes.

– En cas de manque d’informations, si l’infirmière a un doute sur la qualité du cathéter, PICC ou Midline, elle n’injecte que les médicaments et solutés adaptés pour la voie périphérique, seuls autorisés pour la Midline.

PICC central et Midline périphérique

Avec un même point d’émergence cutanée, PICC et Midline exposent à un risque de confusion

Indication du PICC en fonction de la durée*

Durée de maintien d’un traitement à partir de laquelle un PICC peut remplacer un Cathéter veineux périphériques (CVP), et au-delà de laquelle il est souhaitable d’utiliser un dispositif intra-veineux de longue durée : cathéters veineux centraux (CVC) ou chambres à cathéter implantables (CCI).

*« Bonnes pratiques et gestion des risques associés aux PICC », CClin et Arlin du Sud-Est, 2014.