Contribuer au dépistage du mélanome - L'Infirmière Libérale Magazine n° 371 du 01/07/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 371 du 01/07/2020

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

L’infirmière peut contribuer au dépistage précoce d’un mélanome, gage de meilleures chances de guérison. Les traitements médicamenteux, qui ont amélioré l’état des patients ces dernières années, nécessitent un accompagnement pour surmonter leurs contraintes de prise et leurs éventuels effets indésirables.

« Votre activité vous permet le plus souvent d’avoir accès à la peau des patients. Il est important de bien connaître les facteurs de risque, environnementaux et professionnels, et les premiers signes d’alerte », souligne un document sur la détection précoce des cancers de la peau de l’Institut national du cancer (INCa) à l’usage des infirmiers et des kinésithérapeutes. Le dépistage et le diagnostic précoce d’un mélanome majorent les chances de guérison. Plus le diagnostic est tardif, moins les traitements existants sont efficaces. Quelques mois peuvent suffire pour qu’un mélanome devienne très agressif et génère des métastases.

ÉVALUER LE RISQUE

Patients à risque

Questions à (se) poser

Quelques questions permettent de faire le point sur le niveau de risque du patient :

- a-t-il des antécédents personnels ou familiaux de cancers de la peau ?

- bronze-t-il difficilement ou estil sujet aux coups de soleil ?

- a-t-il eu des coups de soleil avec brûlures au second degré (avec érythème et cloques) pendant l’enfance ou l’adolescence ?

- présente-t-il plus de quarante grains de beauté ou des grains de beauté larges de plus de 5 mm et irréguliers ?

- est-il régulièrement exposé à des UV artificiels (soudure à l’arc, etc.) ?

- travaille-t-il ou a-t-il travaillé à un poste exposant aux facteurs de risque (UV, arsenic, hydrocarbures aromatiques polycycliques, rayonnements ionisants) comme une activité à l’extérieur, la soudure des métaux, la sidérurgie, la radiologie médicale et industrielle, l’usage de pesticides arsenicaux ?

- a-t-il une immunodépression, qu’elle soit constitutionnelle ou acquise (traitement immunosuppresseur, infection au VIH) ?

Interprétation(1)

Une réponse positive à l’une de ces questions doit faire considérer le patient comme à risque vis-àvis du cancer de la peau et justifie un suivi spécifique.

De manière générale, sont considérées comme présentant un risque plus élevé de développer un cancer cutané les personnes :

- avec une peau très blanche ou claire, des cheveux roux, blonds ou châtains clairs, des yeux bleus, verts ou clairs ;

- avec de nombreux grains de beauté.

SURVEILLANCE DU PATIENT À RISQUE

Si le patient présente une tache cutanée suspecte selon la règle ABCDE (voir partie Savoir) ou certains facteurs de risque, incitezle à consulter son médecin traitant qui l’orientera si besoin vers un dermatologue pour confirmer s’il s’agit ou non d’un mélanome. C’est le dermatologue qui évalue la fréquence de la surveillance. Pour les personnes à risque, il est généralement recommandé :

- d’effectuer un auto-examen de la peau par trimestre (voir plus loin) ;

- de se faire examiner par un dermatologue une fois par an.

L’AUTO-EXAMEN CUTANÉ(2)

L’auto-examen permet de passer en revue la totalité de sa peau. Le patient peut aussi demander l’aide d’une personne de son entourage.

Examen direct

Le patient examine à l’œil nu les paumes de ses mains, la plante de ses pieds, ses ongles, ses doigts et orteils et les espaces entre chacun d’eux, la face avant de ses bras et avant-bras, ses cuisses et ses jambes.

Examen avec miroir en pied

Le patient se place devant un miroir en pied vertical et examine sa peau de haut en bas. Il tourne vers le miroir le côté gauche puis le côté droit de son corps, les bras levés à la verticale.

Examen avec miroir à main

Le patient s’aide d’un miroir à main pour les zones de peau non accessibles à la vue. Assis sur un tabouret, il surélève chaque jambe pour examiner :

- la face interne, externe et postérieure du mollet et de la cuisse ;

- la face postérieure des bras, de la nuque, du dos, le cuir chevelu et la région génitale.

(1) « Aide pour votre pratique du dépistage des cancers cutanés », INCa, sur e-cancer.fr

(2) Stratégie de diagnostic précoce du mélanome, HAS, octobre 2006.

Cas clinique 1

Vous vous rendez chez Mme Y pour soigner une plaie consécutive à une chute de vélo et vous remarquez une tache brun foncé sur son avant-bras, dont les bords et le relief présentent un aspect irrégulier. Vous conseillez à Mme Y de montrer cette tache à un dermatologue. Lorsque vous revenez la semaine suivante, Mme Y vous dit avoir obtenu un rendez-vous dans quatre mois.

Vous expliquez à Mme Y que cette tache est inquiétante, qu’il pourrait s’agir d’un cancer de la peau qui, si c’est le cas, doit être pris en charge rapidement. Vous incitez votre patiente à rappeler le cabinet du dermatologue en précisant que cette tache inquiète l’infirmière libérale, qui redoute un mélanome et serait rassurée par une consultation plus précoce.

Mélanome sous-unguéal

Confondre ce mélanome avec un hématome retarde le diagnostic, avec des conséquences qui peuvent être graves.

L’avis du spé

Différencier verrue, durillon et mélanome

Michel Vadon, responsable du secteur podologie au service de dermato-oncologie du CHU de la Timone à Marseille

L’importance du dépistage des mélanomes plantaires, qui représentent 1 à 7 % des cas de mélanome, ne doit pas être sous-estimée. Ce type de mélanome touche des personnes de tous les âges et de tous les phototypes, et notamment celles à peau très brune ou noire. Il peut notamment être confondu avec une verrue ou un durillon infecté qui ne cicatrise pas, surtout en cas de mélanome achromique sans coloration brune. À l’instar des autres soignants qui ont l’occasion d’observer l’intégrité corporelle des patients, les infirmières libérales ont un rôle à jouer dans le dépistage des mélanomes plantaires, ce qui peut sauver la vie des personnes atteintes. L’infirmière doit notamment orienter le patient vers un dermatologue en présence d’une “verrue” plantaire qui ne guérit pas malgré un traitement bien conduit. D’autant plus si cette “verrue” prend un aspect atypique pour ressembler à un bourgeon charnu ou si elle devient profonde et douloureuse. Dans ce cas, le traitement de la verrue n’aggrave pas le mélanome, mais retarde son diagnostic. Il en va de même en présence d’un “durillon” qui ne guérit pas et qui change d’aspect en devenant bourgeonnant ou suintant, ou qui prend une couleur atypique, bicolore ou violacée.

Question de patient

Gratter un grain de beauté augmente-t-il le risque de mélanome ?

Non, c’est une idée reçue. Gratter un grain de beauté et le faire saigner ne favorise pas l’apparition d’un mélanome. De la même manière, percer un bouton ou retirer un poil sur le grain de beauté est sans danger.

Amputation due à un mélanome

Un mélanome sous-unguéal peut conduire à une amputation, d’où l’intérêt d’un dépistage précoce.