Pour changer le regard sur l’Ehpad et valoriser les professionnels qui y travaillent, le collectif Les Métiers du grand âge a lancé la campagne “C’est la vie !”. Avec beaucoup d’humanité.
« SOUVENT, IL N’EST QUESTION QUE DE CHIFFRES, ICI ON PARLE DE VIE, DE LAVRAIE VIE », LANCE AVEC ENTHOUSIASME UNE AIDE-SOIGNANTE à la fin de la projection de la mini-série, en cinq épisodes, diffusée en février dans l’hémicycle du conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Modifier la perception sur les métiers du grand âge et sur ceux qui les exercent au quotidien, c’est bien là tout l’enjeu de cette campagne nationale intitulée “C’est la vie !”(1). Menée par le collectif Les Métiers du grand âge qui rassemble plus de 2 700 établissements privés, résidences et services d’aide à domicile, héberge et aide 250 000 personnes et emploie 130 000 salariés, elle a été diffusée une première fois en janvier sur France 2 et France 3. Une deuxième vague aura lieu en avril.
Si le message était clairement d’aller à l’encontre de ce qu’on a pu appeler “l’Ehpad bashing”, le format de la campagne restait à trouver. « Le style publicitaire, court, n’était pas adapté, car nous avions besoin de temps pour donner à voir la réalité, souligne Nathalie Pons, directrice générale adjointe de Havas Paris. L’idée était de mettre en scène des duos avec un lien privilégié entre la personne âgée et le professionnel. Cela n’avait aucun sens de prendre des comédiens. Nous avons fait appel auréalisateur Olivier Badinet qui a une grande capacité à montrer le réel avec un regard très juste. Il n’y a pas de décors, tout est authentique dans les épisodes. Bien entendu, le traitement cinématographique modernise, et valorise le secteur, mais cela reste la réalité des établissements privés. »
Sur les dix structures volontaires, toutes membres du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa), cinq ont été retenues. Le réalisateur est allé à la rencontre des personnels et des personnes âgées dans leur environnement quotidien. Tous les duos, qui crèvent l’écran de sincérité et de complicité, existent. Au fil des épisodes, on fait connaissance avec Marguerite et Martine l’aide-soignante, Claude et Sarah la psychologue, Arminda et Fatima la responsable d’hôtellerie, Hubert aux côtés d’Émilie la directrice et de Sandrine l’art-thérapeute, Daniel et Taïna l’aide-soignante thérapeutique. Sans tabou, ils parlent d’eux, de leur passé, de la vie, de l’amour, de la mort. Bien entendu, parfois le temps manque. Mais la relation qui s’établit tous les jours avec la personne âgée repose sur la confiance. » Cette relation est également très forte lorsque les soignants interviennent à domicile. « Les patients nous ouvrent la porte comme si nous étions de la famille, précise Éméric Vaillant, Idel à Amboise. Je les suis, pour certains, depuis de nombreuses années, donc forcément un lien se crée, même si je tiens à garder ma distance de professionnel. Quand la situation se dégrade, nous essayons d’anticiper afin que les personnes puissent visiter et choisir l’établissement. »
La majorité des personnes âgées vieillissent dans de bonnes conditions d’autonomie. Seuls 8 % des plus de 60 ans sont dépendants, ainsi qu’une personne de plus de 85 ans sur cinq, soit 20 %. Mais en 2060, le nombre des plus de 85 ans passera à 5 millions, au lieu de 1,4million aujourd’hui. L’enjeu est donc focalisé sur cette population, puisque l’âge moyen de la perte d’autonomie se situe à 83 ans. « Nous avons fait une grande confiance à l’agence Havas et au réalisateur, souligne Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa. Nous avons mis en avant les soins, l’hébergement et la qualité hôtelière, mais nous aurions pu faire dix films avec tous les métiers, notamment le cuisinier qui joue un rôle important. Nous avions vraiment besoin de porter un autre regard sur le secteur, de mettre en lumière le lien étroit qui unit les professionnels et les résidents, mais aussi de valoriser nos métiers et nos personnels pour susciter des vocations. Certes, 80 % des personnes de plus de 85 ans veulent rester à leur domicile, donc à mon sens, rien n’atténuera la douleur de la perte d’autonomie et du retour à la collectivité. Mais nous devons montrer tout ce que nous faisons, et faire connaître la vague de modernisation des Ehpad, sur tous les champs de notre activité, que nous avons conduite sur la période 2000-2015. » Sans oublier, bien entendu, l’humain. ?u
(1) https://cestlavie.fr/episodes/episode-1-marguerite-fait-du-cinema/