L'infirmière Libérale Magazine n° 370 du 01/06/2020

 

LA VIE DES AUTRES

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Laure Martin  

Chef de service au sein de l’Union départementale des associations familiales (Udaf) de la Gironde, Aline Sapina a longtemps exercé comme déléguée aux prestations familiales pour venir en aide aux familles en situation précaire.

« Dans le cadre de ma formation de conseillère en économie sociale et familiale (Cesf), j’avais effectué mon stage professionnel auprès d’une déléguée aux prestations familiales, confie Aline Sapina. J’ai su alors que c’était le métier que je voulais exercer. » À l’époque, pour prétendre à ce poste, il faut être âgé d’au moins 25 ans et avoir trois ans d’exercice en tant que travailleur social. Aline débute donc sa carrière en milieu hospitalier, dans la gestion du personnel d’entretien et de restauration. Cinq ans plus tard, en 1991, son ancienne monitrice de stage la contacte pour l’informer qu’un poste est désormais disponible. Aline Sapina intègre l’Udaf la même année.

Une intervention sous mandat du juge

Le délégué aux prestations familiales intervient dans le cadre d’une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial, prise par le juge des enfants, dans le cadre de la protection de l’enfance. La mesure s’impose à la famille, qui a quinze jours pour faire appel. Le juge, qui peut s’autosaisir, est également amené à prendre une telle décision lorsqu’un service social, une structure éducative, voire une famille directement, l’informent des difficultés traversées. « Il faut qu’il y ait au moins un mineur au sein de la famille bénéficiaire des allocations familiales et qu’elle soit confrontée à des problèmes financiers qui concernent les enfants, comme une dette de cantine ou d’électricité, un risque d’expulsion, précise Aline Sapina. Notre travail va donc consister à aider la famille à adopter une meilleure gestion de son budget. »

Le délégué aux prestations familiales intervient également dans les familles dont les enfants sont placés. Il va alors les aider à gérer leur budget pour permettre un accueil favorable de l’enfant lorsqu’il vient en visite. Pour mener à bien sa mission, dès lors qu’une mesure judiciaire est prise pour une famille, le délégué en informe la Caisse d’allocations familiales (CAF) ou la Mutualité sociale agricole (MSA) et leur demande de verser à l’Udaf les prestations normalement perçues par la famille.

Accompagner, sans se substituer

Chaque délégué aux prestations familiales gère environ 35 dossiers. Dès qu’il reçoit un jugement, il peut consulter celui de la famille auprès du tribunal pour comprendre la mesure prise et s’informer sur la situation familiale. Le délégué envoie ensuite un courrier à la famille afin de proposer une rencontre à domicile. « En tant que chef de service, j’accompagne toujours le délégué au premier rendez-vous, notamment pour vérifier les conditions de vie des enfants, rapporte Aline Sapina. Il est important que la famille constate que c’est tout un service qui est en charge de son cas, et non un seul professionnel. » Ce rendez-vous initial est l’occasion pour le délégué d’expliquer la mesure et l’aide qu’il va apporter, qui consiste dans un premier temps à prendre le relais pour proposer un plan échelonné de paiement des factures afin d’éviter à la famille et aux enfants de se retrouver un peu plus en situation de précarité. « Certaines ne prétendent pas à toutes les aides auxquelles elles ont droit par manque d’information. C’est l’occasion de montrer que nous sommes mandatés pour les accompagner, pour “faire avec eux” et non “à leur place”.

Un service à la parentalité

L’objectif est en effet de rendre les familles autonomes. « Cette mesure judiciaire est un soutien à la parentalité, indique Aline Sapina. Nous nous appuyons sur les compétences des parents pour leur redonner des repères de gestion. Nous les encourageons à ne pas faire de dépenses supérieures à leurs ressources, à faire des provisions pour des factures futures, par exemple pour payer les activités en centre de loisirs des enfants. » Le délégué aide les familles à évaluer les besoins de leurs enfants et les dépenses qui en découlent. Au cours des premiers mois d’accompagnement, il peut se rendre au domicile de la famille afin d’autonomiser les parents, et d’aboutir à une gestion libre des prestations familiales. À l’issue de la procédure, le délégué rend compte au juge des enfants. « Nous lui adressons un rapport indiquant l’accompagnement qui a été mis en place dans l’intérêt des enfants et nous pouvons aussi préciser si nous souhaitons une continuité de la mesure, avec l’avis de la famille », conclut Aline Sapina.

Les missions et le rôle des Udaf

L’Udaf est une institution chargée, à l’échelon départemental, des mêmes missions que l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Cette dernière remplit quatre rôles : émettre des avis destinés au gouvernement, représenter officiellement l’ensemble des familles auprès de l’administration, gérer tout service d’intérêt familial confié par les pouvoirs publics et saisir la justice. Les Udaf ont le statut d’association loi 1901 et sont reconnues d’utilité publique. Il en existe 99, qui représentent les intérêts familiaux et mènent l’action politique locale et départementale en faveur des familles. Leurs adhérents sont de deux types : les membres actifs (associations familiales, fédérations départementales d’associations familiales, sections départementales ou locales des associations nationales familiales) et les membres associés tels que les groupements à but familial, qui ne constituent pas des associations familiales au sens juridique du terme, mais exercent dans le département une activité de services aux familles.

Elle dit de vous !

« Les métiers de délégué aux prestations familiales et d’infirmière présentent des similitudes. Nous intervenons au domicile des familles, nous entrons dans leur intimité. Nous nous croisons parfois sur le terrain. Nous pouvons aussi échanger par téléphone, notamment lorsqu’il y a un problème de santé chez les parents susceptible d’avoir des conséquences sur les enfants. Il est donc fondamental que les Idels connaissent notre rôle, et qu’elles fassent la différence entre notre sphère d’intervention et celle du mandataire judiciaire(1), qui exerce des mesures de tutelle et de curatelle ordonnées par le juge des contentieux de la protection. Elles pensent que nous pouvons intervenir dans certaines situations, alors que cela ne relève pas de nos compétences. Par exemple, nous n’avons pas accès aux comptes bancaires ni aucun lien avec les médecins. »

(1) Voir “la vie des autres” du n° 369.