L'infirmière Libérale Magazine n° 371 du 01/07/2020

 

PRODUITS DE SANTÉ

ACTUALITÉ

Anne-Lise Favier  

LE GROUPEMENT EPI-PHARE (1) A RENDU SON TROISIÈME RAPPORT SUR LA CONSOMMATION DEMÉDICAMENTS EN FRANCE PENDANT LE CONFINEMENT. Si le premier, avait observé un phénomène de stockage et une baisse des vaccins, le deuxième avait constaté un retour à une normalisation de la consommation des traitements pour les maladies chroniques, mais toujours une baisse des vaccins et des produits de santé nécessaires aux actes diagnostiques (IRM, scanner, coloscopie). Deux cas de figure qui s’expliquent par la réticence des patients à sortir, le recul des consultations chez les médecins généralistes et le report de nombreux actes non urgents. Le troisième et dernier rapport d’EPI-Phare, paru début juin, revient sur les deux mois du confinement. Il montre que l’épidémie de Covid-19 a profondément déstabilisé la consommation des médicaments de ville, la forte demande pour certaines classes thérapeutiques étant contrebalancée par l’effondrement d’autres spécialités.

Les traitements chroniques en berne

Dans le détail, l’instauration de nouveaux traitements affiche notamment un net recul : - 39% pour les antihypertenseurs, - 48,5% pour les antidiabétiques et - 49% pour les statines. Cela corrobore le déficit de diagnostics d’infarctus et d’accidents vasculaires cérébraux durant le confinement, et la très forte baisse d’activité de la médecine générale (hors Covid-19). Selon EPIPhare, ces baisses correspondent à 100 000 hypertendus non diagnostiqués et traités, 37 500 diabétiques et 70 000 personnes relevant d’un traitement par les statines. Un retard qu’il faudra résorber pour maintenir un délai d’accès raisonnable aux examens diagnostiques. Avec la fermeture des crèches et des écoles, la consommation d’anti - biotiques chez l’enfant a en outre diminué de façon importante.

Parmi les classes thérapeutiques en augmentation, notamment au cours de la première semaine du déconfinement, les hypnotiques prédominent (+ 6,9%), suivis dans une moindre mesure par les anxiolytiques (+ 1,2%) et les traitements contre la dépendance aux opiacés (+ 1,4 %). Cette tendance peut s’expliquer par les conséquences sociales, professionnelles et économiques du confinement, qui ont pu entraîner des troubles du sommeil et de l’anxiété. L’étude ne montre pas, pour l’heure, une hausse de la consommation des anti-dépresseurs.

Retour au calme après l’emballement

Quant aux médicaments directement liés à l’épidémie de Covid-19, le paracétamol a connu un boom au début du confinement, avec un pic de consommation le 16 mars (plus d’un million de prescriptions), mais depuis le déconfinement, sa consommation continue de décroître. À l’inverse, l’ibuprofène, un anti-inflammatoire utilisé pour ses propriétés antipyrétiques, a largement été boudé, sans doute en raison de la mise en garde des autorités face à un risque potentiel d’aggravation de l’infection au nouveau coronavirus. Du côté de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine, potentiel traitement contre la Covid-19, sa consommation a surtout augmenté en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cela est dû à la fois à la médiatisation du produit, mais aussi à la peur de manquer chez les patients habituellement traités par ces molécules lors de certaines maladies (lupus, polyarthrite). EPI-Phare estime à environ 41 000 le nombre de personnes supplémentaires ayant acquis de l’hydroxychloroquine (plus rarement de la chloroquine), souvent parmi les classes sociales plus jeunes et plus favorisées que la population hospitalisée pour cause de Covid-19. Après le confinement, les deux spécialités vantées par le Pr Didier Raoult ont connu une baisse de consommation, probablement consécutive à la mise en cause de leurs effets par plusieurs études.

La surveillance mise en place sera poursuivie jusqu’au retour à une situation normale : « Elle est importante pour les vaccins et les produits à visée de diagnostic et de prévention, pour les maladies chroniques à risque de complications sévères, pour les maladies psychiatriques et les maladies à risque de décompensation par le confinement », concluent les experts..

(1) Le groupement EPI-Phare, créé en 2018 par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), coordonne et réalise des études de pharmaco-épidémiologie pour éclairer les décisions des pouvoirs publics.

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