CAHIER DE FORMATION
SAVOIR FAIRE
La réfection du pansement d’un PICC n’est pas simple et nécessite une certaine dextérité pour un geste encore rare pour certaines infirmières. La prise en charge des systèmes de fixation, la maîtrise des valves bidirectionnelles et la technique du rinçage pulsé, demandent aussi une bonne connaissance du matériel.
Le pansement du PICC doit être stérile, occlusif et de préférence transparent pour permettre la surveillance du point d’insertion. Le pansement est changé tous les 8 jours au maximum (J + 7), tous les 4 jours s’il n’est pas transparent. Le premier pansement après la pose du PICC est souvent réalisé avec une compresse pour absorber les exsudations. Il doit être renouvelé au bout 24 h. En cas de souillure, sudation et décollement, le pansement doit être refait immédiatement.
La réfection du pansement de PICC est compliquée parce que le cathéter n’est le plus souvent pas fixé à la peau. C’est un geste qui nécessite de la concentration et de la dextérité. L’infirmière doit garder à l’esprit que le PICC peut bouger (et si le PICC est déplacé, le patient doit être envoyé à l’hôpital pour un contrôle radiographique). La réfection du pansement comprend le changement du système de fixation sans suture et de la valve bidirectionnelle proximale. « La réfection d’un pansement de PICC est plus complexe que celle d’un pansement sur cathéter central ou chambre implantable et nécessite un apprentissage ainsi qu’une formation », estime Séverine Bassomb, infirmière libérale à Paris, membre du Groupe Interdisciplinaire Francophone Accès Vasculaires (Gifav).
« Il est très important que l’installation du patient et du soignant soient ergonomiques », insiste Béatrice Adjamagbo, cadre infirmière hygiéniste, Centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins de l’Île-de-France (CPias IdF). « Le patient ne doit pas bouger pendant toute la durée du soin et le soignant doit avoir un accès facile au cathéter. Pour cela, il est préférable d’installer le patient couché en décubitus latéral du coté du PICC car le bras porteur du cathéter bascule et ne bouge plus ». À défaut, le patient est bien installé en décubitus dorsal ou assis le bras posé sur une table, paume de la main vers le haut. L’infirmière aussi doit être bien installée, ce qui n’est pas forcément évident à domicile. « Soit le lit est suffisamment haut pour travailler debout, soit le soignant doit prendre une chaise pour être installé à la bonne hauteur », précise l’ex cadre de l’HAD. Car le soin est plus ou moins long en fonction de l’expérience de l’infirmière. Il faut compter en moyenne une chan demi-heure pour prévoir le soin dans une tournée.
« Il est aussi essentiel de vérifier et de noter la longueur de la partie extériorisée du cathéter dès l’accueil du patient. Elle peut être repérée à travers le pansement transparent », ajoute Béatrice Adjamagbo. « Une bonne traçabilité dès le début de la prise en charge est indispensable pour surveiller que le PICC reste bien en place tout au long du parcours de soins du patient ». Les éléments de traçabilité comportent au minimum :
– la carte du porteur PICC (lot, marque, longueur) et le carnet de suivi, remis au patient dès la pose du cathéter ;
– la notification de toute manipulation, entretien ou utilisation du PICC dans le dossier de soins et le carnet de suivi. La longueur de la partie externe du cathéter à partir du point de ponction est précisée dès la première réfection du pansement ;
– la notification du type de valve en place (bidirectionnelle, nom de marque de la valve…).
« L’opérateur porte une tenue professionnelle propre, à défaut de tenue professionnelle, il porte une surblouse à usage unique… un masque de type chirurgical et une coiffe », précisent les recommandations de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). Si l’absence de coiffe ou charlotte peut être tolérée pour des cheveux très serrés ou très courts, la surblouse à usage unique est considérée comme la tenue de travail à domicile.
Le patient porte un masque de type chirurgical (recommandations SF2H). Ce n’est qu’à condition que le patient ne supporte pas le masque que l’infirmière lui demandera de tourner la tête du coté opposé au PICC. « Les cas où les patients ne supportent pas sont rares. Cela concerne par exemple les patients insuffisants respiratoires », fait remarquer Béatrice Adjamagbo. « Il faut expliquer au patient l’intérêt du masque et pourquoi il doit le porter. Le soin est un peu long et, par expérience, il n’est pas évident pour un patient de rester sans parler et sans tourner la tête pendant toute la durée du soin. Il a le réflexe de regarder ce que fait le soignant sur le bras porteur du cathéter ».
Le retrait du pansement transparent se fait avec des gants non stériles à usage unique après une friction hydro-alcoolique des mains. Les pansements transparents semi-perméables de type Tegaderm se retirent par étirement latéral pour limiter la douleur du patient et les mobilisations accidentelles du PICC. Lorsque le pansement est retiré, il faut désengager les ailettes du cathéter du système de fixation.
