De la pédagogie avant toutes choses - L'Infirmière Libérale Magazine n° 368 du 01/04/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 368 du 01/04/2020

 

CORONAVIRUS

ACTUALITÉ

Adrien Renaud  

Tous les professionnels de santé sont directement ou indirectement mobilisés face à l’épidémie de coronavirus qui sévit en France depuis février dernier. Le rôle des Idels ? Expliquer et rassurer… tout en se protégeant et en protégeant leurs patients, bien entendu.

LE RYTHME DE LA PROPAGATION D’UNE ÉPIDÉMIE N’A PAS GRAND-CHOSE À VOIR AVEC CELUI DE LA PRESSE MENSUELLE : quand L’Infirmière libérale magazine parviendra à ses lecteurs, le coronavirus aura peut-être complètement transformé le quotidien des soignants. Mais mi-mars, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’agent pathogène apparu en Chine fin 2019 a surtout eu deux conséquences concrètes sur la vie des infirmières libérales. Premièrement, celles qui travaillent dans les zones les plus touchées doivent porter un masque chirurgical. Et deuxièmement, elles passent beaucoup de temps à faire de la pédagogie.

« Tous les jours, auprès des mêmes personnes, on répète les mêmes choses : les gestes barrière, le lavage des mains, etc. », explique ainsi Anelise Pace, Idel installée à Crépy-en-Valois, une commune de l’Oise d’où était originaire le premier patient français décédé du coronavirus. « Bien entendu, on passe beaucoup plus de temps chez chacun, et cela rallonge les tournées, ajoute-telle. Mais on se doit de le faire. » Sophie Jeanne, une consœur d’Anelise qui travaille elle aussi en libéral à Crépy-en-Valois, le confirme. « Il y a tout un travail à faire pour rassurer les gens, dédramatiser ce qu’on entend à la télévision », détaille-t-elle.

Que les libérales se retrouvent en première ligne n’a rien d’étonnant : elles sont souvent les seules professionnelles de santé à avoir un contact régulier, voire quotidien, avec les patients. C’est donc elles qui doivent le plus souvent faire face aux questions. « Les gens ont besoin d’être rassurés, d’entendre notre version », témoigne Sophie. Celle-ci avoue que ce travail d’explication ne va pas sans difficultés. « ll y a parfois une sorte de peur panique dans l’air, on a l’impression de vivre dans une autre dimension », constate-t-elle.

Port du masque de rigueur

Par ailleurs, dans ce qui est considéré comme les zones les plus touchées, le port du masque s’impose. « On doit le porter quand on fait notre tournée », témoigne Katia Rannou, Idel installée à Lamorlaye dans l’Oise, à 40 km à l’ouest de Crépy-en-Valois, où un autre foyer épidémique est apparu début mars. Elle affirme se sentir suffisamment protégée, « à partir du moment où les consignes sont respectées », même si elle regrette de ne pas avoir accès aux masques filtrants de type FFP2, plus efficaces que les masques chirurgicaux mis à la disposition des Idels.

Tout le monde ne partage pas le sentiment de sécurité de Katia. « On sait bien que les masques chirurgicaux n’empêchent pas complètement le virus de passer », estime Sophie, à Crépy-en-Valois. « On porte surtout un masque pour protéger nos patients », déclare Anelise, qui explique que si l’objectif est de protéger les Idels, il faudrait que le patient mette, lui aussi, un masque… Ce qui n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. C’est pourquoi la vigilance reste de rigueur. « On s’autosurveille, je prends ma température deux ou trois fois par jour », indique par exemple une autre Idel de l’Oise, qui préfère rester anonyme.

Stop à la panique

Il n’est toutefois pas question de céder à la panique. « Nous constatons que les professionnels de santé ont bien intégré les mesures de prévention, affirme Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). La principale difficulté à laquelle nous sommes confrontés, c’est qu’il y a une surexposition médiatique de ce sujet et que la population que nous soignons est atteinte d’une espèce de phobie : au-delà d’un rôle de protection et de prévention, nous avons donc un gros travail de pédagogie à faire. » La responsable syndicale tient toutefois à maintenir la vigilance. « L’une de nos adhérentes a dû rester confinée, explique-t-elle. La question, dans ce cas, est de savoir qui doit s’occuper de ses patients. » Et Catherine Kirnidis d’insister, en cas de multiplication de ce type d’événements, sur la nécessité de l’entraide et de la coordination entre professionnels, notamment pour l’organisation des remplacements. Les Idels vont donc peut-être devoir se serrer les coudes… mais dans l’ordre et la sérénité !