Certains les applaudissent à 20 h et les soutiennent sur les réseaux sociaux, tandis que d’autres (ou les mêmes) mettent la main à la pâte pour faciliter le quotidien des soignants, à l’hôpital et en ville. Simples citoyens confinés, indépendants privés de travail, petites ou grandes entreprises répondent aux carences du système d’approvisionnement actuel.
Dans toute la France, les soignants se serrent les coudes, et la population est à leurs côtés. Ainsi, dans le Grand-Est, Jean-Marc Huss, menuisier charpentier à Offendorf (Bas-Rhin), et malgré lui sans activité, a offert un millier de masques FFP2 aux soignants. « En 2010, j’avais récupéré le stock d’un hôpital qui les avait jetés à la benne. Ils étaient dans un coin de mon atelier. J’ai appelé mon médecin traitant pour lui dire ce que j’avais retrouvé. » Le lot a rapidement été réparti entre les infirmières libérales, les médecins généralistes, l’Ehpad et le cabinet de biologie médicale du coin. À l’autre bout de la France, la maison Guasch, abattoir de Perpignan, a fourni des charlottes et des surblouses aux infirmières, ainsi que des combinaisons. « Ils nous ont donné le peu qu’ils avaient, mais c’était déjà plus que rien du tout pour nous », témoigne Elizabeth Charrier-Garreau, Idel et membre du collectif SOS soignants en danger. Depuis le début de la crise sanitaire, ce groupe fait du bruit en ligne via une campagne photo d’Idels en colère et nues. « Pour le moment, les médias ont relayé l’initiative, mais pas de réponse des institutions. La solidarité vient plutôt des professionnels et des particuliers », constate-t-elle. À Perpignan, un publicitaire a d’ailleurs proposé gratuitement ses espaces pour afficher les deux campagnes photos réalisées et alerter la population sur les conditions d’exercice des soignants.
Souvent en voiture, les Idels ont aussi pu compter sur l’aide de garagistes bienveillants. Dans le Grand-Est, ils ont offert des kits de protection des sièges aux infirmières à domicile, tandis que dans les Hautes-Pyrénées, l’un d’eux a prêté deux véhicules. « Ils servent pour les tournées des patients atteints de Covid-19 », confirme Lydie Cazerolles, Idel à Argelès-Gazost. Des tournées qui se multiplient également à l’initiative des cabinets, en bonne intelligence, dans de nombreuses régions.
L’infirmière pyrénéenne, en arrêt maladie, en profite pour remédier au manque criant de surblouses chez ses collègues : « J’ai pensé aux draps d’examen plastifiés ! Alors j’ai commandé à un fournisseur tout ce qu’il avait : un carton de six rouleaux. » Fin mars, elle dessine un prototype, prend contact avec des couturières amatrices et la production est lancée : découpe, couture, emballage, distribution… « Je me suis rendu compte que tous les cabinets de la vallée étaient démunis », soit une trentaine d’Idels au total. Avec les six rouleaux, l’équipe réalise plus d’une centaine de blouses. « Les chutes nous servent à fabriquer des calots, faute de charlottes », précise-t-elle. La mairie, de son côté, leur prête la salle des fêtes où s’est installé l’atelier de confection.
Ailleurs encore, des couturières passent leurs journées à confectionner des masques en tissu pour les soignants de la ville. « Certes, ce n’est pas l’idéal, mais c’est déjà ça », reconnaît Elizabeth Charrier-Garreau qui en a reçus. D’autres paramédicaux, au chômage technique, se retroussent les manches pour aider leurs collègues soignantes. À L’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse, Thomas Bailly est kinésithérapeute. Sans travail depuis le début du confinement, il coordonne les stocks de dons et prospecte auprès des entreprises locales. « J’ai proposé mon aide aux soignants, j’ai récupéré des masques, des surblouses. J’ai aussi préparé des kits Covid prêts à l’emploi pour les Idels, à utiliser en cas de suspicion pour se protéger. » Au total, 1 500 masques, 130 surblouses, des charlottes, etc., ont été récoltés en quelques jours. Toujours à L’Isle-sur-la-Sorgue, l’entreprise Rousselot, qui fabrique de la gélatine pour l’industrie pharmaceutique, s’est mise à la production de solution hydroalcoolique. « L’idée m’est venue en apprenant que L’Oréal avait reconverti ses lignes de production pour produire du gel hydroalcoolique. Il fallait qu’on le fasse aussi », explique le directeur Bertrand Tauzin. Quelque 500 litres ont été produits en une semaine, en majorité partagés entre les soignants libéraux locaux, les ambulanciers, les pompiers et les hôpitaux environnants. La crise actuelle a le mérite de fédérer. Dans ce village du Sud, les soignants qui se serrent les coudes pensent à créer une communauté professionnelle territoriale de santé après la crise. Quant à SOS soignants en danger, une association devrait voir le jour pour réunir les paramédicaux autour d’actions de sensibilisation du grand public.
Mi-mars, un passionné d’informatique lançait un “hackaton” en ligne, un marathon destiné à créer, grâce à l’esprit collectif, des outils informatiques : Hack la crise a permis de réunir en ligne 850 personnes. De cette rencontre virtuelle ont émergé neuf projets pour faciliter la vie en période de confinement et de crise sanitaire. Le projet “SOS équipements” est aujourd’hui en ligne et permet de récupérer des dons de matériels ou d’en mettre à disposition (masques, surblouses, visières, etc.). En quelques clics, il est possible de trouver des solutions près de chez soi.
La communauté de la santé mentale se mobilise pour offrir un sas d’expression et d’écoute aux soignants en première ligne, par le biais de différents canaux.
L’association SPS a ouvert une plate-forme spécifique d’écoute dédiée aux professionnels de santé et du secteur médico-social touchés par la crise actuelle. La ligne permet de trouver une oreille attentive et, au besoin, d’être réorienté vers un psychologue, un médecin ou un psychiatre pour une téléconsultation gratuite. Le dispositif spécifique est accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Autre solution en cas de coup de mou, la Société française de psychologie analytique (SFPA) propose une série d’entretiens téléphoniques (jusqu’à cinq) avec des psychanalystes bénévoles. Enfin, PsyForMed, une plate-forme francophone de prise de rendez-vous téléphoniques, met en relation soignants en détresse psychologique et psychologues bénévoles.
Pour en savoir plus : SPS au 0805 23 23 36 ; SFPA : covid19-soutienpsybenevole@cgjungfrance.com ; PsyForMed : psyformed.com