Parmi les systèmes de fixation les plus répandus, le Grip-lok semble plus facile à utiliser que le Statlock, dont il est parfois difficile de « déclipser » les ailettes du cathéter. « Il ne faut pas hésiter à forcer un peu pour débloquer les ailettes du Statlock », remarque Benoît Le Hasif, infirmier de bloc opératoire indépendant (IBODE) à Fontenay-le-Marmion (14320). Si le Grip-lok a l’avantage d’être plus plat, plus confortable pour le patient, le statlock assure une meilleure tenue du Picc, qui est bloqué par les ailettes (voir encadré).
« Il y a une technique pour changer le fixateur en évitant de faire bouger le cathéter. Il faut un minimum de formation ou d’expérience pour maîtriser le geste », explique Béatrice Adjamagbo, qui revient sur l’importance de bien installer le patient et le soignant. « Il faut travailler avec des gants stériles pour pouvoir maintenir le cathéter au point d’insertion avec une compresse stérile imprégnée d’antiseptique d’une main, et retirer le système de fixation avec l’autre main ». D’autant plus lorsque le fixateur est installé trop près de celui-ci, à moins de 1 à 1,5 cm, et que les manipulations sans contact avec le point de ponction sont plus difficiles. La cadre hygiéniste ajoute qu’il faut alors stabiliser le cathéter avec un adhésif de type Steri-Strip au niveau des raccords, assez loin du point d’insertion, pour maintenir le cathéter en place et pour pouvoir le soulever légèrement et nettoyer la peau en dessous. Dans ce cas, une autre paire de gants stériles est nécessaire pour la suite du soin.
Elle est réalisée selon les différents temps de l’antisepsie : détersion, rinçage, séchage à l’aide d’une compresse stérile, application d’un antiseptique alcoolique et séchage spontané. Séverine Bassomb conseille d’utiliser les antiseptiques recommandés comme la betadine alcoolique 5 % ou la chlorexidine alcoolique 2 %.
Après séchage spontané complet de l’antiseptique (voir délai d’action donné par le fabricant). Les ailettes du cathéter sont d’abord appliquées dans les encoches du Grip-lock ou clipsées dans les picots du Statlock. Le fixateur est collé à la peau et couvert d’un pansement suffisamment grand pour protéger le point d’insertion et le système de fixation du PICC dont il assure le maintien.
L’alcool éthylique modifié à 70 °C permet de désinfecter la valve avec une action rapide (30 secondes). Lors d’un traitement discontinu, il n’y a pas lieu de changer la valve à chaque perfusion si les inter-cures n’excèdent pas 7 jours. La valve bidirectionnelle doit alors être désinfectée et rincée à chaque utilisation.
En cas de perfusion continue ou de non-utilisation du PICC, la valve est changée tous les sept jours lors de la réfection programmée du pansement. « Avant de connecter une valve sur le PICC, il faut la purger comme une tubulure, sinon un faible volume d’air est injecté dans la perfusion », explique Benoît Le Hasif. « Même si ce volume est minime, il est d’usage de purger un dispositif avant de le connecter. Cela donne en plus une indication sur le type de valve. En fin de purge à la déconnexion de la seringue, si un petit volume liquidien est éjecté au bout de la valve, c’est une valve à pression positive ; si le liquide au bout de la valve est absorbé, il s’agit alors d’une valve à pression négative ou neutre », ajoute l’infirmier.
« L’intervention sur la valve proximale située en bout de PICC est un soin stérile réalisé dans les même conditions d’asepsie que pour la réfection du pansement du point d’émergence du cathéter », souligne Benoît Le Hasif. « La valve doit être protégée par un autre pansement transparent et quand il y a clamp, il doit rester apparent entre les deux pansements ». Si ce pansement n’est pas fourni, l’infirmière peut demander au prestataire des pansements semiperméables transparents de type Opsite supplémentaires. « Le fait de glisser une compresse sous la valve est discutable car cela crée un réservoir à macération », ajoute l’infirmier qui rappelle l’intérêt d’un tel pansement :
– transparent pour un contrôle visuel qui peut durer jusqu’à 7 jours en fonction du type de perfusion, et de repérer une ulcération provoquée par la pression de la valve chez un patient âgé ou affaibli, à peau fragile ;
– semi-perméable pour permettre à la peau de respirer, et prévenir ainsi toute accumulation d’humidité sous le pansement (transpiration).
