À Toulouse, les Idels ont tissé une toile de liens interdépendants, le réseau associatif Sidéral santé. Il permet une communication rapide et efficace entre les associations de quartier, tant pour le partage d’informations que pour les besoins de remplacements, de matériel, etc. Sidéral santé a trouvé toute sa raison d’être dans la crise sanitaire actuelle.
« CE TYPE DE RASSEMBLEMENT ESTABSOLUMENT INDISPENSABLE, D’AUTANT PLUS EN CE MOMENT », assure Jacques Bourgeat, Idel toulousain et cofondateur du groupe Sidéral santé, interviewé en avril 2020, en pleine épidémie de Covid-19. C’est en 2000, pendant les grèves liées entre autres à la revalorisation de certains actes, que l’idée a germé. « À l’époque, on était regroupés en cabinets, mais isolés. Côté rive gauche, on se connaissait, nous n’étions pas en concurrence, mais notre souhait était d’officialiser cette façon de travailler ensemble en créant une structure commune », précise-t-il. Les professionnels ont déroulé la carte de la ville rose et pointé tous les cabinets. Des associations ont vu le jour peu à peu, secteur par secteur, créant une dynamique à l’origine de la naissance de Sidéral santé, un regroupement d’associations sur Toulouse et sa périphérie qui fédère près de 300 Idels autour d’une charte de qualité et d’une exigence de traçabilité. L’idée première des associations de quartier était donc l’entraide intercabinets : partager les visites aux patients lourdement atteints, remplacer une collègue malade, etc. Dans un premier temps, Sidéral santé a réalisé un travail pointu sur la traçabilité. Résultat : la création d’un dossier de soins complet, avec fiche de transmission ciblée, liaison hospitalière, etc. Si complet que la maison d’édition Berger-Levrault a contacté la petite équipe de bénévoles. L’éditeur a acheté et publié ce dossier de soins personnalisé (DSP), toujours d’actualité aujourd’hui.
L’infrastructure Sidéral a aussi facilité le rapprochement avec les institutions (Caisse primaire d’assurance maladie, Agence régionale de santé) et différents réseaux (obésité pédiatrique, respiratoire, rééducation à domicile, soins palliatifs), en servant de relais auprès des Idels. Fort de son succès, le groupe a élargi ses missions. Les adhérents ayant suivi des formations qualifiantes, de type diplôme universitaire ou autre, ont été invités à partager leur savoir avec leurs pairs (éducation thérapeutique, expertise en cicatrisation, etc.). En 2005, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) a confié à Sidéral la réalisation d’une campagne d’information sur les déchets à risque infectieux. D’autres projets ont suivi, sur l’hygiène ou encore les déclarations d’incidents auprès de l’ARS. Aujourd’hui, certaines actions sont soutenues par le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville. « Il est plus facile d’être reconnu lorsqu’on se regroupe », souligne Jacques Bourgeat. L’association représente également le secteur libéral au sein de l’Académie des sciences infirmières. Et tout cela demeure le fruit d’un travail bénévole. « Une quarantaine de personnes, des réunions entre 21 h et 1 h du matin, un foisonnement d’idées ! C’était fantastique de voir émerger ce rassemblement d’intelligence, cela nous a beaucoup soudés. Enfin, nous avions le sentiment de ne plus être seuls », se souvient l’Idel toulousain avec émotion. Mais cela demande de l’énergie et du temps, et Jacques Bourgeat s’est retiré du groupe pour se consacrer davantage à sa famille, tout en demeurant président de l’Association rive gauche des infirmières et infirmiers libéraux (Argiil 31).
Après plusieurs années à la présidence, Pascale Cazaneuve continue l’aventure au sein de Sidéral en tant que trésorière : « Notre culture du collectif trouve toute sa raison d’être en ce moment. Les infirmiers ne sont pas seuls, ils reçoivent les informations, peuvent poser des questions. » Dès les premiers signes de la crise, Sidéral a recensé les besoins des associations, en matériel notamment, et créé un groupe WhatsApp dédié. Le réseau a lancé une alerte au moment de l’ouverture des centres Covid (1) à Toulouse, invitant les Idels à rester auprès de leurs patients, tandis que d’autres soignants œuvraient dans ces structures éphémères. « Sidéral émet des recommandations, libre ensuite à chacun de décider », précise Pascale, également membre du bureau de l’Association de base des infirmières et infirmiers libéraux (Abdiil), dans le quartier des Minimes.
Le terrain reste la prérogative des structures de quartier, et des groupes WhatsApp Covid ont fleuri dans plusieurs associations, dont l’Abdiil, permettant une organisation rapide face aux événements. « C’est étonnant d’assister à cet élan de partage et de solidarité, comme la mutualisation des équipements pour assurer la tournée de celui qui prend en charge les patients atteints de Covid-19 », se réjouit Pascale Cazaneuve. Et le besoin de lien : « J’ai été stupéfaite de recenser 105 Idels sur notre groupe, alors que l’association ne compte qu’une trentaine de membres. Au-delà du nombre, l’efficacité du réseau demeure. J’ai dépanné une Idel, non membre d’Abdiil, de quatre tenues pour sa tournée. Elle avait lancé un appel sur le groupe. Elle a ainsi pu travailler dans de bonnes conditions. On réagit comme on a l’habitude de le faire », explique l’infirmière. Même constat pour Jacques Bourgeat du côté d’Argiil 31 : « On partage les bons plans, on trie les informations dont nous bombardent les institutions, ce qui fait baisser l’angoisse et ravive le sentiment d’être soutenu. » Et des quartiers jusqu’à Sidéral, la communication marche dans les deux sens. Jacques a ainsi annoncé la récupération de 500 flacons de solution hydroalcoolique pour en faire profiter ceux qui en avaient besoin sur les différents secteurs. Vivre le libéral ensemble, « les pieds sur terre, la tête dans les étoiles ! », comme le souligne la devise du groupe, tel est le leitmotiv de ces Idels toulousains. Sidéral n’a pas fini de sidérer par son rayonnement.
(1) Initiés par les URPS médecins, ces centres sont destinés à recevoir les patients suspectés d’être infectés par le coronavirus, afin de décharger les cabinets médicaux.
Pour en savoir plus : voir le site internet de la Structure interdisciplinaire et regroupement d’acteurs libéraux de santé (Sideral santé) à l’adresse www.sideralsante.org