L’art-thérapie investit le champ des soins | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 369 du 01/05/2020

 

ART ET SANTÉ

L’EXERCICE AU QUOTIDIEN

Laure Martin  

Carine Sornon est infirmière libérale dans le Haut-Doubs. Passionnée d’expression artistique, elle a développé une activité d’art-thérapie.

Potière céramiste pendant dix ans en Alsace, j’ai toujours été intéressée par ce type d’expression artistique, tout comme par la musique. Mais après plusieurs années de pratique dans ce domaine, j’ai ressenti le besoin de me reconvertir. En 2006, j’ai suivi des études en soins infirmiers. Ma formation s’est révélée très enrichissante. Pendant mes stages, il m’est arrivé de venir avec ma guitare et de chanter pour les patients. Pendant ces moments-là, je me sentais tout aussi soignante que lorsque je faisais une prise de sang. J’ai d’ailleurs rédigé mon mémoire sur les activités thérapeutiques musicales en gérontopsychiatrie. Lorsque j’ai commencé à exercer en libéral, mon mari m’a poussée à chercher comment utiliser toutes les facettes de mes acquis professionnels. J’ai donc décidé de me former à l’art-thérapie, au sein de l’école Profac. La formation est prévue sur trois ans, mais grâce à la validation des acquis de l’expérience (VAE), j’ai pu suivre les cours pendant une seule année. Au cours de cette formation, je me suis rendu compte que l’art-thérapie est une discipline à part entière, qui trouve sa place et sa légitimité dans le champ des soins. Elle permet aux personnes, grâce à un médiateur comme l’argile, le dessin ou encore le chant, d’entrer dans une démarche de retour à soi. Il n’y a aucune finalité de production ou même esthétique. L’objectif est de partir de différents matériaux artistiques en demandant à la personne de laisser les choses se faire. Cette discipline est adaptée à un large public et s’adresse notamment à des patients atteints de maladies psychiques et cognitives. Mais en aucun cas, elle ne prend la place d’une autre thérapie. J’ai pensé développer cette activité à titre libéral, en parallèle de mon métier d’infirmière. Mais il est difficile de se constituer une patientèle, car le coût des séances (environ 55 € l’heure) est à la charge de la personne. Le but n’est pas de fidéliser les patients, mais de les encourager à trouver en eux-mêmes des ressources nouvelles. Ma démarche en libéral n’a pas été probante, j’ai dû arrêter. Je prévois de me tourner vers les institutions pour intervenir en tant que prestataire.

Fabrice Chardon, directeur d’enseignement et de recherche à l’Afratapem, l’École d’art-thérapie de Tours

L’art-thérapeute peut avoir une fonction de soutien, en valorisant concrètement des éléments qui fonctionnent chez le patient afin qu’il trouve en lui les capacités pour améliorer sa qualité de vie. Il peut aussi avoir une fonction de “remède”, en essayant de trouver la solution spécifique à un symptôme donné. L’art-thérapie n’a jamais guéri personne, en revanche, elle donne envie de guérir. Cette pratique possède trois pouvoirs. Un pouvoir d’entraînement, un pouvoir éducatif et un pouvoir relationnel, puisqu’elle peut se pratiquer seul, mais aussi de manière partagée. L’art-thérapeute va donc utiliser ces trois modalités pour travailler avec le patient. Mais il doit le laisser libre de ses choix. C’est indispensable car, dans le soin, il est rare d’avoir cette possibilité. Avec l’art-thérapie, le patient peut se considérer de nouveau.