« La pose de PICC est faite dans un contexte de gravité comme un cancer », rappelle Séverine Bassomb. Le patient a alors beaucoup d’informations à gérer. « Il est nécessaire de reprendre à domicile, dès la première visite, les explications qui ont pu être déjà données à l’hôpital, qui seront adaptées à l’environnement et à l’entourage. Par exemple, les manchettes imperméables vendues dans le commerce, à la charge du patient, pour protéger le pansement sous la douche ne sont pas forcément connues des infirmières de l’hôpital ». Outre les informations sur le risque de mobilisation du PICC, le patient doit connaître les signes d’infection et de thrombose. « Infection et thrombose justifient un déplacement aux urgences si le service de référence ne peut pas recevoir le patient. Un avis médical est obligatoire », souligne l’infirmière libérale.
S’agissant d’une voie centrale, le patient doit avertir l’infirmière en cas de rougeur, d’écoulement ou de saignement au point d’insertion. L’apparition de frissons et/ou de courbatures doit l’amener à vérifier sa température.
– la perfusion ne passe pas bien ;
– le retour veineux ne se fait pas ;
– le patient peut se plaindre d’une douleur, d’un bras qui gonfle (œdème), D’une rougeur localisée sur le trajet du PICC ;
– résistance au rinçage. « Une résistance au rinçage peut survenir sans autre signe de thrombose. Il est alors possible de signaler l’apparition d’une résistance auprès du correspondant du patient (hôpital, prestataire etc. et de mettre en place une surveillance accrue », conseille dans un premier temps Séverine Bassomb. La situation peut rester à ce stade jusqu’à la fin du traitement, soit s’accompagner d’autres signes de thrombose qui justifient une orientation vers le service de référence ou un service d’urgences.
Le cathéter inséré par voie périphérique expose à un risque de thrombose et de complications mécaniques supérieur à celui d’un cathéter de voie centrale implanté dans un gros tronc veineux. Plus il y a de lumières dans le PICC, plus leur diamètre est petit et le risque d’occlusion augmenté. Les PICC multilumières qui évitent le risque de précipitation entre des traitements incompatibles au sein du cathéter sont le plus souvent réservés à des indications précises (en cardiologie par exemple). Toutes les lumières se prolongeant jusqu’au bout du cathéter, elles doivent être toutes rincées en même temps que la lumière utilisée.
En dehors des traitements, le PICC est protégé par le pansement qui limite les risques de mobilisation. En cours de traitement, par exemple avec un diffuseur, une partie de la tubulure peut être extériorisée avec le risque d’être accrochée lors des déplacements. « Il est possible de fournir ou de prescrire des tubes en jersey qui sont enfilés sur le bras. C’est une protection supplémentaire pour le patient qui se mobilise », suggère Séverine Bassomb.
– Éviter de mouiller le pansement ;
– éviter toute compression (brassard, garrot…) ;
– eviter les travaux lourds qui sollicitent le bras ponctionné ;
– porter des vêtements amples facilitant l’accès au dispositif.
M. D, 65 ans, rentre de l’hôpital avec un PICC destiné à des perfusions par diffuseur. Il sera utilisé pour les traitements médicamenteux, mais également pour une nutrition parentérale, a priori temporaire. Le pansement de PICC est légèrement décollé.
Vous interrogez M. D sur les informations données à l’hôpital pour la gestion de son cathéter, et vérifiez ce qu’il en a retenu. Vous reprenez ensemble les conseils et les précautions à prendre qui ne sont pas acquis. Vous vérifiez que le cahier de suivi du PICC, la fiche de suivi ou le carnet de surveillance, stipulent bien la longueur de la partie émergente du PICC et le type de valve mise en place lors de la pose. Si ces informations sont absentes, vous contactez le service qui a posé le PICC pour les obtenir avant d’intervenir.
Béatrice Adjamagbo cadre infirmière hygiéniste au Centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins de l’Île-de-France (CPias IdF).
Le port du masque pour le patient n’est pas une recommandation à prendre à la légère, ni une option. Si le patient exprime des doutes, l’infirmière doit lui rappeler le risque de contamination et la responsabilité qu’il prend. C’est plus facile quand le soignant est lui-même convaincu.
→ Risque infectieux
Taux d’incidence des bactériémies pour 1 000 jours d’exposition au dispositif :
– 0,5 pour les cathéters veineux périphériques (CVP) ;
– 0,5 pour les chambres à cathéter implantables (CCI) ;
– 1 à 2 pour les cathéters centraux à insertion périphérique (PICC) ;
– 1,5 à 2,5 pour les cathéters veineux centraux à émergence cutanée (CVC).
→ Risque de thrombose veineuse
6,3 % > CVC : 1,3 %
→ Risque d’occlusion
Plus élevé pour les PICC / CVC
*« Bonnes pratiques et gestion des risques associés aux PICC », CClin et Arlin du Sud-Est, 2014.